Dessins de Javier Rodriguez
Parution aux USA le mercredi 6 mai 2015
Par un incroyable concours de circonstances, le logo Spider-Woman s’est retrouvé imprimé sur une autre série ces derniers temps. Enfin, non, ce n’est pas le cas mais c’est tout comme. J’ouvre cette série et je ne lis pas les aventures de Spider-Woman mais d’un autre personnage qui se fait passer pour elle. Ce n’est pas tant que la série cherche un ton à mi-chemin entre Superior Foes of Spider-Man et certains d’épisodes d’Hawkeye. Ca, pour le coup, ça dénote d’une bonne volonté. Le problème réside dans le fait que le personnage n’est PAS Spider-Woman. Dans les épisodes initiaux de cette série, dévorés par Spider-Verse, on ne s’en rendait pas compte car Jessica était perdue au milieu de pirates d’un autre univers. Mais depuis que Dennis Hopeless tente de la réintroduire dans un contexte semi-réaliste (ou en tout cas crédible), le quiproquo devient apparent. Sa Jessica Drew est une jeune femme qui s’émerveille de la robe qu’elle porte pendant qu’elle est en filature, qui copine avec d’autres jeunes femmes « parce que », qui tombe en extase comme une midinette devant une moto…
Quand Matt Fraction s’est lancé dans la série Hawkeye, il avait une voie royale devant lui car, finalement, on avait assez peu défini qui il était quand il n’était pas parmi les Avengers ou dans leur périphérie. Les deux ou trois miniséries ou séries à son nom s’étaient concentrées sur lui avec son arc. On ne savait pas qui il était dans la vraie vie. Fraction a pu construire à partir de là. Spider-Woman… je sais bien que sa première série mensuelle remonte, qu’une partie du public actuel ne l’a jamais lu… Mais Spider-Woman était surnommée « The Dark Angel », l’Ange Noir, un personnage plus maussade qu’une She-Hulk ou qu’une Ms. Marvel. Une justicière urbaine qui aurait plus sa place dans les Marvel Knights. Gênée par son problème de phéromones qui faisait que les femmes la détestaient et les hommes l’adoraient, la vraie Jessica Drew était un brin plus sombre que les autres super-héroïnes. Ce n’était pas Janet Van Dyne en train de faire des courses. Drew était plus proche de Batwoman ou d’un équivalent féminin de Matt Murdock (mais différent de Black Widow). Ici, il faut faire « tendance », comme dans d’autres titres du moment et la personnalité est moulinée, formatée. Cette dérive m’a empêché d’apprécier une vraie bonne idée du numéro (que deviennent les épouses et compagnes des super-vilains tandis que leurs hommes vont au turbin). Cela en est même tellement forcé que ça en devient contreproductif par rapport à l’intention. Est-ce que la femme pour exister dans les comics doit paraître plus frivole, moins sérieuse ? Est-ce que l’on verrait Peter Parker ou Bruce Wayne s’émerveiller du beau t-shirt qu’ils viennent de s’acheter dans le cadre d’une filature ? Je ne le pense pas. Et il y en a peut-être qui trouveraient cela marrant mais si je voyais Wayne parler mode ou tomber en extase devant une moto alors qu’il est en infiltration, je me dirais que ce n’est vraiment pas l’essence du personnage, trop sombre pour s’amuser. Spider-Woman n’est pas Batman… mais elle n’est pas non plus la Guêpe, She-Hulk ou l’actuelle Batgirl. Et tenter de faire rentrer sa mentalité plus sombre dans « une chaussure qui n’est pas à sa taille », c’est perdre des particularités propres de cette héroïne, la rendre plus uniforme tout en prétendant faire dans l’originalité. Il y a mieux à faire avec Spider-Woman. Cette série a beaucoup fait parler d’elle à travers la cambrure du personnage sur une couverture variante ou un changement de costume. Mais la question qui se pose, à mon avis, c’est pourquoi on réécrit petit à petit les héroïnes les plus sérieuses comme des têtes de linotte sous prétexte de s’adresser au public féminin. Spider-Woman est un personnage de la même trempe que l’héroïne de Kill Bill, c’est un ancien agent d’Hydra, du SHIELD, de SWORD, avec une petite pointe de cynisme. J’ai l’impression que l’on tente de nous refiler une version cheap à la place…
[Xavier Fournier]
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