Mémoires d’Outre-Tombe…
A travers l’histoire de ce cinéaste condamné, Neil Gaiman et Dave McKean se sont ici donné pour ambition de décrire et faire ressentir au lecteur l’expérience très intime d’une dernière introspection avant la mort. Un auteur, source créative intarissable, se retrouve seul face à la nuit, à sa nuit, et choisit d’évoquer dans son ultime long-métrage imaginaire une fin du monde jamais survenue : l’an 999 et les peurs de ses populations font alors directement écho aux propres angoisses de ce maudit.
Pourquoi continuer alors que son long-métrage n’aura jamais le temps d’être bouclé ? « Pourquoi choisir de faire des films ? En fait, ce n’est pas un choix. Il m’arrive de gribouiller, de peindre à l’occasion… Mais réaliser c’est une obsession. Quand vous devez faire quelque chose, le choix n’existe plus. Vous continuez malgré la douleur, la frustration, la stupidité, la connerie, jusqu’à ce que… que vous tombiez. » Ces gens d’Europe centrale quittent leur village et attendent la fin du monde comme le cinéaste quitte peu à peu le monde des vivants : « Tout seul, je pars avec eux. » Le besoin de poursuivre sa création jusqu’au bout, pourtant, reste le plus fort : « Dans ma tête, le film continue. »
Le temps qui passe, en 999 comme dans les 90s (« Sans horloge, cette histoire ne vaut rien ») et la vie qui se répète sans cesse (« Les humains vivent toujours les derniers jours du monde. ») sont autant de leviers sur lesquels Neil Gaiman bâtit une issue optimiste et libératrice. Tout en baignant le lecteur dans la pysché chancelante de l’artiste en décrépitude. Gaiman est d’ailleurs particulièrement et effroyablement juste dans la solitude du malade.
Superbement écrit, éclairé par l’« humanisme » graphique de Dave McKean, cet album s’avère réellement utile – par-delà la fonction traditionnelle de loisir dévolue à la bande dessinée. Pas nécessairement facile à aborder, en raison de son thème et de sa narration assez elliptique, « Signal/Bruit » vous remuera cependant pendant de longs moments après lecture, car il s’agit bien d’une œuvre dont on ressort plus costaud et avec de meilleurs volontés. Vous en emporterez forcément quelque chose avec vous.
Au-delà de sa maîtrise esthétique et littéraire, que retenir de cette œuvre ? Probablement son message continu, son signal précieux et fragile, celui qui doit motiver chacun d’entre nous à exprimer ce qu’il a de plus profond en lui et à créer par lui-même. Extérioriser ne fait pas tout, mais tout n’est pas vain nous plus. Comme le dit Jonathan Carroll dans sa belle préface : « L’esprit indomptable de l’humanité ? Ou son envers moche – la vie est une pute, puis on crève ? Seule compte la quête, ou bien toute quête est échec ? » Parce que des œuvres de ce calibre existent et nous permettent d’avancer, ensemble ou chacun de notre côté, on ne peut que plaider pour la beauté de nos quêtes séquentielles. Alors la thématique initiale de la maladie grave pourra certes bloquer certains lecteurs, c’est compréhensible, mais au fond, cette histoire est avant tout un grand coup de pied aux fesses qui nous implore de vivre sans réserve.
[Nicolas Lambret]
« Signal/Bruit », par Neil Gaiman (scénario) et Dave McKean (dessin), Editions Au Diable Vauvert, novembre 2011, 80 p.
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