En ce qui concerne le dernier fils de Krypton, Brian Michael Bendis travaille sur deux canaux. Il y a d’un côté la série Superman, qui traite plus facilement des menaces cosmiques, si l’on en croit les premiers épisodes. Et puis il y le titre avec lequel tout a commencé, Action Comics, où il s’agit plus particulièrement de rester dans Metropolis, d’une certaine manière au niveau de la rue. Mais comment les habitants de la ville (en particulier les mafieux) peuvent-ils agir sous le nez d’un être surpuissant capable de tout entendre, de tout percevoir ?
Scénario de Brian Michael Bendis
Dessins de Patrick Gleason
Parution aux USA le mercredi 22 août 2018
S’il reste à savoir précisément comment la chronologie des deux séries s’organise (dans Superman, la Terre est dans une position bien particulière qui ne semble pas être de mise dans Action Comics), Brian Michael Bendis traite ici de la vie « à la ville » du héros, en laissant une large place à Clark Kent et au monde du journalisme. Dernièrement, quelqu’un a décidé de générer un très mauvais buzz autour de Superman. D’abord, on l’a accusé d’incendies, maintenant voici qu’on tente de lui coller d’autres meurtres sur le dos. Le préambule permet au scénariste d’entretenir au premier degré toutes les intrigues qu’il a déjà mis en place, les nouveaux personnages secondaires du Daily Planet, le sort de Lois Lane et un Perry White utilisé comme la voix de la raison. Il est d’ailleurs intéressant de noter que selon les auteurs et leur opinion sur le journalisme, White passe du coq à l’âne. Il est parfois un rédacteur pas très regardant sur la qualité ou sur l’intégrité tant que le journal sort. Mais avec Bendis, c’est tout le contraire, White est ici le garant de la profession, le type à qui on n’en raconte pas sans vérifier ses sources. Il n’est pas très difficile de voir que le White de Bendis lorgne sur une bonne partie de ce que l’auteur décrivait déjà chez le Ben Urich de Marvel. Au-delà des éléments de premier degré, Bendis s’intéresse aussi à un de ses thèmes de prédilection, la pègre, et s’intéresse à savoir comment une mafia organisée pourrait exister et agir dans une ville où un surhomme peut tout entendre et tout voir. Entre des mots-clefs interdits qui pourraient déclencher la super-ouïe, des petits mots écrits pour les choses les plus dangereuses et enfin des diversions, Bendis fait de la population de Metropolis un personnage à part entière. On n’y vit certainement pas comme à Gotham. L’auteur pose même les bases d’une autre question, pratiquement l’angle contraire : comment être un super-héros à Metropolis et dans Suicide Slum quand on vit dans l’ombre de Superman ? Pour commencer à évoquer la question, il utilise du coup un protagoniste rattaché au monde de Superman depuis une quarantaine d’années.
« – Look! – Up in the sky! – Oh look! Tourists! »
Cela fait longtemps que Patrick Gleason n’est plus un débutant en ce qui concerne la représentation de Superman et de son monde. Le dessinateur, efficace comme à son habitude, s’est visiblement donné pour tâche de relier la ville à l’univers DC, de ne pas la représenter comme un ilot coupé du reste (une tentation commune chez l’éditeur, tant on a parfois l’impression que l’existence d’un Superman, qui peut tout faire, invalide la pertinence d’autres héros). Non seulement Gleason représente le guest-star que Bendis a pris la peine d’insérer dans l’histoire mais il dessine aussi quelques petits « easter eggs », comme une référence à Mister Miracle, par exemple. Globalement, même si Bendis va un peu loin dans sa logique au point de devenir contradictoire par moment (l’idée de localiser Superman a du bon, tant qu’on oublie qu’à super-vitesse il peut être au Mexique et la minute suivante revenu à Metropolis), cette construction du rapport entre Superman et ses concitoyens est efficace. Elle apporte un plus, un degré de crédibilité et de texture pour une Metropolis bien souvent représentée de manière trop propre, trop froide. On est curieux de voir ce qu’une telle logique donnera sur le moyen ou long terme.
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