Après toute une série caractérisée par le fait de voir Red Sonja propulsée durablement au XXI° siècle, faire de la moto ou porter des jeans, Dynamite revient à la « substantifique moëlle » du personnage, dans son ère d’origine. Mais si les diverses couvertures variantes de l’éditeur nous montrer la Sonja « classique », en bikini métal, il y a bien une nouvelle approche, ce qui n’empêche pas de revisiter la terre natale de l’héroïne…
Scénario de Mark Russell
Dessins de Mirko Colak
Parution aux USA le mercredi 6 février 2019
Personnage à l’origine dérivée de la mythologie de Conan, Red Sonja a d’abord été publiée dans les années soixante-dix, en pleine libération sexuelle. Si bien que même si son cocréateur, Barry Windsor-Smith, l’avait au début paré d’une épaisse cote de maille y compris au niveau de la poitrine, le profil iconique qui s’est finalement imposé est celui d’une rousse pulpeuse, portant tout au plus un bikini en métal, bien souvent sans prendre en compte la météo ambiante. Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige, qu’il fasse nuit ou qu’elle soit sous un soleil caniculaire, Red Sonja est, pour un ou deux générations de lecteurs, indissociable de son bikini de vierge guerrière. Ces dernières années Dynamite a cependant cherché à corriger le tir, en revoyant à l’occasion l’accoutrement de Sonja. Et quand bien même certains nostalgiques crient au scandale, ça n’a rien d’un crime de lèse-majesté. Avec le temps aussi Conan – qu’on représente souvent avec un simple pagne en fourrure – en est venu lui aussi à porter des tuniques et autres tenues qui le font moins ressembler à un Chippendale. Et inversement Red Sonja ne se limite pas à un « soutif » en métal. La base du personnage c’est bien d’installer dans cette ère barbare un personnage féminin avec une volonté au moins égale à Conan, qui n’a rien à lui envier et qui peut se révéler toute aussi dangereuse. Après une longue saga qui projetait Sonja dans le monde moderne, Mark Russell et Mirko Colak entreprennent donc de revenir à quelque chose de très proche de l’idée d’origine. Voici donc une Red Sonja « couverte » qui, sans doute, provoquera des cris d’orfraie à base de « ce n’est plus le même costume que quand j’avais 14 ans ». D’autant que ce n’est pas la première fois que Dynamite utilise une Red Sonja moins dévêtue mais la majeure partie des projets précédents surjouaient la chose. Mais il y a cette fois une forme de naturel et de sérieux. Russell comprend qu’il ne doit pas s’en tenir à l’esthétique. Qu’il faut avant tout écrire Red Sonja comme on écrirait Conan ou, mieux, l’équivalent féminin d’un Eastwood dans Pale Rider. Sonja est brutale, cynique, mieux vaut ne pas la chercher. Et c’est ce caractère qui fait son personnage, bien plus qu’un choix d’accoutrement.
Le dessinateur serbe Mirko Colak profite de ce redémarrage et de ce changement de décor (Sonja retourne Hyrkania, terre qu’elle a quitté depuis des années) pour représenter l’ère barbare avec un certain droit d’inventaire. Ce n’est pas simplement que Red Sonja ne ressemble plus forcément à une effeuilleuse (sans préjuger de ce que nous réserve les épisodes à venir) mais dans l’ensemble tous les personnages ont des tenues à la fois couvrantes et fonctionnelles, souvent inspirées de la culture du Moyen-Orient. Comme pour conforter ce qui est dit plus haut, l’impression d’un Pale Rider au féminin), Colak prend soin de manière régulière de cacher le visage de Sonja, à contre-jour ou derrière ses cheveux dans certaines scènes où elle se fait plus violente, ce qui lui donne un air plus terrible, comme si elle était un esprit vengeur. Bien qu’il ait un style différent de R.M. Guerra, Colak représente ce monde avec une dureté renouvelée. Le monde de Red Sonja en ressort moins « barbare à la Marvel » et plus proche d’une ambiance « ancien testament » façon The Goddamned, peut-être plus proche, en un sens, de ce que Robert E. Howard envisageait pour une partie de ses personnages quand il écrivait. Après le précédent volume qui pouvait paraître iconoclaste, cette version de Red Sonja fait largement moins de concessions. Le « hic », peut-être, étant que Dynamite fonctionne essentiellement avec les mêmes cover-artists qu’avant et que ceux-ci représentent la Sonja qu’ils ont toujours connus (celle au bikini métal). Du coup une partie du public risque de passer à côté en pensant que c’est juste une énième série d’une Red Sonja déjà vue et revue. Et inversement le lectorat attiré par la capacité mammaire de Sonja sur la couverture risque de déchanter en lisant l’histoire. Bref, voici une Red Sonja sur laquelle il ne faut pas se fier aux apparences (et aux couvertures, quand bien même jolies) mais qui n’a rien perdu de son caractère.
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