Dessins de Terry Dodson
Parution en France le 29 juin 2016
On retrouve donc Véra Yelnikof aux prises avec un serial-killer conservateur. La chose étant que ce n’est pas vraiment une super-héroïne mais bien un outil au service du gouvernement soviétique, qui entend bien que sa représentante, son symbole, ait une réputation intacte. Aussi, quand on commence à penser qu’elle pourrait perdre face à l’adversaire, on lui ordonne le repli plutôt que le déshonneur. Mais la belle s’est prise au jeu, et il est hors de question de laisser mourir une femme enceinte. Véra arrive à maturité dans la pratique d’un vrai altruisme (et du rejet de la hiérarchie), tout comme la série passe un cap avec cette deuxième livraison. Le premier album était de toute beauté mais se lisait bien vite, d’autant que l’on n’est pas dans un rythme de parution semblable aux comics. On avait droit à une mise en place puis, déjà, à une fin un peu abrupte. Avec ce tome 2 on a clairement la sensation de passer aux choses sérieuses, maintenant que les bases ont été placées. « Choses sérieuses » à plus d’un degré car Xavier Dorison ne se contente pas de se faire plaisir en mode « ouais les gars j’ai créé ma super-héroïne, profitant de l’histoire pour placer des repères sociaux. Que faire d’une victime, refusée par l’hôpital car elle n’a pas de mutuelle ? Que faire face à certaines douleurs ? Red Skin a une poitrine délirante et ceux qui jugent les livres à la couverture (et les gens à l’apparence) pourraient crier « bimbo » (et assurément le personnage a un côté déluré assumé) … en passant totalement à côté du fait que sous une apparence légère, elle aborde des choses plus sociales. Vous pouvez vous demander ce que vaut une super-héroïne soviétique, maintenant que nous avons le recul lointain de la chute du mur de Berlin et de la fin de la Guerre Froide. Mais Dorison se sert surtout de ce regard d’étrangère pour réexaminer le fonctionnement des USA.
« Ils veulent contrôler le sexe pour nous prendre notre liberté ! »
Aux dessins Terry Dodson est efficace, régulier et arrive à représenter son opulente héroïne bien travaillée par le sexe sans pour autant tomber dans le graveleux. On ne voit rien, donc on imagine tout. Mais sorti de cet aspect des choses, l’album est vraiment bien dessiné, avec une préoccupation des détails dans le contexte et les décors. L’artiste – toujours renforcé par son épouse à l’encrage – est son propre coloriste. Il utilise ici une palette pastelle qu’on a déjà vu dans ses projets « hors comics meanstream » et qui va bien à ce récit, en lui donnant une vraie ambiance… peut-être pas rétro, mais assez prenante. Le seul regret qu’on peut avoir c’est que Dodson travaille selon une narration propre aux comics (ce qui n’est pas un mal en soi, vous vous en doutez bien), ce qui fait que la chose ne colle pas toujours avec des dialogues verbeux et un peu long. Le lettrage dans certaines bulles donne l’impression de devenir microscopique pour tout faire tenir et cela nous sort parfois un peu de la lecture. Sorti de ce petit défaut, Red Skin Tome 2 est un album qui fait mouche, avec une héroïne indécise, complexe, et intéressante même en faisant abstraction de ses courbes. Vivement le Tome 3 !
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