Comic Box Virgin #17 – Scarlet Traces

[FRENCH] Erreur stratégique côté martiens. Vouloir envahir l’Angleterre c’est comme forcer une ceinture de chasteté à la serrure gripée. Les deux sont complètement imprenables. Les martiens se sont cassés les dents sur la belle Albion et en plus ils y ont laissé des plumes de leur technologie moderne. Les Anglais sont les rois de la récup’. A la société victorienne un peu guindée, se sont fondues dans le décor les avancés martiennes, pour donner à la ville un paysage baroque. Mais derrière ce cadre idyllique londonnien se cache une affaire de meurtres en série qui, pour une fois, ne fera pas la Une des tabloïds anglais.

Quand Israeli mèle avec talent l’architecture victorienne à la technologie martienne, Londres est plongée dans une uchronie qui ouvre une voie royale au mystère de l’intrigue. Dix ans après la guerre, la société anglaise semble avoir assimilé la culture martienne dont elle n’a gardé que le meilleur, sans pour autant se priver de son tea-time. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes (Aldous Huxley si tu nous écoutes). Les Anglais vivent dans une apparente félicité mais la prospérité technologique comporte ses revers. Les machines ont mis les hommes au chomâge, la pauvreté pousse les jeunes filles des campagnes à répondre aux petites annonces douteuses de femmes de ménage et à venir travailler en ville. Les jeunes naïves disparaissent dans la nature, des corps morts se ramasssent à la pelle (Yves Montant si tu nous lis) sur les berges de la Tamise. Mais l’affaire est étouffée dans une indifférence généralisée (si on commence à pleurer pour une Cosette…). Heureusement parmi les citoyens robotisés, se trouvent encore des esprits libres pour combattre le fléau des morts en série et mener l’enquête…

A la trace…

En période de paix, les militaires s’ennuient à compter leurs blessures de guerre. Le major Robert Autumn en profite pour écrire ses mémoires, pendant que le sergent Archibald Currie a rangé sa mitrailleuse pour enfiler son petit tablier sexy de majordome. Bref, calme plat et petite déprime… Heureusement que le frère d’Archibald débarque en effraction avec une affaire brûlante sous le bras. Sa fille, qui avait répondu à une petite annonce, a disparu. Il n’en faut pas plus aux deux militaires pour reprendre du service et se transformer en Sherlock Holmes et docteur Watson. Ils finissent par remonter le fil de l’histoire qui les mènent à l’horreur de la réalité (Mars Attacks, le retour).

Mauvais sang…

Les cadavres des jeunes vierges, retrouvés à l’abandon sont effroyablement pompés de leur sang (pauvres vierges). Tueurs en série ou terrible vampire ? L’affaire n’agite pas les foules. Jack l’éventreur avait plus de succès avec ses prostituées (la virginité ne fait plus commerce). Les jeunes femmes se cachent pour mourir. Elles servent d’apéritif à un cerveau de martien qui alimente à son tour les technologies utilisées par l’empire. Il assure la maintenance, on lui assure le gîte et le couvert. Que du premier choix : le sang de vierge c’est régénérant, nutritif, exsang de tout impureté. En plus, la vierge sur le marché, ce n’est pas ce qui manque. Donc pas de rupture de stock.

Y’aura toujours une vierge pour tomber dans la panneau. Mais pas toujours de justicier pour les aider. Robert Autumn finit dans le caniveau comme un clodo qui radote ses vérités d’ivrogne que personne n’écoute pendant que les politiques galvanisent les foules pour repartir dans une guerre contre les martiens (rien de tel qu’une bonne guerre pour étouffer un scandale). Un héros condamné à la déchéance (ça devenait lassant les happy end), une masse silencieuse aveuglée par les diversions d’un Etat qui réforme à tour de bras pour son seul intérêt personnel (toute ressemblance avec la réalité ne serait que fortuite), le cynisme du scénario de Ian Edginton offre une critique en filigrane des sociétés modernes, parfaitement servi par les dessins d’Israeli, truffés de clins d’oeil et d’intertextualité (le retour de Tintin au pays des martiens).

[Ange Lise]

Scarlet Traces
Scénario : Ian Edginton
Dessin : D’Israeli
Editions Kymera, 2005

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