Les Nazis entretiennent souvent dans les fictions, une fascination pour l’occulte et le surnaturel. C’est par exemple le cas dans l’univers Marvel où des personnages comme Crâne Rouge ou des organisations comme L’Hydra, sont toujours en quête d’un objet magique sensé procurer un pouvoir absolu, et servir la cause. Qu’il s’agisse d’une vérité historique ou d’une fantasme littéraire, c’est en tout cas essentiellement sur ce terrain que Lobster « le homard » Johnson, affronte les Nazis dans le New York des années 1930. Au détour d’enquêtes rocambolesques, résolues à un rythme effréné, et dans des cadres variés, que nous découvrons « la Pince », personnage récurrent de l’univers Hellboy. Celui-ci est tantôt à la recherche d’une amulette aux propriétés magiques (qu’il ne faudrait pas voir tomber entre de mauvaises mains) tantôt à la chasse au yéti, et aux loups garous. Notre homme cherche à faire régner l’ordre et la justice, et ne se contente donc pas de contrer les menaces mystiques, mais neutralise aussi, au détour de ses aventures, son lot de gangsters. Le personnage garde tout du long sa part de mystère, et demeure telle une ombre, énigmatique.
L’atmosphère de l’ensemble parait très inspirée des pulps de l’âge d’or. Les apparitions du personnage dans les scènes d’actions (toujours avec un parfait timing, ainsi que ses disparitions discrètes et imprévues, une fois le danger écarté) rappellent fortement les caractéristiques de Batman. Son équipe d’assistants et de techniciens spécialistes, 100% masculine, est assez proche de celle de Doc Savage. Et même si c’est Johnson le patron, les cas trouvent une résolution rapide grâce à l’action quasiment chorégraphié de l’équipe entière. Tout le pan historico-mystique se rapproche quant à lui des aventures d’Hellblazer et du personnage de John Constantine. Les modes opératoires des deux héros peuvent être comparés… même si le homard, de nature plus discret, nous apparait moins impulsif et n’en partage pas toujours la verve.
Mignola est dans un registre qu’il maitrise parfaitement, il parvient toutefois à insuffler au titre une tonalité singulière des autres déclinaisons dans la lignée d’Hellboy. L’artiste n’est pas ici au four et au moulin, et c’est Jason Armstrong, jusqu’ici méconnu, qui assure le dessin, dans un style aussi fluide qu’épuré, qui fonctionne bien avec l’action et la tonalité du titre. La colorisation singulière de Dave Stewart permet l’identification visuelle directe de la série, comme un dérivé du « Hellboy-verse ». Les fans de l’œuvre de Mignola ne peuvent que se réjouir de voir des spin-off de ce type voir le jour, des titres qui explorent les méandres d’un univers riche et complexe, dont des pans entiers restent peut être à découvrir.
[Anne-Sophie Peyret]
Lobster Johnson, par Mike Mignola (scénario), et Jason Armstrong (dessin), Delcourt, juin 2013, 160 p.
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