Dessin de Jack Kirby, G. Tuska et J. Sparling.
Déjà disponible sur neofelis-editions.com
Si vous connaissez un minimum les comics (et même, désormais, si vous ne les connaissez pas tant que ça mais que vous vous intéressez un minimum au cinéma), vous connaissez forcément Captain America, lancé par Joe Simon et Jack Kirby vers la fin 1940 pour en découdre avec Hitler, alors que les USA n’étaient pas encore formellement entrés dans la Seconde Guerre mondiale. On sait la carrière que fit ensuite le célèbre porteur de bouclier. Comparé à lui, Fighting American, création plus tardive du duo, n’a connu qu’un petit nombre d’épisodes et la tentation serait grande de voir en cet autre personnage patriotique un héros mineur de Simon et Kirby. En fait, les choses sont peu moins déséquilibrées que ça quand on réalise que Simon et Kirby n’ont produit que dix épisodes de Captain America Comics avant de se brouiller avec Martin Goodman (le premier propriétaire de Marvel) tandis que leur Fighting American aura tenu sept numéros répartis chez Prize et Harvey Comics. D’un seul coup, ça donne une autre perspective. Le « petit frère » n’est pas si minuscule que cela. L’autre particularité de Fighting American est sans doute (mais cela reste forcément subjectif) d’être une œuvre plus personnelle des auteurs. Les intégristes de Captain America ou même de Simon & Kirby n’aiment pas à ce qu’on leur rappelle mais enfin le dit Captain était avant tout un gros pompage d’un héros patriotique antérieur, The Shield. Au point que c’est un vrai miracle que l’éditeur du Shield n’ait pas terrassé Marvel avec un procès en bonne et due forme, tant les deux héros sont similaires. Le personnage de Captain America par Simon et Kirby n’était pas si inédit que ça. La série, elle, se distinguait pour avoir eu les couilles d’appeler un chat un chat, de taper (au sens littéral) sur Hitler et les Allemands avant que l’Amérique se soit vraiment engagée dans le conflit.
Avec Fighting American, c’est également le contexte qu’il convient d’étudier, comme le rappelle très bien la préface de Jean Depelley (qui est, par ailleurs, le biographe de Kirby chez Néofélis), Simon et Kirby lancèrent Fighting American sur la base de deux données. D’un côté l’ennemi n’était plus les nazis mais l’URSS et de l’autre Marvel venait de relancer Captain America en mode « Commie Smasher » (« briseur de communistes »). Créateurs écartés du succès de Cap, les deux compères lancèrent donc un nouveau héros patriotique, d’abord au premier degré. Mais, même dans ce premier épisode, l’origine du héros (un pauvre infirme dont l’esprit est transféré dans le corps parfait de son frère) est beaucoup plus complexe, éloignée des modèles existants. Bien que, forcément, Fighting American, aurait son sidekick, son équivalent de Bucky en la personne de Speedboy. Les histoires sont quand même plus complexes et l’expérience acquise par les deux auteurs entre-temps est manifeste. Et le contexte est doublement différent puisque, là où Captain America anticipait des choses, Fighting American se retrouva, d’une certaine manière, piégé quelques mois après son lancement. Le sénateur McCarthy, qui menait la croisade « anti-rouge », avait visé trop loin, trop fort. Il voyait des rouges partout. En l’espace de quelques semaines le public se ravisa et perdit toute confiance envers ce politique caricatural. Voir des communistes partout ? C’était devenu ringard. Simon et Kirby eux aussi réalisèrent la chose et changèrent leur fusil d’épaule, peuplant les aventures de Fighting American de menaces de plus en plus grotesques, en faisant pratiquement une BD parodique. Encore qu’il ne faut pas réduire Fighting American à un comic-book humoristique. Il y a également des épisodes qui, même pris au premier degré, restent de belles choses, comme Starman Zero (en fait un ancien concept remixé pour en faire une sorte de descendant du FA). Ce qui a manqué à Fighting American, c’est de ne pas être associé à une grosse boîte qui se serait inscrite dans la durée et qui n’aurait pas manqué de ramener le personnage. C’est le paradoxe des choses. Si vous connaissez mieux Captain America de Simon & Kirby, c’est parce que plus de 600 épisodes ultérieurs ont continué de l’entretenir et de l’apporter jusqu’au présent, jusqu’à nous. Le Fighting American, ramené quelques fois sous licence, n’a pas profité de la même « superficie », ce qui encouragerait à le sous-estimer. Encore une fois, vu sous l’angle de l’œuvre commune de Simon & Kirby, il n’est pas si dérisoire que cela. Encore faut-il pouvoir le constater de ses propres yeux et là, il faut bien dire que c’est plus compliqué, en particulier si vous êtes francophone. Les lecteurs de VO, eux, peuvent se mettre sous la dent divers supports, à commencer par chasser les premières versions dans les bacs de « old » (on en trouve encore à l’occasion, même si ce n’est pas donné) ou via les diverses rééditions, dont la plus récente s’est faite chez Titan Books. Et même encore ainsi sans doute qu’une génération connaît plus la version de Rob Liefeld (sans parler de celle de DC, que la plupart des gens oublient en raison d’un dessin peu inspiré mais dont le scénario, désignant le nouvel ennemi comme étant la société de la communication n’était pas si bête). Ce qui sort ces temps chez Neofélis est l’adaptation de la version de Titan. En dehors du fait que le papier de la VF est plus brillant et ne boit donc pas tout à fait de la même manière les couleurs, moins contrastées du coup. S’ajoute en matériel la préface inédite de Jean Depelley mais aussi, sur une feuille à part, des vignettes représentant les planches originales. C’est aussi un complément idéal au livre de Jean Depelley, donc le second tome devrait sortir d’ici peu. Fighting American n’est pas devenu le leader des Avengers. Il n’a pas (encore ?) de film à son nom. Mais quand on remet les choses dans le contexte, il n’est pas le simple « sous-Captain America » que l’on pourrait le croire. Ce recueil de toutes les histoires classiques permettra enfin aux lecteurs VF de le constater par eux-mêmes.
[Xavier Fournier]
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