Walking Dead S09E06
12 novembre 2018Après avoir pris congé de Rick Grimes la semaine dernière, Walking Dead se pose maintenant la question de la survie sur le long terme sans lui, sa philosophie et sa popularité. Si les « ratings » ne sont pas encore tombés à l’heure où ces lignes sont écrites, pour ce qui est du contenu le sixième épisode de la saison 9 se veut plutôt rassurant. Un peu comme si on avait enlevé l’arbre qui cachait la forêt, plusieurs personnages montent au premier plan et (re)trouvent une ampleur méritée.
« We’re not soft. »
La rumeur courait depuis plusieurs mois. Avec l’escamotage de Rick Grimes (Andrew Lincoln), les producteurs de Walking Dead semblaient bien décidés à tout reporter sur Daryl (Norman Reedus). Mais, en tout cas pour ce qui est de ce premier épisode post-Rick, ce n’est pas ce qui se produit. On vient bien Daryl, principalement dans deux scènes, mais ce n’est pas lui qui rayonne dans ce nouveau monde, situé quelques années après les évènements que l’on suivait jusqu’ici. Au contraire, c’est d’une part Michonne (Danai Gurira) et la nouvelle version de Judith (Cailey Fleming) qui occupent l’écran. Dans le cas de Michonne, c’est un vrai retour vers le matériel d’origine, dans le sens où le spectateur, pratiquement depuis la chute de la prison, n’a eu droit qu’à un personnage édulcoré, adouci par sa relation avec Rick. En un sens, ce qu’était Michonne dans le comic-book, ce sont Daryl et Carol (Melissa McBride) qui le sont ou l’ont été à l’écran. Avec un Rick désormais hors d’atteinte mais dont l’héritage est omniprésent (parfois avec une subtilité qui n’est pas à toute épreuve, comme une scène impliquant un jouet), Michonne se réveille dans une position bien différente. A défaut d’être le leader de la communauté d’Alexandria, elle a repris la fonction de sheriff (quand bien même elle n’en porte pas le titre) et garde l’endroit comme une véritable louve. Malheur à qui viendrait taper à la porte.
« Je ne rentre pas sans eux. »
Et justement c’est là qu’intervient Judith, désormais la principale héritière des Grimes (de façon surprenante pas la seule) mais aussi, d’une certaine manière, le premier enfant de l’Apocalypse. Judith fait partie de la première génération qui n’aura jamais vu un avion voler ou qui restera perplexe en se demandant, devant un livre de mathématique, à quoi peuvent servir des équations complexes (encore qu’il ne soit sans doute pas besoin de vivre dans un monde de zombies pour se poser la question). Mais dans le même temps Judith est un monument d’optimisme. Michonne et elle reforment un peu le face-à-face philosophique qui opposait Rick et Carl dans la saison 8. Mais la petite fille, en n’ayant connu que le nouveau monde, gagne une force dans sa manière de demeurer à la fois morale et moralisatrice. Les autres, qui ont connu les horreurs, les espoirs brisés, sont sur leurs gardes. Aussi, quand Judith ramène « à la maison » des nouveaux visages comme Magna et sa bande, cela pose un problème de taille à Alexandria. Sans doute encore plus que dans les comics puisqu’ici producteurs et scénaristes se demandent non seulement ce que donnerait le monde de Walking Dead après un bond de quelques années mais aussi ce qu’il donnerait sans la supervision de Rick. Et là pour le coup, sans Mister Grimes pour les fédérer, les différentes communautés se sont repliées sur elles-mêmes. Elles ne se font pas la guerre (encore que, il reste des ex-Saviors dans la nature qui s’imposent comme des ennemis) mais elles s’ignorent. Et le fait que le pont qui aurait facilité les échanges soit parti en miettes n’arrange pas les choses. La nouvelle réalité de Walking Dead est donc plus paranoïaque que ce que le même bond nous a montré dans les comics. Autant dire que Magna et ses amis ne sont pas assurés de leur destin…
« Every second, every day… »
Dans une mécanique similaire à ce qui arrivait entre la saison 3 et 4 de Lost, le jeu est ici de nous faire redécouvrir une véritable galerie de portraits, en mode « que sont-ils devenus ? ». Certains sont encore portés disparus pour l’instant. D’autres posent d’emblée question. Eugene, par exemple, est désormais bien plus actif et moins « assisté ». Mais pourquoi Daryl est-il dans cette situation. Carol est-elle véritablement « rangée des voitures » ? La réponse, pour l’un(e) d’entre eux sera sans pitié. Et puis il y a les couples qui se font et se défont, les enfants orphelins qui se trouvent de nouveaux parents. Il y a même un aperçu de Negan, peut-être pas dans une nouvelle situation mais dans une nouvelle ambiance. Il faut reconnaître aux scénaristes un certain talent pour jouer aux chaises musicales et transférer des éléments de l’un à l’autre. Dans les comics, dans cet « après », c’est Carl qui partait faire son apprentissage à la Colline. Ici, l’intrigue change de personnage mais opère. Même chose pour le Rick barbu privé d’un bras que l’on a vu que dans la BD, jamais à l’écran, mais qui ici trouve une sorte de sosie fonctionnel. Surtout, dans sa globalité, la série continue de retrouver du tonus (elle est clairement à nouveau mieux réalisée depuis le début de l’actuelle saison) et de la pertinence. La version TV n’invente pas cette histoire de réfugiés qui demandent à une communauté qui a construit un mur autour d’elle et qui se demande si elle doit les accepter. Mais certaines touches apportées, comme le fait que Siddiq souligne que lui-même ait été accepté à un moment, sonnent comme une véritable parabole de ce qui se passe ces temps-ci sur la frontière Sud des USA. Ce n’est peut-être pas fait exprès mais c’est d’une synchronicité redoutable.
« Need a ride, stranger? »
Difficile de savoir ce que sera l’avenir de la série. En un sens, c’est ceux qui ne regarderont pas les épisodes post-Rick qui feront la différence. Le rebond moyen de la semaine dernière est à la fois une mauvais et une bonne nouvelle pour la production puisqu’il peut vouloir dire que même le sacrifice apparent d’un personnage majeur n’a pu attirer les foules. Mais inversement cela peut vouloir dire que le public ne s’investissait pas si spécifiquement dans Rick et que c’est bien l’ensemble du cast qui les intéresse. Qualitativement, donc, Walking Dead sans Rick fait preuve cette semaine d’une véritable aptitude à entretenir l’univers et le message de la série. Le jeu de chaises musicales pourra agacer quelques fans de comics amateurs du seul premier degré. Mais à un second niveau, c’est finalement plus fidèle qu’on aurait pu le croire. Et surtout les dernières minutes entament une phase bien connue du lectorat de la BD d’Image Comics. Peut-être est-ce là ce qui va véritablement amorcer la nouvelle ère de Walking Dead.
[Xavier Fournier]
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