Avant-Première VO: Review Strange Fruit #1
10 juillet 2015[FRENCH] 1927. Le sud de l’Amérique. A l’aube d’une inondation monstre, les blancs décident de mettre la pression sur les noirs. Maltraitance, sadisme et Ku-Klux Klan sont de la partie dans ce qui pourrait être le O’Brother de Waid et Jones, si ce n’était l’introduction d’une variante importante. Et si Superman était noir ?
Strange Fruit #1 [Boom!]
Scénario de Mark Waid & J.G. Jones
Dessins de J.G. Jones
Parution aux USA le mercredi 8 juillet 2015
Strange Fruit est sans doute le projet le plus important de Boom depuis quelques temps. Il faut dire qu’on y trouve les dessins de J.G. Jones, trop rare en ce qui concerne des pages intérieures. Jones allié à un scénariste de la trempe de Mark Waid (Daredevil), rien que cela, c’est déjà une « affiche » qui donne envie. La lecture de ce premier numéro, s’il reste discret sur ce qu’est le personnage principal, fait un peu penser au cinéma des frères Cohen ou à un Tarantino racontant son Django. Strange Fruit, c’est un terme qui fait référence à une vieille chanson dénonçant les pendaisons de noirs dans les états racistes. On appelait « fruits étranges » les dépouilles pendant aux arbres. Dans ce comic-book, on replonge dans cette autre époque où la ségrégation semblait couler de source et où la vie humaine n’avait pas le même prix dans ces contrées.
Waid et Jones installent tranquillement leur décor, creusent les traits de personnages stupides, s’accrochant à leurs perceptions comme si elles résumaient l’ordre des choses. C’est surtout à travers leurs yeux qu’on observe l’arrivée d’un personnage pour l’instant muet mais qui remet en cause, par sa présence, cet ordre des choses. De facto, on en sait plus sur la situation que l’intrus perturbe que sur l’intrus lui-même. Mais ce premier épisode m’évoque beaucoup les débuts d’Icon chez Milestone, si ce n’est, justement, que l’œil de l’observateur était tourné autrement. Rien, absolument rien, ne justifie la fatwa qu’on lancé depuis quelques jours un noyau de blogs américains qui veulent nous ramener le comics code sous un autre nom (pardon: qui cherchent une polémique par semaine pour s’assurer des « hits » quitte à torcher en toute connaissance de cause la réputation d’auteurs ou d’éditeurs. Cette fois, Strange Fruit, série qui présente les racistes sous un jour odieux, se voit donc accusé de cliché raciste. Ben voyons. Et Superman: Red Son était de la propagande Stalinienne, c’est évident… Sans doute que Strange Fruit a trouvé le moyen d’irriter bien plus de ces « personnes stupides, s’accrochant à leurs perceptions comme si elles résumaient l’ordre des choses » qu’on pouvait le croire. Ne vous y trompez pas : les gens qui sont en train de conspuer Strange Fruit pour de mauvaises raisons sont des Wertham du XXI ème siècle et nous resservent pratiquement à la virgule près le discours de ceux qui voulaient « corriger » l’astronaute noir d’Incredible Science Fiction #33 en 1955, dans une histoire depuis devenue fameuse. La plupart d’entre nous n’étions pas nés pour faire un doigt d’honneur à Wertham. C’est avec un vrai plaisir que j’adresse celui-ci à ses héritiers modernes. Non mais !
[Xavier Fournier]