Adam: Legend Of The Blue Marvel #1 [Marvel]
Scénario de Kevin Grevioux
Dessins de Mat Broome
Sortie aux USA prévue le 5 novembre 2008
A l’heure où j’écris ces lignes nous sommes à quelques heures d’une élection présidentielle aux USA. Il faudra attendre encore un peu pour en connaître l’issue. Mais nous sommes peut-être à quelques heures de voir un président américain noir… Chose jusque-là réservée à des œuvres de fiction comme le feuilleton 24. Pourquoi je vous parle de ça ? Simplement parce que si Marvel avait voulu le faire exprès, le timing n’aurait pas pu être meilleur pour sortir cet Adam: Legend Of The Blue Marvel #1 après demain. Le pitch de la série, c’est qu’il y a un peu plus de 45 ans, il y aurait eu un super-héros surpuissant dans l’univers Marvel. Un certain Blue Marvel qui aurait été obligé de se retirer après qu’on ait découvert qu’il était noir. Or, au début des années 60 les « minorités visibles » n’étaient pas à la fête…
L’histoire du Blue Marvel a comme un parfum de Captain America: The Truth dans le sens où sous le vernis du super-héroïsme elle explore les heures sombres de la ségrégation. Le héros n’y est pas torturé comme dans The Truth mais son sort n’est cependant pas enviable, en particulier à partir du moment où cet homme est confronté à un véritable « racisme d’état ». La saga est intéressante mais elle va peut-être un peu dans un seul sens. S’il n’y a eu que trop d’inégalités à cette époque, tous les blancs n’étaient pas forcément des racistes ou au mieux des « racistes passifs » qui pensaient que les noirs devaient vivre cachés ou ne pas avoir droit au statut de héros. L’argument qui va dans le sens du scénario de Grevioux (et c’est là où son choix d’époque est judicieux) c’est qu’au début des années 60 les comics « mainstream » se gardaient bien de montrer le moindre super-héros noir (il a fallu attendre Black Panther quelques années plus tard). De là à penser que l’Amérique n’aurait JAMAIS pu tolérer un super-héros noir il me semble quand même qu’il y a un propos un tantinet caricatural, puisqu’on peut prendre comme contre-exemple l’athlète Jesse Owens (représentant les USA aux JO de 1936) ou divers chanteurs de la Motown, déjà populaires en 1962. Je ne veux pas dire par là qu’être noir dans les USA des années 60 (ou plus tard) était une partie de plaisir, les inégalités étaient réelles. Mais la logique du « si tu es un homme de couleur les USA ne veulent pas entendre parler de toi » est ici trop monolithique pour véritablement représenter la réalité des gens de l’époque. Il manque un certain sens de la balance et c’est dommage parce qu’en un sens il aurait fallu donner à cette minisérie un véritable feeling « de documentaire ». Blue Marvel aurait pu être une sorte de « Life On Mars » des super-héros, racontant les problèmes réels des noirs à cette époque là. Ca viendra peut-être dans les numéros suivants mais pour l’instant ce n’est hélas pas le cas.
Mais attention, je ne dis pas pour autant que Blue Marvel est une coquille vide. D’abord la biographie du personnage reste à compléter. Et Grevioux essaie un certain nombre de choses, arrivant avec habilité à mélanger certains hommes politiques réels de l’époque avec des personnages fictifs bien connus de certaines séries mutantes. En vrai point faible je citerais surtout quelques bulles un peu trop caricaturales qui me paraissent contre-productives. Par exemple quand Sentry échange quelques coups de poings avec Anti-Man puis vient dire aux Mighty Avengers qu’il n’a jamais affronté quelqu’un d’aussi puissant, la chose parait un tantinet trop forcée, pas naturelle du tout. On en vient à se demander pourquoi les Vengeurs auraient plus peur de ce personnage que de leurs nombreux ennemis déjà existants. Le problème ne me semble pas être dans la structure mais bien dans des tournures de dialogue un peu trop figée. A côté de ça Mat Broome donne des dessins intéressants, différents de ce qu’il faisait à une certaine époque de son passage chez Wildstorm. Mes réserves touchant plutôt la forme que le fond je conclurais donc sur un « potentiellement intéressant mais j’attends d’en voir plus en espérant qu’on évite les clichés convenus ». Il y a du potentiel, mais il demande à être confirmé.
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