Trade Paper Box #95: Saga T1
16 juin 2013[FRENCH] Les grands récits d’ « amour impossible » sont pléthores dans la littérature. Certains d’autres eux nous marquent d’ailleurs de manière indélébile. C’est ce que l’on peut souhaiter aux protagonistes de la dernière série signée Brian K. Vaughan, dont le premier tome est paru chez Urban Comics. L’hyper talentueux scénariste d’Ex Machina et d’Y le dernier homme est associé ici à Fiona Staples que l’on avait découverte précédemment sur Northlanders.
Les histoires d’amour finissent mal en général…
Surtout lorsqu’il s’agit d’un amour interdit ! Ce n’est pas Robb Stark et Jeyne Ouestrelin, ou Roméo Montaigu et Juliette Capulet qui pourront nous contredire. Ici Alana et Marko ont choisis d’assumer leur amour et le moins que l’on puisse dire c’est que cela les mets dans une bien mauvaise posture. Ceux-ci sont issus de deux espèces extra-terrestres traditionnellement ennemies mortelles. À la naissance de leur fille Hazel, le symbole de cet amour, les jeunes parents déjà en fuite décident de ne pas courber l’échine. C’est alors que l’on embarque dans une cavale incroyable aux côtés de cette étonnante famille qui est pourchassée non seulement par l’armée de la faction régnante sur la planète Clivage, mais aussi par des chasseurs de prime surentrainés lancés à leur poursuite par des commanditaires encore assez mystérieux.
L’étrange ordinaire
La force indéniable de ce scénario, est la façon dont sont dépeintes les personnalités fortes et complexes de ses protagonistes. Brian K. Vaughan nous y a d’ailleurs habitué dans ces précédentes séries. C’est vraiment l’un des nombreux points d’intérêts de ses récits. Tous les personnages ont en effet leurs failles, leurs faiblesses et piquent notre curiosité. On brûle d’en apprendre d’avantage sur chacun d’entre eux, qu’il s’agisse des héros mais aussi des deux chasseurs de prime, du Prince Robot IV, en passant par Izabel la jeune fantôme. On a d’entrée le sentiment qu’entre les « bons » et les « méchants » la démarcation est floue. L’impression visuelle voire la réputation du personnage ne reflète en rien son caractère et ses véritables motivations. En effet selon nos échelles de valeurs et nos référentiels, la plupart d’entre eux ont des physiques étranges et inquiétants. Pourtant l’immersion dans leur univers permet de revoir nos jugements et nous invite à nous laisser porter par le récit, où les choses ne sont pas tout à fait ce qu’elles semblent être. De là à étendre ces réflexions à nos sociétés, à l’importance que l’on accorde aux apparences ou encore à notre propre rapport à l’autorité, il n’y a qu’un pas.
Pour vivre heureux vivons cachés
Ce duo discret ne demande qu’à vivre son amour de la façon la plus simple possible mais leur statut de fugitif les propulse au centre de l’attention. La petite Hezel est même très convoitée. Sont-ils vraiment les individus dangereux que les autorités cherchent à nous présenter ? Ceux-ci n’incarnent-ils pas plutôt l’idéal de paix entre les espèces que le peuple n’ose plus espérer ? On penche d’entrée pour cette seconde option. Voilà pourquoi le pouvoir en place à toutes les raisons de faire disparaître le couple aussi rapidement que possible. Il s’agit de se débarrasser d’un symbole de rébellion, dont l’importance pourrait bien dépasser le destin des individus. La fuite paraît en tout état de cause, la seule voie possible à leur survie. Les paris sont ouverts quand à la tournure que prendront les événements. Il paraît clair pourtant que la petite famille n’est pas prête de trouver un endroit tranquille ou s’installer. Les auteurs n’ont clairement pas fini de nous étonner et de développer cet univers. Cette épopée prendra-elle une direction dramatique à la Bonny and Clyde, à la Anakin Skywalker et Padmé Amidala ou assistera-on à l’happy end escompté ? Affaire à suivre.
[Anne-Sophie Peyret]
Saga, par Brian K. Vaughan (scénario) et Fiona Staples (dessin), Urban Comics, mars 2013, 168 p.
J’ai lu cette merveilleuse série en VO. En feuilletant le volume publié par Urban dans une librairie, j’ai eu la surprise de constater, dès la première bulle, que « shitting » a été traduit par « ch… ». Urban édulcore ses traductions ? Je lis très peu de comics en vf, mais je me demande si Urban est coutumié du fait ? J’espère être tombé par hasard sur le seul cas de ce genre… J’espère.
Ca dépend sans doute des styles des traducteurs. Après parfois y a des choix qui se font pour des questions de rythmes de la langue, qui ne sont pas les mêmes.