Et le résultat est riche, fourmille de plaisirs pour les yeux et de tranches de vie de l’artiste. Bien sur, comme ce que nous avions pu voir l’an dernier pour le volume consacré à Buscema, les originaux ont été scannés dans les règles de l’art, avec une quadrichromie qui permet de faire ressortir toutes les nuances des traits. Mais cette fois les choses vont encore plus loin. D’abord parce que les organisateurs ont profité de l’expérience. Le livre sur Buscema m’avait déjà ravi en lui-même mais cette fois les repros sont encore plus précises il me semble. Mais de plus cette fois il n’y a pas que des pages ou illustrations issues d’épisodes différents. Il y aussi des reproductions originaux d’histoires ou de séquences entières (par exemple « Trial By Arms » ou encore la fameuse adaptation du classique de Ray Bradbury, « There Will Come Soft Rains »). Même quand on connaît bien les histoires en question (il se trouve que par le plus grand des hasard j’avais relu celle de Bradbury il n’y a pas longtemps) on les redécouvre sous un autre angle et leur élégance est magnifiée. En parcourant ces pages on retrouve tout l’humour noir de cet auteur majeur, on se rend compte aussi que finalement, quand il oeuvrait pour EC et quelques autres il a raconté plus que son lot d’histoires d’Apocalypses où l’humanité se faisait détruire ou s’autodétruisait. Y transparaît alors le caractère du bonhomme, sa manière d’exprimer quand il brûlait sa vie…
A la base c’était un catalogue, comme je l’écrivais quelques pages plus tôt mais c’est devenu à mon avis l’ouvrage le plus complet et le plus vivant que j’ai pu lire sur Wally Wood. Bien sûr des « haltes » sont prévues pour ce qui est de ses travaux les plus connus, comme ses contributions aux E.C. Comics, à Daredevil, les Thunder Agents, Doctor Doom ou Sally Forth. Bien sûr on parle aussi de Cannon ou du Wizard King… Mais surtout sa vie est évoquée de manière très poignante dans le commentaire (malheureusement pas en Français mais le texte est également décliné en anglais) qui accompagne les illustrations. On va ainsi de l’alpha à l’oméga de Wood. Du petit Wallace qui, enfant, faisait ses premiers dessins au vieux Wally qui, sur la fin, voyait sa santé décliner et ses reins le lâcher. On voit l’étincelle vaciller quand l’auteur se tourne vers le porno… Non pas qu’il soit étonnant que Wood, toujours prompt à illustrer de jolies filles (dans une optique proche de ce qu’on appelle de nos jours le sexy « Burlesque »), se soit intéressé à la BD « sexuée ». Mais quand Wood illustre une revue nommée « Gang Bang » dans laquelle Sally Forth, débarquée de l’armée, finit par tourner dans un film X, même si le résultat est sans doute encore bien au dessus de pas mal autres dessinateurs, on sent bien que l’étincelle vacille. D’ailleurs l’anecdote m’a fait penser au sort de Karen Page (personnage que Wood avait encré avant de la dessiner dans les premiers temps de Daredevil) quand on la revit en ex-pornstar dans le début des années 80. Un peu comme si le destin des personnages avait accompagné le déclin d’un de leur géniteur. Malade, tenant difficilement debout et incapable de profiter d’aides, Wallace Wood finit par mettre fin à ses jours en 1981. Tout au moins il écrivit le point final au Wood de chair et de sang. L’auteur s’est cependant assuré (peut-être à son insu) une longévité encore vibrante dans les mémoires. Et si d’aventure il fallait les rafraîchir ces mémoires ou en renseigner de nouvelles, « Woodwork (Wallace Wood 1927-1981) » est assurément un bel outil. Chapeau bas à ceux qui l’ont rendu possible, c’est à dire non seulement aux commissaires de l’exposition (Florentino Florez et Frédéric Manzano) mais aussi aux nombreux collectionneurs qui ont joué le jeu en partageant les énormes trésors qui dormaient dans leurs collections. C’est beau. C’est humain et ça donnerait presque l’impression de s’asseoir à une table un moment avec Wood pour parler de son travail…
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