Deuxième et ultime saut dans le temps pour la série Walking Dead. Du temps est passé. Les survivants se sont accoutumés à leur monde et ont même « monétisé » les derniers morts-vivants tandis que l’ombre de Rick Grimes plane toujours. Carl est un peu comme un ancien combattant qui ressasse une guerre que d’autres ont oublié. Mais quand un « marcheur » s’introduit dans sa propriété. Carl reprend alors ses vieilles habitudes. Mais la société a changé…
Scénario de Robert Kirkman
Dessin de Charlie Adlard
Parution aux USA le mercredi 3 juillet 2019
Certains grands runs de l’Histoire des comics ont en commun de soigner leur sortie de la même manière, en passant par une accélération vers l’avenir. On citera les classiques : le dernier épisode du run initial de Peter David sur Incredible Hulk, la fin de l’ère Geoff Johns sur Green Lantern et, on l’avait déjà noté à l’époque, la conclusion d’Invincible où Robert Kirkman avait déjà gouté à cette recette. Comme pour Invincible mais en encore plus fort, sans doute, la difficulté ici c’est qu’il ne s’agit pas d’une fin de run. Aucun auteur ne reprendra le mois prochain les aventures de la famille Grimes « dans la prairie ». Il faut conclure, refermer un monde. Ce qui permet à Carl, comme aux lecteurs, de regarder vers l’arrière avec une pointe de regret, une certaine mélancolie. Kirkman et Adlard opèrent donc en montrant que le nouveau monde de Walking Dead n’est pas parfait. Pire, qu’il reproduit dans une certaine mesure les erreurs qui ont précédé. Il y a une autre femme de pouvoir qui gâte trop un fils corrompu, une sorte de nouveau Sébastian Milton. Il y a un type qui a un peu hérité de la cellule de Negan. Il y a une communauté qui s’est endormie sur ses lauriers. Il y a l’idée, finalement, que les personnages étaient peut-être plus vivants quand ils luttaient pour ne pas mourir. Kirkman s’amuse un peu au jeu du « que sont-ils devenus » mais dans le même temps se garde quelques visages connus hors-champs, comme s’ils étaient devenus des légendes urbaines. Le lecteur attentif reconnaitra cependant quelques têtes parmi les visages des passants. On soulignera le talent d’Adlard pour représenter des visages plus vieux mais reconnaissables (Carl, par exemple, ressemble plus que jamais à Rick). Ce qui est intéressant c’est que les auteurs donnent à la série la fin qu’on pouvait prévoir. Mais l’astuce de ne pas l’annoncer et la manière adéquate de la raconter fait que, s’il y en a bien un ou deux qui crieront au « prévisible », cette fin est racontée de façon satisfaisante. Walking Dead devient un tout, un cycle refermé où, si on aura bien traversé un ou deux arcs dispensables, l’ensemble tient la route. On relira Walking Dead dans les années à venir comme on relit, dans des genres différents, Akira, Sandman, Lone Wolf & Cub, ou Y The Last Man.
Cette semaine Walking Dead est finalement mort. Ou arrivé à son terme, c’est tout comme. Robert Kirkman et Charlie Adlard ont éteint leur série en faisant un « coup », une surprise qui, paradoxalement, rassure par sa simple existence. Il est heureux que les comics puissent encore surprendre à l’heure où le jeu des sollicits et des exclus dans la presse généraliste fait que tout ou son contraire est en général annoncé deux ou trois mois à l’avance, qu’un crossover n’est pas terminé qu’on en est déjà à teaser les retombées du suivant. Rassurant, aussi, de voir deux auteurs ne pas s’accrocher à leur poule aux œufs d’or, quand bien même elle est au centre d’un véritable empire multimédia qui cumule séries TV, jeux vidéo, figurines, audio-books et autres trouvailles. Certes Kirkman et Adlard sont désormais à l’abri, financièrement, mais ils auraient pu faire durer la chose encore bien des années (même si les ventes n’étaient plus, il est vrai, aux alentours de 75.000 comme par le passé). C’était attendu. C’était acquis. C’était dans les convenances. Ce qui n’est plus dans les habitudes, finalement, c’est qu’un auteur dise qu’il ne faisait pas ça que pour l’argent mais aussi pour la beauté du truc et qu’il préfère ne pas tirer sur la corde (même si après tout rien n’empêche les deux compères de revenir un jour sur un spin-off, centré par exemple sur Negan). Reste à voir cependant dans quel état cela laissera Image Comics, privé d’un navire amiral ou plus largement l’industrie des comics dans une année 2019 où, clairement, les lignes sont en train de bouger. Il y a, clairement, des comic-shops à la marge que la disparition des rentrées d’argent des deux TBP par année de Walking Dead ne va pas arranger. Même en France, quand on y pense, Walking Dead influait sur les parts de marché des comics en VF et sa conclusion, l’absence d’albums nouveaux à paraître pourra se faire sentir. Entre la disparition de Vertigo, celle, programmée, du magazine Mad, la fin du BPRD de Mignola, le premier semestre voit s’en aller un certain nombre de repères qui ont guidé les comics américains ces dernières années ou ces dernières décennies.
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