Shazam est de retour… au moins pour la troisième ou quatrième fois ces dix dernières années. L’ex-concurrent de Superman semble devenu une véritable patate chaude qu’on se refile. Sauf qu’ici Mark Waid & Dan Mora profitent du récent Lazarus Planet pour remettre les pendules à l’heure et s’offrir un droit d’inventaire dans la mythologie du personnage.
Le scénariste Mark Waid et le dessinateur Dan Mora ont déjà fait des merveilles récemment sur la série Batman/Superman: World’s Finest, en nous restituant un Superman et un Batman décomplexés, compatibles avec l’univers DC tel qu’il est aujourd’hui mais rendant à Clark et Bruce certaines valeurs d’amitié que l’on ne leur connaissait plus (sous cette forme en tout cas) depuis peut-être la première Crisis. Il semblait évident que pour piloter Shazam Mark Waid était l’un des meilleurs choix. Cela fait des années qu’il rongeait son frein sur le sujet (après un projet avorté qui l’aurait vu reprendre le personnage avec le regretté Mike Wieringo). Mais les évidences demandent des confirmations. Et là, clairement, la confirmation vient dès les premières pages, quand les auteurs ouvrent le bal directement avec une scène improbable, pendant laquelle on aura l’occasion de se demander deux ou trois fois ce qui se passe exactement (ce qui est une bonne chose, dans le contexte). Waid et Mora donnent des gages aux publics de différentes époques, d’abord en ramenant autant que possible le héros vers (presque) son pseudonyme d’antan et puis en truffant le Rock de l’Eternité d’allusions à la mythologie passée de Shazam (bien au-delà des « New 52 ») ou même de l’univers DC. Une réappropriation en phase avec ce que la même équipe créative a déjà fait sur Batman/Superman: World’s Finest, certes, mais il y a un vrai esprit de synthèse. Il ne s’agit pas simplement de ramener de vieux jouets pour faire plaisir aux lecteurs de longue date. Dan Mora trace des silhouettes expressives, dynamiques, modernes, énergique… mais n’oublie jamais de travailler les expressions faciales de son antagoniste, le seul héros au monde capable de sourire quand il est confronté à un tyrannosaure ! Le ton est pensé pour parler à toutes les audiences, chacune ayant son point d’appui. Freddy Freeman ressemble à Freddy Freeman plus qu’il l’a fait depuis près de 25 ans, d’accord, mais dans le même temps le Billy Batson enjoué et capable d’être parfois irresponsable, tout en débordant de bonne volonté, peut « parler » aussi bien au public qui ne le connaitrait que par les adaptations qu’à ses fans habitués. Parce que la vraie démonstration de ce premier numéro, c’est que Shazam (ou le Captain, selon votre préférence) n’a pas besoin de se demander comment être au goût du jour. Au contraire, il est d’autant plus nécessaire par son optimisme, son envie insatiable d’aider son prochain. Vous dites que l’époque n’est plus à la bonté ? Et si « le mortel le plus fort du monde », lui, décidait de ne pas fléchir, de ne pas plier, et de conserver ce qui a toujours fait son charme ? Mine de rien, historiquement, le détenteur du pouvoir de Shazam était du genre à être optimiste en pleine Seconde Guerre Mondiale. Parce que l’espoir, quand c’est facile, quand ça va bien, c’est un espoir inutile. C’est quand les choses se gâtent qu’il devient pertinent. Et on sent bien d’ailleurs que c’est cette piste que Mark Waid veut emprunter, en instaurant une mise à l’épreuve : des êtres qui pensent, eux, que Shazam devrait s’exprimer d’une façon plus cynique. Il est difficile de savoir à l’avance si cette série qui démarre va trouver son public (après tout, l’échec récent au cinéma a fait ce qu’il faut pour brouiller les cartes). Mais Mark Waid et Dan Mora donnent d’emblée toutes les garanties qualitatives. Eux ont compris qu’il ne s’agit pas de courir après le monde actuel en se demandant comment « moderniser » le héros. Non. C’est pratiquement tout le contraire : Parce qu’il incarne des valeurs que le monde actuel à tendance à oublier, Shazam et son optimisme sont d’autant plus nécessaires. Bref, c’est un excellent premier épisode, enjoué et dynamique.
[Xavier Fournier]Sorti le mardi 2 mai 2023 aux USA
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