Il a choisi son moment pour revenir, le Chief! Tandis que Negative Man, Rita Farr et Willoughby Kipling tiennent un petit chien sur la pelouse d’un pavillon de banlieue, Robotman et Crazy Jane restent les microscopiques prisonniers d’une « boule à neige ». Heureusement (ou pas) que les adorateurs d’une secte sont là pour… danser sur Ring My Bell. Un jour normal dans la vie de la Doom Patrol…
Suite directe de l’épisode précédent qui a vu la rencontre de la Doom Patrol (qui ne se définit pas encore comme telle) avec Willoughby Kipling (un peu un John Constantine de seconde catégorie, inventé dans les comics par Grant Morrison et joué ici par Mark Sheppard), ce cinquième épisode nous propose ni plus ni moins que la perspective d’une fin du monde orchestrée depuis des décennies par une secte nihiliste qui veut invoquer sur Terre le Dé-Créateur, sorte d’antéchrist dont l’œil apparaitra dans le ciel pour effacer graduellement tout ce qu’il voit. Et comme de bien entendu la Doom Patrol, qui n’a pas le moindre plan, échoue. Ce qui fait que la fin du monde est là et que les gens et les choses commencent à disparaître dans des envolées de cendres (on appréciera le voisinage des effets de disparition avec ceux de la fin de Avengers: Infinity War). Heureusement pour l’univers, le Chief est arrivé à un pacte pour sauver le monde. L’équipe serait enfin réunie ? Oui mais non…
A l’image de la série Titans (mais d’une manière totalement différente), cette première saison de Doom Patrol nous propose en un sens l’origine de l’équipe. C’est à dire que l’on a droit graduellement à tous les éclaircissements sur le pourquoi/comment de chaque personnage mais aussi l’apprentissage d’un sentiment d’équipe. Dans le manoir de Niles Caulder (Timothy Dalton), toute cette petite bande est restée des années à s’apitoyer sur son sort sans se demander ce qu’elle pouvait réellement faire. Le super-héroïsme ne leur vient pas naturellement et il faut donc qu’ils l’apprennent. Cette « odyssée du héros » repose cette fois sur les deux femmes de l’équipe, avec d’une part Rita Farr (April Bowlby, méconnaissable par rapport à ses épisodes de How I Met Your Mother ou Mon Oncle Charlie) qui a été jusqu’ici une militante tenace de « ne nous mêlons de rien, faisons-nous oublier » et, à l’inverse, Crazy Jane (Diane Guerrero), l’incarnation de la passion instable.
Le casting de Diane Guerrero implique sans doute une forme de glissement par rapport à la Crazy Jane des comics. Dans sa version d’origine le personnage est moins « mignon », les choses reposent moins sur le fait que c’est une « jolie jeune fille » et les changements de personnalités sont un tantinet plus violent. Mais tout le monde n’est pas le James McAvoy de Split/Glass ou même la Ali Larter de la première saison de Heroes. Et Guerrero en vient à marquer les changements de personnalités par des expressions simples (gentille, agressive, apeurée, passive…). Si bien qu’il faut parfois souligner les changements par des gadgets (lentilles bleues, mèche dans les cheveux…). Néanmoins la version de Guerrero de Crazy Jane fonctionne bien à l’écran. Elle est différente mais finalement pas plus qu’une Rita Farr qui, dans les comics, joue avec sa taille alors qu’ici elle n’est capable que de devenir une masse de gélatine. On découvre cette fois-ci un des aspects de Crazy Jane, le Docteur Harrison, qui est néanmoins un peu plus complexe et dont l’importance est déterminante à la fois pour l’épisode, le sort du monde et, peut-être, l’avenir de la Doom Patrol. Paradoxalement, Diane Guerrero en mode « Docteur Harrison » a de faux airs de la Rogue des comics, peut-être même plus que ce que les films de la Fox nous ont proposé jusqu’ici. Petite interrogation quand même sur la capacité qu’ont tous les membres de la Doom Patrol à défier la vieillesse et le passage du temps. Si l’on en croit la chronologie donnée ici, même Crazy Jane devrait être une sexagénaire.
L’humour décalé, « deadpan », de la Doom Patrol, ça passe ou ça casse. La série TV est une synthèse des différentes incarnations de la Doom Patrol des comics, avec l’ajout d’un Cyborg (Joivan Wade) qui est malheureusement trahi la plupart du temps par les effets spéciaux (son demi-visage faisant désespérément cheap). Mais elle reste centrée sur ce qui fut et reste le meilleur « run » de la BD, à savoir les épisodes scénarisés par l’anglais Grant Morrison (parfois carrément cité dans les épisodes). Cette touche british ressort d’autant plus à l’écran qu’on en vient à trouver des parallèles avec certaines saisons de Doctor Who. Pour entrer dans les deux séries il faut en effet accepter une dose magistrale de non-sens, des moyens non-conventionnels de sauver le monde et, dans le même temps, des effets spéciaux parfois assez bizarroïdes. Cela pourrait être Clara (« compagnon » pris au hasard) et le Docteur coincés dans la boule à neige. Non pas qu’on veuille dire ici que Doom Patrol est un copié-collé du Doctor Who mais bien qu’il faille utiliser une grille de lecture similaire pour s’engager dans les aventures de Robotman et des autres. En gros, il y a des chances que si Who vous parle Doom Patrol fonctionne bien pour vous mais qu’à l’inverse, si les aventures du Seigneur du Temps vous laisse froid, celles de ces héros de DC ne fassent guère mieux. Une autre manière de résumer la tonalité « british » de la série est aussi de dire que parfois on a l’impression d’être dans une scène des Monty Python.
Un autre critère, enfin, c’est la fidélité aux comics, qui se joue à deux niveaux. Comme on l’a dit il y a des choix de castings qui parfois amènent certains personnages sur d’autres terrains. Il y a aussi des choix structurels qui se défendent. On comprend – et c’était déjà le cas dans la BD – que Rita n’était guère un « freak » et n’avait pas totalement sa place dans ce carnaval des monstres, ce qui explique/justifie le changement de ses pouvoirs (encore que rien n’empêche qu’elle finisse par les maitriser). Dans les comics Willoughby Kipling est une sorte de grand échalas, un personnage malingre assez différent de Mark Sheppard mais celui-ci s’en tire très bien en plaçant le rôle à mi-chemin entre John Constantine et Columbo. Surtout, la série reste Morrisonnienne jusqu’à la lie avec les apparitions de Mr. Nobody (ah, désolé Niles!), narrateur omniprésent qui ne cesse de façonner les événements. La voix théâtrale de Alan Tudyk (un peu plus présent en chair et en os cette fois) est particulièrement appropriée pour ce rôle.
La fin de ce cinquième épisode place les choses en ordre pour une Doom Patrol pratiquement officielle. On ne regrettera qu’une chose (mais le mal était sans doute nécessaire pour faire de la place à d’autres), que Robotman (Brendan Fraser) soit si passif dans le déroulement des opérations. Autre chose : les réalisateurs de la série ne sont pas tous « raccords » en ce qui concerne la mobilité du personnage. Dans certains épisodes, il est d’une lourdeur évidente, se déplace lentement et avec un son qui évoque la densité de son corps (il devient évident que l’épisode d’intro des Titans n’était pas contractuel et avait sa propre continuité mais souvenez-vous de son arrivée face à Beast Boy et Raven. On l’écoutait venir de loin)… Et puis dans d’autres scènes on oublie ces effets et Robotman marche de façon relativement normale. Mais c’est la force de ce concept qui exploite aussi bien l’illogisme, l’onirique que le grotesque. On n’attend pas d’un tableau de Jérôme Bosch qu’il soit linéaire, logique et réaliste. Et ici (tout comme dans le comic-book) c’est la même chose. A défaut d’être fidèle en tout point à la continuité de son modèle, Doom Patrol, la série TV, en reflète totalement l’esprit.
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