À l’heure où la diversité et la mixité dans l’Entertainment font beaucoup parler, Marvel a la bonne idée de nous donner une série sur une femme forte. Les regards sont tournés sur les futurs films de Wonder Woman ou Captain Marvel ? Sur un concept de série TV Supergirl ? Plus la peine d’attendre. Ce n’est S.H.I.E.L.D.’46 mais bien « Agent Carter », un show qui repose avant tout et surtout sur elle et, encore mieux trouvé, sur un véritable thème. Héroïne de l’armée pendant la guerre, Peggy a retrouvé la vie civile mais le contexte a changé. Non seulement elle pleure Captain America mais elle doit aussi faire face au sexisme. On avait besoin des femmes pendant la guerre mais, avec la fin des hostilités, les hommes sont rentrés, ont repris leurs postes et ne voient plus dans les « petites minettes » que des potiches bonnes à apporter le café. Bien qu’agent dans ce que l’on peut qualifier comme l’ancêtre du S.H.I.E.L.D., Peggy est ainsi cantonnée à des choses bien peu intéressantes, ses collègues mâles se moquent d’elle. Par la force des choses, elle va cependant reprendre l’initiative et mettre son nez là où on ne l’attend pas. Sur ce point, clairement, c’est un agent secret qui ressemble à un agent secret, qui utilise déguisements, gadgets et méthodes de manière beaucoup plus efficace que la bande à Coulson.
Il y a un an et demi, au moment du lancement d’Agents of S.H.I.E.L.D., tout le monde espérait une extension directe du périmètre des films, avec des références courantes à Iron Man ou Thor. Ce n’est pas précisément ce qui a été proposé, finalement, et l’intégration ici d’images de Captain America: The First Avenger, quand bien même elles ne sont jamais que de la « récup' », permettent d’emblée de remettre les (télé)spectacteurs dans le bain. Peggy Carter est un personnage entier, quand bien même secondaire, qui a tenu sa place dans l’origine cinématographique de Steve Rogers. Coulson au cinéma ? Ce n’était qu’une sorte de comptable qui enquiquinait Tony Stark ou refusait de rendre son marteau à Thor. Agents of S.H.I.E.L.D. s’est construit sur les retombées de sa mort mais le personnage restait à muscler. Ici, Peggy, c’est une toute autre situation. D’abord, le choix de Marvel est courageux car au demeurant Peggy Carter, c’est quand même un peu une des Andrews Sisters, une héroïne coiffée et habillée comme dans les années 40. Et une actrice (Hayley Atwell) qui, tout en étant sublime, ne sort pas du moule « starlette anorexique » qui peuple la plupart des castings des séries TV US. Ici pas de bellâtre faussement adolescent qui s’entraîne torse nu, pas de geek pour que le jeune public s’y reconnaisse. C’est plus typé, plus gonflé… La mise en évidence du sexisme (et, réciproquement, du côté « on ne me la fait pas » de Peggy) et d’une modernité totale, au-delà des décors et des costumes. Mais il est clair que ce n’est pas le même public qui est visé.
Comme le S.H.I.E.L.D. la série lance vite les bases d’une conspiration. Howard Stark n’est pas aussi présent que certains bruits pouvaient le laisser penser mais il est superbement utilisé. Ses armes expérimentales lui ont été dérobées, sont tombées dans de mauvaises mains et il doit prendre la fuite, considéré comme un traître. Ne reste donc que deux personnes pour lutter contre d’étrangers comploteurs muets : Peggy Carter et… le véritable Jarvis (James D’Arcy). Mais un Jarvis très pantouflard qui veut bien sauver le monde, seulement si cela tombe dans ses heures ouvrables. On appréciera aussi certaines allusions à la continuité, comme l’aperçu fugace du père d’un ennemi du futur Iron Man. Objectivement, certains dialogues ou quelques mimiques peuvent paraître caricaturales mais avec le vernis rétro (un peu comme pour Rocketeer), cela passe beaucoup mieux que dans l’autre show actuel de Marvel. Agent Carter n’est pas parfait mais commence avec quelque chose qui faisait défaut au S.H.I.E.L.D. : de l’âme ! En tout cas c’est un bon début…
[Xavier Fournier]
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