Dessin de David Finch
Parution aux USA le mercredi 17 Décembre 2014
Il est difficile de parler sereinement de la Wonder Woman de Meredith et David Finch tant elle fait l’objet d’un dénigrement assez mécanique dans certains cercles. Le réflexe naturel serait donc d’aller dans l’autre sens car, les choses n’étant pas « pires » au point où certains bien-pensants veulent bien le dire, on pourrait tomber dans le piège de la contradiction, de n’en dire que du bien. Circulons au-delà des évidences pour dire que la Wonder Woman des Finch a ses zones floues mais aussi ses points forts. Pour les flous, on se reportera plus particulièrement vers le dessinateur. Non pas pour dire des choses ahurissantes telles que l’on a pu en lire depuis sa nomination sur la série. Oui, la Diana de Finch et ses amazones sont, dans l’ensemble, cambrées et opulentes (ce n’est pas vraiment comme si les Amazones de DC avaient l’habitude de se trancher le sein). Mais enfin – au-delà des goûts et des couleurs – ce n’est pas plus « offensant » que la Wonder Woman d’Adam Hughes, de Phil Jimenez ou d’autres artistes encore. Depuis des décennies les amazones sont moulées de la sorte. On aime ou on n’aime pas. Mais on ne peut pas faire comme si David Finch était le premier à agir de la sorte. Dans le cadre de cet usage, de ce code visuel lié à Wonder Woman, ce n’est pas tant ça qui me dérange qu’une certaine difficulté à représenter les visages de façon continue. C’est-à-dire que Wonder Woman, elle-même prend ou perd dix ans selin les cases. Au point que lorsqu’elle se présente devant le conseil des amazones, je me suis mis à chercher une indication du style « Then… » (« précédemment… ») tant je pensais que l’on nous montrait une scène de son adolescence. Le problème des visages se répète aussi quand on croise l’homme avec qui Diana s’entraîne. Et alors là je dois dire que j’ai passé quelques cases à me demander formellement de qui il s’agissait. Superman ? Bruce Wayne ? Dick Grayson ? Un type brun, certes, mais représenté de façon tellement générique qu’il était difficilement identifiable avant qu’on le nomme dans le texte. C’est sur ce terrain, clairement, que le dessin doit évoluer.
Celle avec qui la critique généralisée est particulièrement injuste, à mon sens, c’est la scénariste Meredith Finch quand certains affirment avec force qu’elle n’écrit pas LA Wonder Woman. Et alors là, faisons une distinction importante. Oui, cette Wonder woman-là n’est pas celle qu’écrivait Azzarello. Elle est plus dans l’émotion (le moment où elle reconnaît qu’avec tout ce qui est arrivé ces derniers mois elle est au bord du gouffre, par exemple), en un sens plus humaine. Mais cela ne veut pas dire pour autant que Meredith Finch écrit un personnage incompatible avec LA Wonder Woman emblématique et classique. En un sens, je trouve qu’elle revient même plus à la source, avec une texture qui s’approche un peu de la WW des années 70/80. Azzarello, lui, montrait les amazones massacrant les marins pour obtenir des filles, façon Spartes au féminin. Celles de Meredith Finch font preuve là aussi d’un peu plus d’émotions. Certaines enragent, mais d’autres montrent, par exemple, un amour maternel ou filial. Franchement, ce n’est pas déshonorant et l’on est loin de la platitude des Wonder Woman de Jodi Picoult il y a quelques années, qui étaient pourtant loin d’être autant attaqués (peut-être parce qu’il y avait moins de lecteurs ou lectrices ?). Et puis, bien sûr, il y a la fin de l’épisode. Et s’il faut se garder de tirer des conclusions avant d’avoir une vue d’ensemble sur l’arc, l’apparition surprise de ce personnage (que je ne pensais pas revoir autrement que dans le futur « Convergence ») semble là aussi un gage que Meredith Finch vise un certain « canal historique » de Wonder Woman. Comme pour son mari, je pense que la critique aveugle et inconditionnelle ne frappe pas au bon endroit, ou pas sur le bon angle. Je n’ai pas lu ici une « trahison » de la princesse amazone. Par contre, le reproche que l’on peut faire tient en la cadence des scènes. En fin de compte cet épisode se lit bien trop rapidement, comme s’il se résumait à quatre scènes. C’est là le véritable problème. Par quel miracle on voudrait nous montrer qu’Azzarello et ses amazones castratrices étaient plus « féministes » que Meredith Finch, j’avoue que ça me laisse perplexe. Il y a certainement des problèmes de rythme dans l’histoire. Mais pour ce qui est du fond, je ne pense pas que la scénariste soit à jeter « avec l’eau du bain ». En tout sa dernière page va faire naître bien des espérances et des questions. Elle a intérêt à ne pas louper la marche dans les épisodes à venir…
[Xavier Fournier]
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