Legion est là ! Après Marvel/ABC/Netflix et DC/Warner/CW, c’est au tour de la Fox de s’essayer à la série super-héroïque avec les mésaventures de David Haller (être surpuissant mais aussi totalement fou) lié aux X-Men et aux New Mutants. Encore que pour ce premier épisode les auteurs font le choix de faire exister d’abord le personnage par lui-même. D’ailleurs c’est toute la question de cette nouvelle série : qu’est-ce qui existe et qu’est-ce qui n’existe pas ?
David Haller (créé par Chris Claremont et Bill Sienkiewicz) est le fils naturel du Professeur X et d’une diplomate israélienne, apparu pour la première fois dans New Mutants #25 (March 1985). Mais cela c’est déjà s’avancer beaucoup par rapport à ce que nous propose cette nouvelle série de la Fox. Dans les comics « Legion » est un ado rendu fou par ses pouvoirs, physiquement reconnaissable à une coupe de cheveux façon « corbac » des années 80. La structure familiale des Haller, l’âge de David, sa nationalité, tout est changé dans cette version. Ici, on a surtout gardé une trame (et encore on y reviendra plus loin) alors que peu de choses viennent situer David, adulte, dans la chronologie des films X-Men. A se demander, d’ailleurs, comment un public non sensibilisé à l’univers des comics va s’orienter dans cette « vision ». Legion démarre d’emblée comme une série TV ambitieuse mais également exigeante. Elle s’adresse à un public capable de ne pas s’impatienter alors que le héros reste assis dix minutes sur une chaise, en train de se demander si la chaise mais aussi la personne à qui il s’adresse et par extension le bâtiment dans lequel ils se trouvent sont « réels » ou si, au contraire, ce n’est qu’un nouveau méandre de ce qui se passe dans sa tête. Ici, pas de copain/copine/geek/nerd avec des t-shirts branchouille qui détecte le prochain danger qui menace la ville. On est, de manière assumée, dans quelque chose de beaucoup plus cérébral.
Legion n’est pas une décalcomanie du personnage de Claremont/Sienkiewicz et ne lorgne pas plus sur le comic-book plus récent publié ces dernières années par Marvel. Cela n’empêche pas de reconnaître par moment quelques petites « pointes » remontant aux origines du concept de la BD mais c’est plutôt fugace. Essentiellement, on pourrait voir, dans les rares moments où David Haller laisse aller ses pouvoirs, des explosions, des « éclatés » qui rejoignent, un peu, la folie visuelle de Sienkiewicz (mais pas beaucoup, admettons-le, puisque que cela évoque aussi les « accélérations/décélérations de Quicksilver dans les films de la Fox)). Reste le noyau dur du concept, le rapport à la réalité pour un personnage qui peut modifier cette réalité sans en avoir conscience. Mais même là, le rapport est inversé par rapport au Legion classique des comics. C’est à dire que dans New Mutants, Haller avait une certaine tendance à absorber des personnages « réels » dans son cerveau et à les plonger dans un univers délirant, finalement un peu comme dans Inception. La problématique pour ses victimes était alors de survivre « dans sa tête ». Ici c’est tout le contraire puisque c’est bien David qui se demande comment vivre/interagir dans le monde des autres. La recette est donc retournée comme un gant… Mais elle est loin d’être inintéressante pour les fans de comics. Si la fidélité avec la version papier n’est pas de mise, cette version de Legion, finalement, a beaucoup en commun avec la Crazy Jane de Grant Morrison dans la Doom Patrol (Crazy Jane qui, peut-être, devait un certain nombre de choses à Legion, déjà). Si on ne décalque pas des cases, des situations, il a dans cette version TV de Legion un indéniable langage comics, simplement pas là où l’on pouvait l’attendre…
Dans les premières minutes, on a tout le loisir de se demander quand ce « vol au-dessus d’un nid de coucous » mutant se déroule puisque les protagonistes ont le chic pour évoluer dans des décors et des tenues un peu « seventies ». Ne manque guère que les lava-lampes (et encore il y en a peut-être, je ne suis pas sûr). Mais on comprend vite, à peu près arrivé au tiers de l’épisode, qu’au-delà du temps il s’agit de marquer les niveaux de réalité de David Haller, alors qu’on réalise aussi que les dangers qui le menacent ne sont pas seulement dans sa tête. Il y a un autre niveau où les personnages ont pour le coup une technologie avancée, ce qui permet de savoir tout de suite où l’on est. Un autre niveau, encore, qui est peut-être celui de l’évasion, du sauvetage, avec dans les dernières minutes une brusque montée de l’action. Disons que si le show ne tombe pas dans le piège d’agiter dès le début des ramifications avec les X-Men (au risque que certains spectateurs le regrettent), la réalisation et le scénario se chargent de nous fournir des personnages de substitution assez marquant, en particulier une sorte de remplaçante de Rogue/Malicia et, peut-être, un équivalent de Magnéto dans les derniers instants. C’est complexe, mais prenant. Ce n’est pas LE David Haller des comics mais d’un autre côté, même dans la BD, il s’agit d’un concept fluide qui se prête aux réinterprétations et aux déviations. Ne cédant pas aux sirènes de la série TV pour geek, Legion s’élance à un niveau plus sérieux, non sans se réserver quelques piques d’humour (la frangine qui planque les outils ou, plus surprenant, l’utilisation d’un chanteur français bien connu chez nous). Legion pique l’intérêt et on est curieux de voir où ses hallucinations vont l’emmener. Une bonne surprise, servie par ailleurs par un casting inspiré et impliqué !
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