Marvel’s Daredevil Saison 2 – Episodes 1 à 7

[FRENCH] Moins d’un an après une première saison acclamée par la critique et le public, Daredevil revient en force. L’équipe créative a été renouvelée mais le casting reste le même, avec en renfort Jon Bernthal et Elodie Yung, respectivement dans les rôles du Punisher et d’Elektra. À la vue des premiers épisodes (Netflix ayant dévoilé à l’avance les sept premiers épisodes à la presse), l’énergie est toujours là.

Dans la première saison de Daredevil, on insistait sur le fait que New York était une ville traumatisée après la bataille des Avengers contre les Chitauris. Les gens de la rue avaient découvert d’un coup, de leur fenêtre, que les dieux nordiques et les extra-terrestres existaient. Les débuts de Daredevil apparaissaient presque comme une conséquence. Dans un monde où Captain America était possible, Matt Murdock n’allait pas se contenter de passer inaperçu, dans l’ombre, il allait graduellement accepter la personnalité de Daredevil, apprentissage symbolisé par les évolutions de son costume. Daredevil Saison 2 reproduit un peu cette idée de retombées, une sorte de « passe à ton voisin ». Là où les remous antérieurs de l’univers partagé de Marvel Studios/Marvel TV favorisaient, à l’intérieur du récit comme à l’extérieur, l’apparition de Daredevil, le voici qui entraîne à son tour des « répliques ». Où comme le dit carrément Karen Page dans un passage, en encourageant Daredevil quelques mois plus tôt, ils ont ouvert la porte à d’autres.

LE DIABLE HORS DE SA BOITE

Voilà donc quelques temps que Matt Murdock a revêtu le costume de Daredevil, le « diable d’Hell’s Kitchen » comme l’appelle encore les habitants du quartier. Avec l’incarcération de Wilson Fisk la saison dernière, les criminels tentent de se réorganiser. Mais les mafieux locaux croisent un justicier encore plus efficace que DD. Un mystérieux individu dégomme les criminels les uns après les autres. Cet homme, c’est Frank Castle alias le Punisher. Le sens moral de « tête à cornes » est mis à rude épreuve quand il découvre les motivations de Castle. Matt se pose des questions sur le but de sa mission. Sert-il à quelque chose face au mal qui ronge sa ville ? Est-ce que ses efforts n’aggravent pas les choses ? Non pas que Matt Murdock (Charlie Cox) ait un gramme de responsabilité dans la tragédie de la famille Castle mais il y a désormais d’autres personnages dans les rues de New York qui font ce qui leur paraît juste. Le problème étant que tout le monde n’a pas la même définition de la justice. C’est bien trouvé, puisque du coup, même les personnages en place se retrouvent à continuer à « apprendre les règles » de cet univers. Au niveau de leurs relations aussi, les choses évoluent, avec un épisode qui démontre toute l’utilité d’un Foggy Nelson, qui – bien que parfois maladroit – n’est pas simplement le bon vieux pote/faire-valoir. Et puis il y a Karen, bien entendu…

KAREN, LA FILLE SANS PEUR ?

Cette dernière voit son rôle étoffé. Pas de retour en arrière, Karen est un élément primordial de l’intrigue. Comparable à une Lois Lane, l’assistante du cabinet Nelson & Murdock se remue pour résoudre les affaires judiciaires alors que les deux autres sont embourbés dans leurs problèmes relationnels. Ce « problème » étant déjà présent dès le milieu de la saison 1. On aimerait voir Matt plus souvent derrière son bureau ou dans la cour d’un tribunal plutôt que dans les rues ou agonisant sur son canapé. Karen est peut-être même « trop » utile. Non pas que ce soit un problème qu’elle soit mise en avant mais une partie de ses actes, motivés par sa curiosité, multiplierait, dans la réalité, les vices de procédures. Et d’autres parts on peut avoir de gros doutes sur le fait que le système judiciaire new-yorkais tolérerait qu’une simple secrétaire sans le moindre diplôme de droit intervienne de façon aussi présente dans un certain nombre de scènes (à commencer par un contact constant avec des criminels arrêtés). Mais c’est aussi le type de raccourci que l’on trouve dans la plupart des séries policières (regardez n’importe quel épisode des Experts… vous pensez réellement que le type qui fait les autopsies est aussi celui qui est supposé mener l’enquête à ce point, y compris au niveau de la gestion des suspects ?).

LA PUNITION DES GRANDS JOURS

Charlie Cox et Jon Bernthal, lors de la soirée de présentation à Paris

Jon Bernthal est le quatrième acteur qui prête son visage au Punisher. Mais c’est aussi le premier à le faire dans une position d’antagoniste, où il peut laisser toute liberté à sa gouaille et à sa rugosité. Les trois autres versions de Frank Castle évoluaient dans des films dont elles étaient le héros. Seulement, à l’origine, Gerry Conway l’avait clairement créé comme un adversaire de Spider-Man, et donc avec un œil critique. A l’origine, on n’était pas supposé admirer le Punisher. Et donc, pour la première fois, on nous donne clairement un personnage qui n’est pas simplement un justicier extrême et torturé, mais bien un anti-héros, une sorte de « tueur en série de tueurs ». A cet égard, il y a d’ailleurs une scène dans un abattoir qui laisse pantois sur le degré de sadisme de Castle, jamais égalé, sous cette forme, à l’écran. Du coup, pour une bonne partie, ce Punisher-là, en particulier sur les premiers épisodes, c’est aussi celui de Frank Miller, qui l’avait traité de façon très critique dans ses propres épisodes (Daredevil #183-184). Mais une autre source est criante. Lors de la soirée parisienne de présentation de la saison 2, Jon Bernthal assurait le fan service et martelait une chose : il a bossé son sujet et pour lui, le meilleur Punisher qui soit, c’est celui de Garth Ennis dans la série PunisherMAX.

DANS LE SILLAGE D’ENNIS

« Vous êtes le Ramoneur ? Non, moi c’est le Punisseur. »

Franchement, il nous aurait raconté le contraire, on l’aurait traité de menteur, tant la filiation est évidente. L’acteur n’est d’ailleurs pas le seul à avoir du Ennis en lecture de chevet. A l’évidence les auteurs du show aussi s’en sont gavés, comme la célèbre scène d’un Daredevil attaché à une cheminée et obligé de se servir d’une arme à feu (encore que dans un contexte un peu différent). Le Punisher version Netflix commence à l’économie, d’abord comme un simple type en veste militaire sombre, lorgnant un peu sur le Robert DeNiro de Taxi Driver, qui préfère passer inaperçu et ne s’amuse très certainement pas à se peindre un crâne blanc sur le torse. Mais au fil de cette saison, on apprend de part et d’autre à gérer la représentation. Castle considère que Daredevil ne fait pas le « job », que le système profite aux conditions qui ont tué sa famille et qu’il faut donc monter d’un cran. Les teasers, qui nous le montrent avec le « full costume », nous laissent imaginer jusqu’à quel point il va pousser la logique. Combiner Conway, Miller et Ennis donne quand même une idée du haut degré de fidélité envers les comics.

LE ROUGE EST MIS

Au niveau d’Elektra, il y a de bonnes nouvelles et de moins bonnes. D’abord, l’essentiel des spectateurs traumatisés par les films Daredevil et Elektra peut souffler : L’Elektra que l’on nous propose ici n’a rien à voir avec la « Power Ranger rouge » incarnée par Jennifer Garner dans ces longs-métrages passés. Encore que, si, bizarrement, le costume que l’on nous propose en début de saison (différent de celui des posters, qui lorgne plus sur Mortal Kombat) lorgne quand même un peu sur celui de Garner ou encore sur la Ultimate Elektra. Dans sa chair, Élodie Yung incarne véritablement Elektra, n’en déplaise aux râleurs de service qui, se basant sur ses ascendances asiatiques, trouvaient qu’elle n’avait pas à jouer un personnage d’origine grecque. D’abord, dans les comics, la mère d’Elektra est assez en retrait pour qu’on puisse imaginer qu’elle était asiatique sans pour autant révolutionner le personnage. Mais surtout Élodie Yung a la stature et les mouvements d’Elektra.

AU BOUT DU COULOIR (Bis)

Elodie Yung expliquant comment elle a parlé à Jeph Loeb de lui botter le derrière.

On prend les mêmes et on recommence ? En quelque sorte. Pour le costume, si au départ, il reste inchangé. Il évolue au fil des épisodes mais toujours pour des raisons expliquées dans le scénario… Ce qui permet de satisfaire les fans mécontents des derniers plans, l’an dernier. Par contre, en termes de réalisation, on stagne sur certains points qui avaient fait le buzz durant la saison 1. Prenons par exemple le combat en plan séquence du deuxième épisode de la S1. Les auteurs n’ont pu s’empêcher de la refaire. Là pour le coup, on est déjà un peu plus dans la formule. Sachant dans la saison précédente ce vrai-faux plan séquence avait marqué les esprits, on revient plusieurs fois à cet exercice, d’une façon ou d’une autre. Daredevil tape sur un gang dans un hall, dans un tunnel, d’une manière assez insistante afin que tout le monde comprenne bien que c’est la « signature » de la série. Du coup, dans ces circonstances, c’est paradoxalement moins inventif puisque personne ne songe à fixer la caméra ailleurs ou à une autre hauteur. Les vraies trouvailles de réalisation, disons les gimmicks, se trouvaient dans la saison dernière, tandis qu’ici on les rejoue. Avec des combats qui parfois tiennent largement les objectifs et ailleurs semblent un peu plus poussif.

Elektra, Daredevil et le Punisher, en chair et os, à Paris.

UNIVERS SALE

Ce qui n’empêche pas une évolution dans un domaine : show assumant sa violence (ce que permet le réseau de diffusion), Daredevil en montre sans doute un peu plus que l’an dernier. Là le Caid écrasait une tête contre une portière, dans la pénombre, les choses sont désormais plus explicites, avec plus de « barbaque », plus de sang et des plans traversant des blessures. Il faut dire aussi que quand vous avez le Punisher à bord, ça aide. Dans le même ordre d’esprit, la volonté de typer graphiquement la série échappe parfois à tout contrôle. On cultive les néons usés et moroses à volonté (ce qui fonctionne bien avec le côté nocturne du héros). Mais parfois les décorateurs se lâchent un peu trop : le bureau de Nelson &Murdock, c’est un vrai poème au niveau des tâches de gras et empreintes de doigts sur les vitres intérieures, histoire de bien enfoncer le clou : « hé les gars, ils sont fauchés ! ». D’accord, mais enfin quand même… Cela marcherait avec le bureau de Jessica Jones, qui manque de self-respect, mais chez ces avocats…

DANS LA CONTINUITE

Daredevil Saison 2 voit le héros secoué dans l’usage de ses pouvoirs (hommage direct à Daredevil #186-187) et dans ses certitudes. Les auteurs entretiennent le côté instable qui marquait déjà la saison précédente et Matt cherche son équilibre, tout en restant faillible. Ce qui est une bonne chose. Au niveau de Foggy et Karen, on a réellement l’impression que ces personnages continuent de grandir. Matt doit d’une part apprendre à compter sur eux mais aussi, inversement, à leur rendre des comptes. On aura compris que c’est le Punisher qui, pour nous exploite à fond le concept d’origine tandis qu’Elektra, elle, n’est pas à la hauteur de nos attentes, malgré Elodie Yung. Ceux qui avaient détesté la première saison peuvent tourner les talons, mais les « Daredevilophiles » de l’an dernier, se retrouveront à la fois dans un terrain de connaissance tout en vivant réellement une expansion de cet univers (qui doit beaucoup à Bernthal).

[Pierre Bisson & Xavier Fournier]

Daredevil Saison 2 est disponible sur Netflix. Nous reviendrons les épisodes restants de la saison dans un article à venir.

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