Et pourtant cela commence plutôt froidement. Dans une salle de banquet assez rustiques, les convives s’agîtent en nous donnant un curieux mélange de réalisme et d’artificiel. Car ce qui saute à l’oeil, initialement, c’est la technique utilisée. Tout le film a été réalisé en images de synthèse et en « motion capture ». Les acteurs (comme Anthony Hopkins ou Angelina Jolie) ont prêté leur physique aux ordinateurs… Sur les visages, les expressions (et surtout les regards) semblent mécaniques. Alors quoi ? le nouveau film co-écrit par Neil Gaiman ne serait qu’une sorte de Polar Express bis, tout juste différencié par une vague sauce d’Heroic Fantasy ?
Ouf, heureusement non. Passé les premiers plans et ces craintes passagères, on se glisse rapidement dans le monde de Beowulf. Dans les premières minutes, le réalisateur a choisi de nous présenter les personnages en insistant sans doute un peu trop sur les gros plans. Par la suite les cadrages sont un peu moins forcés et rapidement (en fait dès l’arrivée du monstrueux Grendel), un certain sens de l’action l’emporte. Quand le héros Beowulf arrive à l’écran, quelques instants plus tard, on est carrément dans le bain (sauf bien sûr les gens définitivement allergiques à l’image de synthèse). Nous n’en sommes plus à nous dire que le réalisateur Robert Zemeckis nous refait Polar Express, non non… Elle est oubliée cette impression, balayée par l’arrivée d’un personnage fort en gouaille, tenant (un peu) du Leonidas de 300 mais lorgnant également sur le sens épique des Viking de Richard Fleischer. Les guerriers scandinaves arrivent pour chasser du monstre… Les co-scénaristes Neil Gaiman et Roger Avary peuvent alors s’en donner à coeur joie, faire jouer leurs muscles de dialoguistes et construire un (anti)héros dont l’authenticité et l’humanité ne doivent rien à la 3D.
Peut-être est-il besoin de l’expliquer mais la Légende de Beowulf n’est pas le remake ou la suite d’un film de Christophe (« Un jour je produirais Highlander #12 ») Lambert. Héros de légende venu de la tradition nordique, Beowulf a été déterminant dans la littérature anglaise du moyen-âge. Disons qu’il fût en quelque sorte un « blockbuster » de l’imaginaire quand ce dernier ne se déclinait qu’en poêmes et chansons de geste. Beowulf, c’est un peu un concurrent du Roi Arthur et de Gilgamesh parmi les héros de littérature épique. Mais les deux textes originaux qui sont parvenus jusqu’à nous sont bizarrement séparés. L’un traite du héros alors qu’il est jeune, au sommet de sa gloire. L’autre le montre comme un roi vieillissant. Gaiman et Avary ont su organiser ces deux époques pour en faire un tout, comme deux faces d’une même pièce…
Parfois, le côté démesuré du spectacle nous fait chercher un peu l’empreinte de Gaiman. Mais très vite on la perçoit dans cette saga où finalement le héros doit confronter sa nature humaine (et donc faillible) et à une légende devenue trop grande pour des propres épaules. Le résultat est sans doute moins onirique que la production du scénariste pour les comics (entre autres pour Vertigo), avec de grandes scènes de batailles où les monstres crachent leurs tripes… Le résultat est plus drôle, plus fou et finalement moins figé que le Stardust récemment sorti (et également puisé dans l’esprit de Gaiman). Au fur et à mesure de cette fable fataliste, on oublie bien vite ce qui est dû à l’ordinateur. D’ailleurs dans certaines scènes notre oeil ne permet pas tout de suite de s’en aperçevoir. Le visage d’Angelina Jolie (terrible en mère-démone roulant les « r » quand elle parle en anglais ou scandinave), par exemple, est tellement vrai qu’on pourrait croire qu’il a été rajouté par un simple copié-collé vidéo. Alors à quoi bon le stratagème de la technique diront les sceptiques ? A donner de l’envergure à l’ensemble. A tout rendre fabuleux… Même l’eau y trouve un traitement graphique qui démontre que derrière les machines il y avait des infographistes qui se sont éclatés comme s’ils illustraient une sorte de graphic novel animée…
Le résultat est une bien bonne surprise. Espérons que ce film ne souffrira pas des préjugés habituels réservés à l’animation (« C’est de l’image de synthèse donc c’est pour les enfants » car ce serait un triste quiproquo. Les glaives tranchent, le sang coule, les femmes ne sont pas avares de courbes et les féroces dragons y sont grands comme des bombardiers. Beowulf n’a rien d’un conte de fées. C’est une de ces histoires qu’on racontait il y a des siècles au coin du feu. Cette fois encore, le talent des conteurs fait que la légende est bien servie…
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