Tarzan !
16 juin 2009[FRENCH] A partir d’aujourd’hui et jusqu’au 27 septembre 2009, le Musée du Quai Branly accueille l’exposition Tarzan. Et si, d’aventure, certains nous opposaient que l’homme-singe (créé comme personnage littéraire en 1912 puis devenu par la suite un phénomène de cinéma) n’a pas grand chose à faire sur un site traitant principalement de BD, nous devrions leur conseiller d’urgence cette visite, qui repose pour une bonne partie sur le côté BD de Tarzan et de ses imitateurs…
Tarzan ! Pour quelques mois, le seigneur éternel de la jungle s’est trouvé un nouveau royaume du côté du Quai Branly. Certes il ne veut peut-être plus dire la même chose pour les générations les plus récentes, pour lesquelles Tarzan est avant tout un personnage de série télé incarné par un bellâtre. Mais le Tarzan iconique, celui qui, mine de rien, deviendra centenaire dans trois ans, quel monument ! Il aura accompagné à travers le XX° siècle tous les paradoxes de la colonisation, de l’imaginaire de la jungle, du retour à la nature et, pour certains esprits un peu rigides, il aura même incarné le pêché. Dans sa présentation, Roger Boulay, commissaire de l’exposition fait très justement le lien avec le Paradis Perdu. Tarzan, pour les uns, était le symbole d’une vie sans complexe. Pour les autres, c’était l’incarnation de l’obscénité (nos lecteurs habitués se reporteront à Comic Box vol.2 #1, dans lequel nous citions déjà des articles de la fin des années 40 qui dénonçaient Tarzan comme « ennemi des gosses »). Tarzan fut un personnage important dans la culture collective du siècle dernier et même encore certaines questions qu’il soulevait ne sont pas réglées.
Tarzan fut tour à tour personnage de roman, vedette de cinéma… et héros de BD. Les nombreuses planches d’Hogarth, tirées de la collection de Bernard Mahé ou de quelques autres bonnes volontés sont là pour le rappeler. Ces grands originaux restent les preuves de la maîtrise anatomique d’un maître, habitées par la puissance des plus grands peintres classiques. Au hasard du parcours, on trouve aussi de multiples exemplaires du journal illustré de Tarzan, en son temps véritable phénomène de la BD en France (plusieurs centaines de milliers d’exemplaires écoulés à chaque numéro, tandis que Batman jouait les seconds couteaux dans la revue). Car si le roi de la jungle fut et reste un vrai personnage multimédia, sa percée dans la BD est tout à fait remarquable et peut-être encore plus dans la France de la première moitié du siècle. Et si nous nous rendions à la première de l’exposition avec une petite crainte que la partie BD ne soit qu’une sorte d’alibi pour présenter des formes artistiques généralement plus acceptées, nous fûmes vite rassurés. La BD n’est certes pas le seul vecteur présenté (et d’ailleurs ça n’aurait pas de sens). On trouve de nombreux documents écrits, photographiés… Des figurines, des statuettes d’art traditionnel. Mais les illustrés sont là et bien là. Et ce n’est que justice : Tarzan était la figure de proue d’une jungle de l’imaginaire où évoluaient d’autres héros tels que Sheena (on trouve d’ailleurs une planche de la belle, dessinée par Bob Powell) ou du Phantom. Et l’idée qu’un homme blanc puisse choisir de vivre dans la jungle, vêtu de peaux de bête et vivant avec des tribus « idolâtres » ne faisaient pas sourire tout le monde. D’ailleurs les responsables de l’exposition nous offrent un exemple devenu rare : un numéro de Tarzan avant et après le passage de la censure. Sur l’un, Tarzan et Jane vivent heureux et nus dans la jungle… Sur l’autre, la version « revue et corrigée », le censeur puritain à fait rajouter des pagnes… Et la légende de la vitrine ne se gêne pas pour noter qu’à l’époque « l’esprit de Sarah Palin soufflait déjà… ».
Tarzan, c’est aussi un pionnier, un modèle qui fera naître d’autres héros dans son sillage que les connaisseurs qualifient de « tarzanides ». Il y a Sheena, dont nous parlions plus haut mais il y a aussi de nombreux autres aventuriers de la jungle et de la BD populaire, comme Akim. Au fil de l’exposition on trouve ainsi d’autres « proches voisins » de la BD et on reconnaît au passage des œuvres de gens comme Pierre Mouchot (et entre parenthèses, vu les problèmes que ce dernier à pu connaître à une certaine époque, l’entrée dans un musée d’une de ses planches n’est qu’un juste retour des choses). On trouve aussi des dessins de Joe Kubert et de bien d’autres pionniers encore. Tarzan, c’est aussi un peu un super-héros. Et si certains hausseront les sourcils devant cette affirmation il faut bien voir en lui un des archétypes qui mèneront à l’arrivée de nouveaux modèles de héros. Tenez, dans un coin, les têtes pensants de l’exposition ont même pensé à disposer un exemplaire de l’édition française du crossover Batman/Tarzan telle qu’éditée ici par Wetta. On note au passage (parmi un programme d’événements annexes assez riches qui court jusqu’à la fin de l’été) une soirée prévue le 10 septembre en hommage à Francis Lacassin (grand spécialiste du héros) récemment décédé. Bref cette exposition permet non seulement de découvrir les nombreux angles du personnage, elle permet aussi, à travers les lianes ceux qui, un jour ou l’autre se sont pris à rêver d’aller explorer le royaume de Tarzan. Le parcours de l’exposition est d’ailleurs exemplaire, avec deux niveaux de lecture : suivant votre taille et donc votre âge, les panneaux ne donnent pas les mêmes indications et s’adressent donc de manière simultanée à différentes générations. Au final cette exposition n’a qu’un défaut, celui de ne pas être plus grande comme une jungle qu’on pourrait explorer pendant des semaines. Encore que. A côté des planches de BD, des périodiques et des extraits vidéos, quelques singes géants et autres crocodiles figés sont là pour nous rappeler que marcher pour de bon dans les pas de Tarzan ne serait pas de tout repos. Alors, décidément, mieux vaut voyager par le biais de l’imagination… Et puis il y aussi cette petite satisfaction de ne pas laisser le dernier mot à ceux qui, il y a cinquante ans encore, voulaient interdire ce personnage… Autant dire que la visite est donc doublement conseillée…
[Xavier Fournier]« Tarzan! Ou Rousseau chez les Waziri » (du 16 juin au 27 septembre 2009)
www.quaibranly.fr
Pour une fois , je regrette de ne pas habiter Paris . Cette exposition a l’air plutôt intéressante et ce , comme vous le dites , a plusieurs niveaux . Même si ce roi blanc en Afrique garde un « petit » goût du temps des colonies…;)
C’est bien pour ça qu’il trouve sa place au Quai Branly, sans doute…
Si Tarzan n’a rien à faire sur un site de BD,il va falloir virer pas mal d’autres héros.Etant môme j’ai toujours pensé que c’était un comic book vu que Sagédition l’éditait au même format que Batman et Superman.Le fait que Joe Kubert dessine quelques épisodes a sûrement ajouté à la confusion.J’ai aussi un vague souvenir d’une série animée à la fin des années 70,au graphisme très comic book,et assez axé sur le fantastique.
Et bien le moins qu’on puisse dire c’est que c’était AUSSI un personnage de comic book. D’ailleurs il suffit de voir l’affiche de l’expo (qui représente bien le personnage de BD et pas une couverture de roman ou une photo de film) pour comprendre qu’il a marqué l’univers des illustrés… Donc tout va bien, cette réalité ne pourrait être remise en cause que par des néophytes 😉
En tout cas je suis d’accord avec vous pour Pierre Mouchot,qu’une de ses planches soient exposés dans un musée de la capitale est un juste retour des choses.Quand on sait comment il fut attaqué par les associations familiales et catholiques pour son héros FANTAX,plus que Al Capy c’est la bêtise et l’ignorance qui ont tué FANTAX.Pierre Mouchot un héros de guerre attaqué par des « cons-patriotes » J’espère que « familles de France »et consorts vous foutes la paix.Pensez vous faire un article sur Fantax sur votre site dans les French collection,je pense que ça pourrait intéressé pas mal de comic fans?
Pour Fantax, ce n’est pas spécialement la fonction de French Collection, qui est plus axé sur les *traductions » de vieux comics que sur les super-héros francophones/européens. Par contre il arrive que nous en parlions dans Comic Box. Nous avons déjà consacré deux articles à Fantax/Pierre Mouchot mais aussi, par ailleurs, au Captain Marvel Jr. d’Uderzo et ce mois-ci le « héros oublié » est un autre personnage européen de la même époque. Donc rien dans le cadre spécifique de cette rubrique mais après tout reste ouvert…
That page with the giant head people makes me ridiculously happy.
Tarzan ayant été adapté en BD dès 1929, on en est à 80 années et le personnage lui-même fête son centenaire en 2012. Tarzan a été présent dans le domaine du comic-book dès 1947. Dark Horse republie actuellement ces épisodes signés Jesse Marsh, de la période Dell. Et toujours dans le comic-book, après il y a eu Gold Key (avec Russ Manning), DC (avec Joe Kubert), Marvel (avec John Buscema), SEMIC puis enfin Dak Horse avec toute une floraison de mini-séries, dont des épisodes signés des français Stan et Vince.
Et il ne faut pas oublier le Batman/Tarzan de Wetta, qui figure lui aussi (dans sa VF) dans l’exposition… Mais enfin visiblement on prêche à des convertis 😉