L’exorciste John Constantine (Matt Ryan) a demandé à être interné, n’arrivant pas à se remettre d’un terrible traumatisme. Il s’accroche à l’idée que les électrochocs pourraient lui faire oublier un souvenir horrible. Mais bientôt, même dans cette retraite, de terribles puissances le retrouvent et le mettre sur la piste d’une jeune femme à sauver, l’Américaine Liv Aberdine (Lucy Griffiths). Et cela tombe bien car John connaissait bien le père de la jeune fille. Assez pour se douter du genre de démons qui peut courir après la belle. Commence alors un jeu du chat et de la souris. Bien que Liv réalise que des choses affreuses se produisent dans son sillage, elle peine à croire quelqu’un qui se présente avec « Master of the Dark Arts » écrit sur sa carte de visite. Il y a une petite dose d’humour ou de nonchalance qui n’est pas désagréable, qui permet de prendre un peu de distance par rapport à certains événements granguignolesques (ce n’est pas propre à la série TV, même dans le comic-book, quand un diable ou un type ailé surgit, c’est quand même un brin théâtral). Une part importante de cet épisode-pilote est consacré à installer Liv dans le rôle du sidekick ou du Compagnon façon Doctor Who. D’ailleurs en un sens le Docteur et Constantine ont quelque chose en commun dans leur manière de perdre leurs alliés. Un élément qui m’a dérangé, c’est peut-être le fait de trop en expliquer d’office sur l’affaire Newcastle et surtout d’en montrer. Astra piégée dans l’au-delà, implorant John dans des espèces de vision tandis que le démon l’emporte, ça fait un peu Sleepy Hollow, quand le héros a régulièrement un aperçu de sa femme chassée par un démon. Si les responsables du show tirent trop sur cette corde, nous ramènent Astra pour pleurer dans chaque épisode, ça risque vite de devenir rasoir. Cela me paraît un élément faible de l’épisode, ou avec lequel on a assez peu d’empathie malgré l’importance que ça a pourtant pour John.
C’était dit d’avance. Pas la peine d’attendre LE Hellblazer. Karen Berger, l’éditrice historique de Vertigo n’a pas reconnu dans cette série naissance le comic-book sur lequel son label a construit sa longévité. Des scénaristes également ont pris leurs distances. Le fan, lui, d’avance, savait que ce ne serait pas John Constantine puisque, forcément, c’est la télévision, le mal… C’est le débat qui a circulé ces derniers mois, enfonçant finalement une porte enfoncée depuis 2005 et le film déjà consacré au film. Si Warner/DC avait voulu faire Hellblazer, c’est le titre qu’ils auraient utilisé. Pour ma part, j’ai finalement bien retrouvé UN John Constantine mais qui n’est peut-être pas celui qu’une partie des lecteurs de Vertigo attendaient. Mais ce n’est pas non plus le John Constantine moderne des comics (sorte de Doctor Strange en imper qui court avec la Justice League). Non, ce Constantine-là, celui incarné par Matt Ryan en 2014, me semble finalement assez fidèle, assez proche, du Constantine que l’on oublie souvent : le Constantine pré-Vertigo, celui de Moore et Bissette (dans Swamp Thing) ou encore de Jamie Delano et John Ridgway (c’est à dire les premiers épisodes d’Hellblazer avant que le titre bascule dans l’escarcelle de Vertigo, bien que déjà édité par Berger). Ce Constantine-là à des liens avec l’univers DC, des mentions de Doctor Fate ou peut-être même de la « Maison des Secrets » (allez savoir ce qu’est l’édifice aperçu). Ce Constantine-là est marqué, traumatisé par les événements de Newcastle et ça, les fans de la première heure ne peuvent qu’apprécier. Comme l’intervention de Chas, compagnon de longue date de John. C’est aussi un Columbo de l’exorciste. un Constantine qui fait de la magie à l’économie, à l’opposé du Constantine actuel des New 52. Ainsi, l’affiche de promo de la série est trompeuse, il n’émet du feu que grâce à une poudre (Matt Ryan ne se promène pas en lançant des décharges).
Non, il n’y a pas vraiment de problème d’écriture. Le casting de Matt Ryan a ses fans et ses antifans j’imagine. J’ai pu lire de ci et de là que l’acteur semblait trop « beau » pour représenter Constantine mais il faut quand même se souvenir que le personnage fut inspiré par un jeune Sting. Ce n’est pas un monstre. L’acteur me semble plutôt bien choisi. Il peut paraître à bout un instant et se reprendre la seconde suivante. Par contre, c’est le traitement graphique, visuel, qui laisse à désirer. De la même manière qu’en regardant certaines variantes de CSI on sait tout de suite dans quelle ville on se trouve, même si on vient de zapper, il devrait y avoir un parti pris, quelque chose qui ferait que visuellement Constantine (la série) se distingue. Pareil pour le traitement du gore. Bien que l’on aperçoive un ou deux cadavres possédés et un homme empalé, la dose d’hémoglobine est assez légère. Clairement ce n’est pas Walking Dead de ce côté-là. Peut-être aussi que le drame du feuilleton est d’avoir trop tardé et d’avoir été rattrapé entre-temps par des séries comme Supernatural (je pense par exemple au personnage de l’ange). D’un autre côté, ce que nous avons vu cette semaine est un pilote retravaillé. D’ailleurs, le personnage de Liv Aberdine évincé de la suite de la série, est assez finement exfiltré vers la fin pour céder la place à sa remplaçante. Ce que nous avons vu, c’est donc un point de départ mais nous aurons la semaine prochaine une bien meilleure compréhension de ce que les auteurs et les producteurs veulent. Pour un démarrage, sans être la série la plus noire que j’ai vu à ce jour, ce n’est très certainement pas la trahison annoncée du personnage. Tout dépend bien sûr de quelle incarnation on parle. Mais c’est un Constantine assez proche de ses débuts (ne manquerait qu’un Swamp Thing dans un coin), avec le potentiel de grandir. Est-ce qu’il est pour autant vraiment capable de devenir le « fils de… » que les lecteurs des dernières années d’Hellblazer connaissent ? C’est à voir. En tout cas le potentiel est là (on appréciera aussi les références au graphisme des couvertures, vers la fin). La manière qu’il a de faire chanter un de ses alliés le démontre. Niveau fidélité ce n’est pas Flash. Mais d’un autre côté c’est peut-être plus fidèle qu’Arrow (là pour le coup DC a triché en modifiant le comic-book pour générer la ressemblance). Un démarrage qui peut déboucher sur de bonnes choses, selon la vitesse de croisière définie d’ici quelques jours. Franchement, c’est avec intérêt que j’attends l’épisode 2. Néanmoins il faudra nous servir plus de noirceur (ou nous la servir avec plus de pathos), sinon « Dark Arts » va rester un terme sur une carte de visite…
[Xavier Fournier]
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