Dessins de Jorge Molina
Parution aux USA le mercredi 20 mai 2015
Tout le monde ou presque semblait attendre avec impatience cette nouvelle équipe, A-Force, où She-Hulk regroupe les principales figures féminines de l’univers Marvel. Pas exclusivement Avengers mais bien, par extension, des personnages aussi divers que Medusa, Storm ou Ms. America. Supervisé par G. Willow Wilson et Marguerite Bennett, le titre semblait promettre… Et puis un article profondément débile du New Yorker est venu lancer un pavé dans la mare en réduisant toutes les protagonistes au rang de pornstars en puissance, entre autres attaques de fond. Débile et malhonnête, il est important de le souligner car à l’évidence l’ombre de Fredric Wertham (« j’avance des choses fausses sur les comics en les accusant de tous les maux mais ça passe ») rode encore. Le résultat est bien entendu très différent des mensonges éhontés de Jill Lepore dans le New Yorker. Arcadia est un royaume à part dans Battleworld où She-Hulk a l’autorité et patrouille avec quelques amies au sein d’A-Force. La loi principale étant que personne ne doit défier les frontières. Quand l’une d’entre elles fait une faute d’inattention, She-Hulk doit alors choisir entre ses responsabilités et ce qui est moral. Pas l’ombre d’une pornstar là-dedans (ou alors la profession a bien changé) mais plutôt une aventure super-héroïque classique, un peu dans la veine d’un House of M (avec une petite pointe de Game of Thrones/Port Real dans les architectures). À plus forte raison parce que le dessinateur Jorge Molina semble canaliser un peu la scénographie d’un Olivier Coipel dans les premières pages. Sur la seconde partie de l’épisode, Molina, visiblement très dépendant de l’encrage, s’étiole graduellement. Sorti de là c’est un véritable who’s who des super-héroïnes Marvel (encore que manquent bizarrement Ms. Marvel et quelques autres). L’arrivée à la fin de l’épisode, si c’est bien le personnage déjà utilisé par Jonathan Hickman, pourrait par ailleurs nous éclairer sur la nature des choses dans cette réalité finale… A-Force est donc sans doute à surveiller.
Non, A-Force n’est pas un ramassis de pornstars. Et le casting est plus intéressant que dans la récente série X-Men féminisée. Je crois néanmoins que c’est un bien mauvais service rendu à la série que de la lancer dans le cadre de Secret Wars, si l’on veut lui donner un avenir. À cause de la nature singulière du crossover et des choses qui restent à expliquer dans la série centrale, Arcadia est une baronnie un peu construite sur du sable. Là où les autres baronnies correspondent à des époques ou des environnements identifiables de Marvel (on sait pourquoi les gens d’Inferno se retrouvent ensemble, idem pour ceux de Days of Future Past…), Arcadia ne semble exister que sur un seul critère, la mise en avant des femmes sans autre explication. C’est-à-dire que même si l’on aperçoit un Luke Cage dans un coin, celui-ci n’intervient pas et la défense du royaume repose en des mains féminines (reste cependant Sub-Mariner dans une apparition plus tardive mais je n’ai guère compris s’il est supposé résider à Arcadia ou si c’est une nouvelle transgression des frontières). Après, on peut discuter du fait qu’il est arrivé en de rares occasions que des équipes exclusivement masculines se forment et que ce n’est guère différent. Perso, dans les courtes périodes où la Justice Society où les Illuminati/Avengers ne trouvaient même pas une seule femme à intégrer, cela me choquait tout autant. Mais s’ajoute ici une question de « définition ». Si l’on en croit les autres histoires déjà parues, Battleworld est un millefeuille temporel, où des « boat people » venus de différentes réalités ont été installés dans des zones correspondantes. Là, en dehors du fait qu’A-Force est un groupe d’héroïnes, qu’est-ce qui définit Arcadia ? Je n’arrive pas à reconnaître une époque type. She-Hulk, Captain Marvel, Ms. America ou Sister Grimm semblent « récentes » (pour ne pas dire contemporaines). Par contre Dazzler ou Spider-Woman et même une Phoenix (sans parler d’autres que je ne veux pas lister) nous renvoient à d’autres temps. Il n’y a donc pas de définition d’époque ou même de la hiérarchie. Pourquoi est-ce She-Hulk qui gère plutôt qu’une des multiples femmes de tête telles que Storm ou Medusa, mystère. Pourquoi, quand on a une Phoenix sous le coude, on subit la loi des Baronnies de Battleworld sans résister ? Mystère là aussi. Si bien que pour autant que l’équipe me soit sympathique et que même le fait de donner à She-Hulk une dimension de patronne m’intéresse… Pas grand chose n’est expliqué sur les liens politiques constituant le groupe. Et du coup – sur ce plan mais pas sur d’autres – A-Force me semble faire la même erreur que les premiers épisodes de Spider-Woman il y a quelques mois, tout est avalé par le crossover et il faudra sans doute repartir de zéro dans l’arc suivant (d’ailleurs Marvel semble l’avouer du bout des lèvres en baptisant le futur recueil « A-Force Vol.0 »). Tout ça donne l’impression que l’on saura vraiment en quoi consiste la vrai A-Force dans seulement cinq ou six épisodes…
[Xavier Fournier]
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