Avant-Première VO: Review Uncanny X-Men #600

[FRENCH] Les X-Men disent au revoir à Brian Michael Bendis et inversement. Le scénariste profite de ce numéro 600 reporté depuis des mois pour régler des intrigues lancées ces derniers temps, liées à The Beast, à Cyclops, Illyana ou Iceman. Mais la répétition du « sharing », du partage avec la foule et du mépris de la vie privée plombe sérieusement l’ambiance.

Uncanny X-Men #600 [Marvel Comics] Scénario de Brian Michael Bendis
Dessins de (collectif)
Parution aux USA le mercredi 4 novembre 2015

Ce numéro fera peut-être parler pour la confirmation d’un changement d’orientation d’un personnage. Peu importe en un sens, car tout est faisable, justifiable, appréciable, pour peu qu’on y mette les formes. Seulement voilà, ce n’est pas le cas ici, dans un épisode où Bendis retire bien souvent le libre-arbitre à ses personnages et où l’on retrouve l’obsession d’une révélation des sentiments. Pratiquement toutes les scènes sont montées de la même manière : il y a toujours une tierce personne qui s’en mêle, qui s’invite dans des moments privés où d’autres personnages auraient des choses à se dire. Cela commence dès les premières pages où, apparemment, il faut que Kitty Pryde soit là pour faire tampon entre le frère et la sœur Raspoutine. Alors que 1) ces deux-là ne semblent guère avoir besoin d’aide pour se réconcilier et que 2) envoyer à Colossus son ex qui est sur le point de se marier me semble une approche diplomatique douteuse. Mais enfin passons. Ce n’est pas dans la scène en elle-même qu’est le problème mais bien dans le fait que, passage après passage, on passe l’essentiel d’un numéro à expliquer à un personnage ce qu’il est et comment il devrait se comporter. Et là, l’effet désagréable se reporte énormément sur Jean Grey, sorte de paparazzi télépathique qui n’en finit pas de lire dans l’esprit des gens et de décider pour eux comment ce qu’ils doivent faire. On avait connu, il y a quelques mois, la discussion avec le jeune Iceman et bien voilà la discussion avec l’Iceman adulte et, forcément, il faut que Jean Grey soit là en mode « don’t mind me ». A la rigueur j’apprécie le jeu de mots mais c’est tout. A un moment Grey devient totalement détestable dans sa manière de tout ressortir, de s’insérer dans tout, d’expliquer aux gens ce qu’ils pensent vraiment. Transposez-çà au bureau : vous avez une confession religieuse, une activité politique ou une identité sexuelle que vous avez choisi, pour des raisons qui vous appartiennent, de ne pas partager. Et vous tombez sur cette supposée bonne copine en train de lire tous vos mails sans rien demander ? Mois après mois, la Jean Grey de Bendis n’a pas cessé de faire ça (et pas seulement avec le jeune Bobby). Si bien qu’à un moment on a vraiment envie qu’elle la ferme et qu’elle laisse les autres personnages s’exprimer (ou pas). Sur la scène centrale, je pense que l’Iceman adulte n’en sort pas grandi et que ses explications sont laborieuses (il serait plus facile d’être un mutant ? Dans un monde où le gouvernement a validé la construction des Sentinelles ?). Mais en un sens c’est très secondaire, Jean Grey se comporte comme une véritable folle qui ne respecte pas les autres. Cela pourrait être un signe de la Phoenix Force mais le scénario ne semble pas aller dans ce sens. Au contraire tout le monde se comporte comme si c’était normal. Cela gomme une grande partie de l’importance des décisions qui sont prises. La même scène avec les deux Iceman parlant entre eux de façon plus mûres, réalisant des choses, sans personne pour leur souffler les paroles aurait une classe bien différente. Cette manière de faire prive les deux Iceman d’une vraie discussion puisque quelqu’un leur balance des arguments avant qu’ils les expriment. Ou alors à choisir, Kitty, ex-prof du jeune Bobby et ex-girlfriend du vieux, aurait été un choix plus intéressant.

« This is why nobody likes you, Jean Grey. »

Cela faisait longtemps que Bendis faisait allusion à un procès de Hank McCoy. Alors qu’Uncanny X-Men #600 marque sa dernière pierre dans la galaxie des X-Men, l’auteur comble donc ce manque en organisant une « intervention », c’est à dire une sorte de cérémonie où le groupe somme l’individu de s’exprimer. C’est finalement très « protestant à l’américaine » (vous savez, comme quand un politique s’excuse, en larmes, devant le public, d’avoir trompé sa femme). Et donc, là, après que McCoy ait passé le curseur un certain nombre de fois, les X-Men au grand complet veulent le voir reconnaître ses fautes. Ce qui peut se comprendre en un sens (rien que les risques pris dans l’espace-temps à cause de la présence des jeunes X-Men originaux…). Sauf que si la base est bien là, l’idée s’égare en cours de route, alors que McCoy a quelques contre-arguments valides. Par exemple que font là une partie des nouveaux élèves alors qu’on doute même que la plupart d’entre eux aient échangé une phrase avec the Beast ? Où donc est passé le « procès », au moins à l’identique, de Cyclops ? Et bien il n’a pas lieu, parce que Cyclops lui-même passe par une autre forme d’intervention. Et (mais là pour le coup ce n’est pas la faute de Bendis mais plutôt de la coordination de Marvel) bien malin qui comprendra comment tout ça s’articule avec le Cyclops solitaire de la Nation X, armé de Sentinelles, que l’on a pu voir dans les ultimes épisodes des Avengers d’Hickman (et je ne vous parle même pas des allusions à Cyclops dans Uncanny Inhumans, qui sont encore d’un autre tonneau). Niveau dessin il y a des styles vraiment très différents dans ce numéro, qui compte aussi bien Bachalo, Immonen, Irving que Pichelli, Asrar ou Anka (d’ailleurs ce dernier est plus inspiré que dans ses récents numéros d’Uncanny X-Men). Mais la gestion et l’ordre des pages fait que ça ne choque pas autant qu’on pourrait le croire à priori. Reste qu’on se demande vraiment ce qu’attendaient les X-Men en agissant ainsi, en se regardant le nombril et en confrontant les uns et les autres sans réellement trancher quoi que ce soit. Si à la fin de tout ça Bendis terminait sur une sorte de révélation, un retournement de situation à la « ah ah je vous ai bien fait croire que… » ou par exemple la révélation de pourquoi les jeunes X-Men sont coincés dans le présent, on pourrait trouver une forme de réévaluation de tout l’épisode. Et puis en fait, non, on a droit à une curieuse scène de jeep (?). Au démarrage d’All-New X-Men, Brian Michael Bendis avait rendu un goût de neuf aux cinq X-Men originaux, un côté décomplexé, frais et aux antipodes du Dark’n’Gritty. Cet épisode achève de retourner la boucle, la joie de retrouver une Jean Grey fonctionnelle, débarrassée, en théorie, du destin de Phoenix, cède la place à une envie furieuse qu’elle cesse cette impudeur cérébrale, tandis que l’essentiel des X-Men (sauf Colossus et sa frangine, en gros) sont redevenus des chiouneurs. J’espère que Lemire tiendra mieux ses personnages.

[Xavier Fournier]
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