Dessins de Aaron Campbell
Sorti aux USA le mercredi 1er août 2012
Aborder l’origine du Shadow est casse-gueule. Il n’y a pas, à proprement parler, de version originelle, tant le feuilleton radios et les romans (et parfois les romans entre eux) se sont renvoyés la balle avec des informations contradictoires, où il faut nécessairement faire le tri si on veux repasser derrière. Par la force des choses, le scénariste qui veut, en 2012, aborder la génèse de Kent Allard, Lamont Cranston ou le Shadow ne peut être fidèle à quelque chose qui, déjà au début, se dérobait sous les pieds des auteurs initiaux. Garth Ennis fait judicieusement le choix de placer ses références via le biais de rumeurs, de témoignages à moitié-fiables sur lesquels il aura sans doute l’occasion de revenir plus tard. Il y va avec prudence tout en respectant encore une part de mystère.
Mais on voit finalement peu le personnage en action dans ce numéro. C’est d’ailleurs là aussi le choix d’Ennis, revenant aux premières histoires, là où le personnage n’était pas obligé de gesticuler dans l’ombre pour exister (cliché que les adaptations comics du Shadow ont parfois véhiculé). Non, là Ennis nous montre clairement où il veut aller. Vers un Shadow installé dans l’Histoire, combattant le Mal tout en ayant pleinement conscience qu’on est à l’aube d’une Seconde Guerre Mondiale et qu’un Mal bien plus énorme tape à la porte du genre humain. Il y a là une position assez intéressante (un peu inverse à la conclusion du Judex de Franju, où le héros gagnait mais seulement alors que la guerre se profilait, établissant une certaine impuissance du héros). Là, le Shadow sait ! (c’est le propre du personnage). Il connait les gouffres de l’homme. Ce qui assez naturellement nous amène à une ambiance réaliste, dans un cadre digne de « la canonniere du yang tse », où Ennis, grand amateur des histoires de guerre, nous présente l’Asie déjà ravagée. Ce n’est sans doute pas la route la plus facile pour établir le Shadow (d’autres en auraient fait un perso agitant ses armes pour un ou pour un non) mais c’est sans doute la façon la plus juste, qui permet une réelle (re)découverte du personnage.
[Xavier Fournier]
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