Par exemple le Dave Lizewski du film, tout en gardant une partie pathétique qui fait partie du personnage, est en un sens moins pleurnichard que celui de la BD. Il reste hypocrite, cherchant plus à se valoriser qu’à vraiment sauver son prochain, mais on nous évite certains travers des tous premiers épisodes de la BD. Dave Lizewski « ciné » est un pauvre type qui cherche à redorer sa vie mais il est en un sens plus touchant que celui du comic-book (qu’on aurait plutôt tendance à prendre en grippe au début de l’arc)… Il a fallu changer mais dans une logique qui se défend. Kick-Ass est en un sens une œuvrerès référentielle mais les gimmicks n’ont pas forcément la même portée selon qu’on les évoque sur une page de comic-book ou à l’écran. A l’image de la scène d’ouverture, dans laquelle les initiés ne peuvent s’empêcher de penser à Condorman. Sous le crayon de John Romita Jr., c’est un clin d’œil. Une fois transposé au cinéma, l’allusion est forcément plus manifeste. De cette situation découle donc diverses modifications. Le Big Daddy incarné par Nicolas Cage se fait à la fois plus nonchalant mais aussi plus « cinématographique ». Là où celui de la BD était une sorte de gros Punisher, celui du film est un curieux mélange entre le Comedian et Adam West mais la chose passe plutôt bien car sa réserve tempère un peu la boule d’énergie qu’est Hit Girl. Cette dernière est la véritable star du film, qui fait une bonne partie du show à elle toute seule, comme si elle était la version fillette de la Mariée de Kill Bill…
A chaque fois que sort un film inspiré par un comic-book, ça ne manque pas, il y a toujours quelques journalistes de la presse généraliste qui y vont de leur titre façon « la revanche des geeks », agrémenté au passage d’un propos condescendant façon « mais attention, hein, ça a beau venir de la BD, ce n’est pas pour les enfants ». Si on pouvait comprendre un tel angle lors de l’arrivée de la vague actuelle (mettons avec Blade puis les X-Men) quand le public avait encore en « référence » les mornes Batman de Joël Schumacher, de l’eau a coulé sous les ponts. Il n’empêche. Rien n’y fait. Une fois de temps en temps je ne dis pas (en cas de films jalons, Comic Box aussi a pu marquer le coup et parler de « revanche »). Mais non, on tombe dans le systématique. A chaque nouvelle sortie ciné de ce type, une plume sans doute pleine de bonnes intentions réinvente la poudre : un film à tendance comics sort et le geek lambda devrait s’en trouver magnifié, consacré, porté aux nues de voir que son univers dictant sa conduite à l’écran. Et avec Kick-Ass, ça ne loupe pas, on a déjà vu fleurir les premiers signes de ce « marronnier » qui revient sans cesse… Kick-Ass serait un triomphe du geek parce que, et oui les mecs, c’est un geek fan de comics qui finit par franchir le pas et devenir, enfin, super-héros lui-même. Sabrons donc d’emblée un malentendu : Kick-Ass (le film comme la BD d’origine) n’est pas une lettre d’amour à l’attention des « geeks » mais au contraire un message qui ne leur épargne rien (sur le ton, à mon sens, de « qui aime bien châtie bien »). Le propos de Millar, sur les deux supports, reste « et si toi tu essayait à ton tour de devenir super-héros ? ». Et la réponse est forcément « Tu en prendrais plein la gueule… Parce que le super-costume ne fait pas le moine ». Kick-Ass, le film, sans être d’une acidité sans bornes, n’est donc pas quelque chose qui frotte dans le sens du poil. Ceux qui voudraient nous faire par avance, dans le cas présent, le coup de « la revanche des geeks » se tromperaient complètement sur le contenu du message. Peut-être aussi est-ce en ça que Kick-Ass (le film comme la BD) ne s’adresse pas à ceux qui voudraient retrouver le feeling Silver Age des BD de leurs dix ans… Pour autant il ne faudrait pas non plus y voir une attaque en règle puisqu’à priori on rit beaucoup en voyant ce film… Pour peu qu’on aimer l’humour noir et décalé..
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