Tarzan ! Pour quelques mois, le seigneur éternel de la jungle s’est trouvé un nouveau royaume du côté du Quai Branly. Certes il ne veut peut-être plus dire la même chose pour les générations les plus récentes, pour lesquelles Tarzan est avant tout un personnage de série télé incarné par un bellâtre. Mais le Tarzan iconique, celui qui, mine de rien, deviendra centenaire dans trois ans, quel monument ! Il aura accompagné à travers le XX° siècle tous les paradoxes de la colonisation, de l’imaginaire de la jungle, du retour à la nature et, pour certains esprits un peu rigides, il aura même incarné le pêché. Dans sa présentation, Roger Boulay, commissaire de l’exposition fait très justement le lien avec le Paradis Perdu. Tarzan, pour les uns, était le symbole d’une vie sans complexe. Pour les autres, c’était l’incarnation de l’obscénité (nos lecteurs habitués se reporteront à Comic Box vol.2 #1, dans lequel nous citions déjà des articles de la fin des années 40 qui dénonçaient Tarzan comme « ennemi des gosses »). Tarzan fut un personnage important dans la culture collective du siècle dernier et même encore certaines questions qu’il soulevait ne sont pas réglées.
Tarzan fut tour à tour personnage de roman, vedette de cinéma… et héros de BD. Les nombreuses planches d’Hogarth, tirées de la collection de Bernard Mahé ou de quelques autres bonnes volontés sont là pour le rappeler. Ces grands originaux restent les preuves de la maîtrise anatomique d’un maître, habitées par la puissance des plus grands peintres classiques. Au hasard du parcours, on trouve aussi de multiples exemplaires du journal illustré de Tarzan, en son temps véritable phénomène de la BD en France (plusieurs centaines de milliers d’exemplaires écoulés à chaque numéro, tandis que Batman jouait les seconds couteaux dans la revue). Car si le roi de la jungle fut et reste un vrai personnage multimédia, sa percée dans la BD est tout à fait remarquable et peut-être encore plus dans la France de la première moitié du siècle. Et si nous nous rendions à la première de l’exposition avec une petite crainte que la partie BD ne soit qu’une sorte d’alibi pour présenter des formes artistiques généralement plus acceptées, nous fûmes vite rassurés. La BD n’est certes pas le seul vecteur présenté (et d’ailleurs ça n’aurait pas de sens). On trouve de nombreux documents écrits, photographiés… Des figurines, des statuettes d’art traditionnel. Mais les illustrés sont là et bien là. Et ce n’est que justice : Tarzan était la figure de proue d’une jungle de l’imaginaire où évoluaient d’autres héros tels que Sheena (on trouve d’ailleurs une planche de la belle, dessinée par Bob Powell) ou du Phantom. Et l’idée qu’un homme blanc puisse choisir de vivre dans la jungle, vêtu de peaux de bête et vivant avec des tribus « idolâtres » ne faisaient pas sourire tout le monde. D’ailleurs les responsables de l’exposition nous offrent un exemple devenu rare : un numéro de Tarzan avant et après le passage de la censure. Sur l’un, Tarzan et Jane vivent heureux et nus dans la jungle… Sur l’autre, la version « revue et corrigée », le censeur puritain à fait rajouter des pagnes… Et la légende de la vitrine ne se gêne pas pour noter qu’à l’époque « l’esprit de Sarah Palin soufflait déjà… ».
Tarzan, c’est aussi un pionnier, un modèle qui fera naître d’autres héros dans son sillage que les connaisseurs qualifient de « tarzanides ». Il y a Sheena, dont nous parlions plus haut mais il y a aussi de nombreux autres aventuriers de la jungle et de la BD populaire, comme Akim. Au fil de l’exposition on trouve ainsi d’autres « proches voisins » de la BD et on reconnaît au passage des œuvres de gens comme Pierre Mouchot (et entre parenthèses, vu les problèmes que ce dernier à pu connaître à une certaine époque, l’entrée dans un musée d’une de ses planches n’est qu’un juste retour des choses). On trouve aussi des dessins de Joe Kubert et de bien d’autres pionniers encore. Tarzan, c’est aussi un peu un super-héros. Et si certains hausseront les sourcils devant cette affirmation il faut bien voir en lui un des archétypes qui mèneront à l’arrivée de nouveaux modèles de héros. Tenez, dans un coin, les têtes pensants de l’exposition ont même pensé à disposer un exemplaire de l’édition française du crossover Batman/Tarzan telle qu’éditée ici par Wetta. On note au passage (parmi un programme d’événements annexes assez riches qui court jusqu’à la fin de l’été) une soirée prévue le 10 septembre en hommage à Francis Lacassin (grand spécialiste du héros) récemment décédé. Bref cette exposition permet non seulement de découvrir les nombreux angles du personnage, elle permet aussi, à travers les lianes ceux qui, un jour ou l’autre se sont pris à rêver d’aller explorer le royaume de Tarzan. Le parcours de l’exposition est d’ailleurs exemplaire, avec deux niveaux de lecture : suivant votre taille et donc votre âge, les panneaux ne donnent pas les mêmes indications et s’adressent donc de manière simultanée à différentes générations. Au final cette exposition n’a qu’un défaut, celui de ne pas être plus grande comme une jungle qu’on pourrait explorer pendant des semaines. Encore que. A côté des planches de BD, des périodiques et des extraits vidéos, quelques singes géants et autres crocodiles figés sont là pour nous rappeler que marcher pour de bon dans les pas de Tarzan ne serait pas de tout repos. Alors, décidément, mieux vaut voyager par le biais de l’imagination… Et puis il y aussi cette petite satisfaction de ne pas laisser le dernier mot à ceux qui, il y a cinquante ans encore, voulaient interdire ce personnage… Autant dire que la visite est donc doublement conseillée…
[Xavier Fournier]« Tarzan! Ou Rousseau chez les Waziri » (du 16 juin au 27 septembre 2009)
www.quaibranly.fr
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