Avant-Première VO: Review Multiversity – Mastermen #1
19 février 2015[FRENCH] Superman ? Non ! Overman ! En 1938, la fusée du petit Kal-El n’est pas tombée dans le Kansas mais en pleine Allemagne nazie. De quoi changer profondément le cours des choses. Que donnerait un kryptonien élevé dans le culte de la personnalité ? Et qui resterait pour s’opposer à lui. Multiversity continue son fascinant zapping des réalités alternatives.
Multiversity: Mastermen #1 [DC Comics]
Scénario de Grant Morrison
Dessins de Jim Lee
Parution aux USA le mercredi 18 février 2015
Il y a plusieurs manières de lire les one-shots composant Multiversity. La première, c’est de se demander désespérément, au premier degré, quel est le fil rouge qui unit tous ces mondes sans autre rapport que le scénariste (et le lecteur, il ne faudrait pas l’oublier celui-là !). La seconde, un peu dans la logique des Seven Soldiers du même auteur, c’est de reconnaître dans le fond quelques trames communes. Là, le lecteur se fait chasseur d’indice. Et la troisième, enfin, c’est d’apprécier Multiversity comme une sorte de « pilot season » ou Grant Morrison balance de manière super dense des idées dont on voudrait, bien souvent, lire au moins une mini, sinon une ongoing, tirée du même tonneau. À ce petit jeu là, l’écossais est particulièrement fort, d’autant si l’on compare avec d’autres séries de DC plus ronronnantes. À l’instar de Pax America qui était une redite de Watchmen, Mastermen lorgne ouvertement sur Red Son. Là aussi, la fusée s’est posée en pleine dictature et le petit Kal en est devenu le symbole. Bien sûr, il y a des limites à ce que DC et Morrison sont capables d’appliquer au moule de Superman. Leur Overman est donc un « nazi light », débarrassé de la culpabilité des camps de la mort et d’autres méfaits qui se sont déroulés « dans son dos ». Il n’en reste pas moins germanisé. Outre un synopsis voisin de Millar, Morrison surfe parfois vers d’autres choses. La scène d’ouverture, dans les toilettes, m’a fait penser à du Garth Ennis.
Pour Morrison, même dans ces conditions extrêmes, Superm… pardon, Overman, n’arrive pas à perdre totalement son sens moral. Ce qui le met dans une situation intéressante alors qu’il doute du régime et devient, dans le même temps, le témoin de son écroulement. Morrison place aussi des références intéressantes, comme le rappel qu’après tout Metropolis était, à la base, un concept allemand. En face, les forces d’Uncle Sam, les Freedom Fighters, sont surtout vus au second plan (à part une double page à un moment) mais Morrison s’amuse beaucoup à les recomposer en leur donnant une diversité d’ethnie et de culte. Face au (super)monopole, la diversité finit par répondre et on peut se demander si, après tout, on n’est pas dans le métacommentaire de ce qui se passe dans les comics depuis plusieurs années. L’autre grille de lecture (mais je pense qu’elle s’adresse surtout aux vieux lecteurs d’oldies), c’est la mise en scène de l’écroulement de l’Amérique en 1956, comprenez le moment où Quality Comics, la maison-mère d’Uncle Sam, a fermé ses portes. Et que font les nazis des années 50 ? Ils brûlent les comics façon émules de Wertham, là aussi, on est dans le métacommentaire. S’il ne livre pas un de ses meilleurs travaux, Jim Lee se tire assez bien de sa mission. Et pour tout dire je préfère lire ce Mastermen plus dense plutôt qu’un arc de Superman Unchained. En fait Multiversity: Mastermen est assez fascinant car on se dit qu’il y avait le potentiel d’en faire une sorte de version-miroir d’All-Star Superman. J’aurai bien pris pour 12 épisodes dans ce monde où finalement c’est à (Over)Superman de voir les choses s’écrouler plutôt que l’inverse.
[Xavier Fournier]