Dessin de Chris Malgrain
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Baptiser sa BD « Formidables », c’est sans doute prendre le risque de s’exposer à plein de calembours à base de Charly Oleg ou Maestro. C’est aussi et surtout s’exposer à un cinglant retour de manivelle au cas où la promesse tacite du titre ne serait pas à la hauteur. Néanmoins, dans le cas présent, les Formidables sont sans doute le titre le mieux produit de Chris Malgrain. Et attention, qu’on ne vienne pas me raconter qu’il s’agisse de brosser dans le sens du poil un auteur français à base de cocorico. Il y a des BD passées de Malgrain qui, pour une raison ou pour une autre, ne m’ont pas semblé dans l’axe de Comic Box. Je ne me sentirai pas l’obligation d’évoquer l’album ou de sortir une machine à compliments, pas plus ou pas moins que les autres fois, pour d’autres BD du même auteur ou pour le tout-venant des comics discutés ici. Mais, disons-le, les Formidables sont particulièrement réussis grâce à l’ambition du scénario…
Le dessin est très bien lui aussi, mais c’est bien l’angle de l’histoire qui emporte rapidement le lecteur. Car il y a un risque quand on veut faire du super-héros façon Silver Age : partir dans le pastiche des Fantastic Four ou de Green Lantern, copier les apparences, le contenant, sans s’occuper de savoir ce que l’on met dedans. Et les Formidables ne font très certainement pas cette erreur. Là où il serait facile de définir la jonction des années 50/60 comme une ère plus simple, exprimant le fameux « sense of wonder », Chris Malgrain installe réellement son histoire dans une Amérique qui connaît encore la ségrégation, où le Ku-Klux Klan a pignon sur rue. Et même dans la manière de faire, c’est plus subtil qu’il y paraît. Oui, il y a un super-conservateur sur la couverture et c’est bien lui le méchant de service. Mais, non, les Formidables ne se résument pas à cela et c’est bien dans les réactions des héros, dans leurs hésitations et dans les réactions qu’ils entraînent, que la BD prend toute sa mesure. Pas la peine de sauter jusqu’aux dernières pages, où l’auteur expose son « panthéon » (les créateurs qui ont le plus guidé son parcours) pour les reconnaître d’emblée. Il y a bel et bien du Stan Lee et du Jack Kirby là-dedans (encore que la structure du héros mal-aimé est plus politique ici), il y aussi du Mitton (une statue qui nous fait penser à l’Archer Blanc ouvre cette réalisation dès les premières pages). Mais surtout, en ce qui concerne la typologie, les Formidable me font furieusement penser à la production de John Byrne chez IDW ces dernières années, comprenez que j’y trouve un voisinage (pas un copiage) avec des séries telles que Trio ou Triple Helix. Et, dans mon esprit, c’est loin d’être une mauvaise référence. Tout en n’étant pas John Byrne (mais personne ne prétend le contraire non plus), Chris Malgrain signe ici un album qui n’a pas à rougir en face de bien des productions américaines. On ne peut qu’espérer que l’auteur a encore plein d’histoires dans la tête pour ces héros. Je suis en effet curieux de voir comment la critique sociale et politique va fonctionner maintenant que le secret de certains de ces héros est révèlé. Good job !
[Xavier Fournier]
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