Comic Box Virgin #37 – Point de Rupture
4 juin 2009[FRENCH] « Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir », chantait l’autre… Mais il y a encore une lueur qui pourrait peut être éclaircir le monde post-apocalyptique créé par Trillo et Risso: l’amour. D’un côté il y a la Commune, gouvernée par un vieillard se reconstruisant grâce à des organes clonés, qui diffuse l’Astral, donnant la foi dans un monde meilleur dans l’au-delà; de l’autre, il y a le Conseil, dirigé par un gros type très angoissé, qui commercialise l’Illusion, une drogue capable de faire croire que la vie sur Terre peut être meilleure. D’un côté il y a Emile, dit Blues à cause de son humeur dépressive, à la solde de la tyrannique Mme Ursula; de l’autre il y a Lisa, femme-androïde surnommée Crash depuis qu’elle a perdu l’usage de la parole, obéissant à un couple de lesbiennes en pleine crise. Lisa et Emile s’aimaient, mais il l’a vendue pour une poignée d’Illusion. Lisa a reçu l’ordre de tuer Emile. Emile a reçu l’ordre de tuer Lisa.
On a connu un Trillo bien plus inspiré (L’héritage du colonel, avec Lucas Varela ou La grande arnaque, prix du scénario à Angoulême en 1999) et un Risso plus en forme (100 bullets, avec Brian Azzarello chez Vertigo, qui lui a valu 4 Eisner Awards).
Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une des premières oeuvres du duo (qui a signé ensemble Chicanos; Simon: une histoire américaine; Fulù; Je suis vampire). Delcourt reproduit ici la division en 4 tomes adoptée aux USA par Dynamite, mais la première parution de cette saga de 600 pages date du début des années 1990 et a eu lieu dans un magazine argentin et ensuite italien (d’où la division en courts chapitres).
Considérant le livre sous cet angle, on pourra alors apprécier, au delà de tous les clichés sur l’univers post-apocalyptique, les traits qui caractérisent les deux compères: un malaise diffus, des personnages déments, l’amour qui défie la noirceur du monde… Ainsi, Lisa est une héroïne très « trillienne »: seule, on lui a tout arraché, mais il faut encore qu’elle se batte dans un monde déserté par le sens et les valeurs.
L’épisode plus touchant et réussi est le numéro 12, détaché de la continuité de l’histoire, où une émission télévisée filme la course de milliers de désespérés qui se suicident comme des lemmings. De la colline, ils se lancent vers la ligne de l’horizon, ce « point de rupture » de ceux qui ont cessé d’aimer la vie.
[Camilla Patruno]