Trade Paper Box #100: Severed – Destins Mutilés
28 juillet 2013[FRENCH] On embarque avec le jeune Jack pour un voyage aussi intense que terrible à travers les Etats-Unis. Cette minisérie horrifique est signée Scott Snyder et Scott Turf (les deux scénaristes ont la particularité d’être amis d’enfance). Elle est illustrée par Attila Futaki et proposée dans sa version française sous le label « Indies » d’Urban Comics.
Sur la route…
En 1916 à Jamestown dans l’état de New York, le jeune Jack Garron entreprend seul le plus fou des voyages. Il compte bien rallier dans un premier temps Chicago, avec un violon, une vieille photographie et un dollar en poche, sur les traces d’un père qui l’a pourtant abandonné peu après sa naissance. Il tourne ainsi le dos à une mère aimante et un avenir qui semble prometteur pour poursuivre ce qu’il considère comme son destin et ainsi trouver les réponses sur ses racines. Une aventure qui va le conduire de Jamestown à Chicago jusqu’à la campagne du Mississippi. Il va y croiser le meilleur en la personne de Sam, mais surtout à bien des occasions le pire de l’humanité, dans le train, à la sortie d’un bar, mais surtout au contact de celui qui se fait alors appeler Alain Fisher.
… à la recherche du temps perdu
Une histoire portant autant sur l’importance du voyage dans la construction de soi, que sur le courage, la passion et l’insouciance qui caractérise souvent la jeunesse. Aussi bien que sur l’intensité de l’amour filiale, celui d’un fils pour son père, celui d’une mère pour son fils. Le tout sur une trame prenante de drame horrifique. Dont l’intrigue est basée sur la manipulation d’un jeune héros exalté en quête d’identité. C’est d’ailleurs ce qu’il faut au fond y voir de plus angoissant, plus encore que l’anthropophagie qui est mise en scène de façon relativement pudique. Un récit publié en version originale chez Image, basé sur une idée originale de Scott Snyder, l’un des scénaristes stars de DC à l’heure actuelle, œuvrant notamment sur Batman, American Vampire et Swamp Thing, associé à Scott Turf scénariste dans le cinéma avec lequel il est très ami et qui fut même son partenaire de voyage. Une partition bien gérée à quatre mains pour une mise en image tout aussi réussie d’Attila Futaki qui après une adaptation comic de Percy Jackson signe ici son plus gros projet.
Rencontre avec un ogre
Les destins des deux personnages antagonistes se croisent de façon habile, avant de converger, par hasard d’abord pense-t-on un peu naïvement. Car en effet le piège se referme autant sur Jack que sur le lecteur. Même si l’on devine le dénouement un peu avant la fin, cela n’enlève rien à la déception que l’on éprouve l’intrigue progressant. Car comme le héros, on a envie de croire à ces retrouvailles programmées avec un père absent. On ne peut se résoudre à ce que ce voyage ne l’ai conduit droit dans la gueule du loup, dans l’horreur et les ténèbres les plus obscures. Et alors que le héros lui-même pensait avoir laissé cette histoire comme son tortionnaire dans une bicoque en flammes du Mississippi, la fin ouverte réactive immédiatement l’angoisse du terrible souvenir, et nous laisse une bien étrange impression.
[Anne-Sophie Peyret]