Bien plus tard, mais par le plus grand des hasards, la SPE sera le premier éditeur français à publier un personnage de la continuité super-héroïque Marvel dans une de ses publications (Davy Crockett) en la personne de Black Rider (cf. French Collection #81).
Mis à part ce feu follet, le paysage des éditeurs de super-héros se résume à deux intervenants historiques. Les Editions Mondiales de Cino Del Duca n’ont quasiment jamais cessé de publier des comics, et notamment les deux personnages les plus connus que sont Superman (cf. French Collection #113) & Batman [Bruce Wayne] (cf. French Collection #32), mais également Hoppy the Marvel Bunny (cf. French Collection #37) dans plusieurs publications. Del Duca essayera également de relancer deux collections de Récits Complets qui avaient eu un grand succès avant-guerre, Les Belles Aventures (2ème série) & Collection Fantôme (2ème série). Mais les pressions de plus en plus vives des associations familiales (et des concurrents) qui mèneront à l’adoption de la de la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse (cf. French Collection #4), l’amèneront à arrêter la publication de ces deux personnages vedettes en janvier (Batman [Bruce Wayne] dans Tarzan) et septembre (Superman dans L’Astucieux) 1948 (pour les deux publications).
La Société Anonyme Général d’Editions (S.A.G.E. qui deviendra ultérieurement la Sagédition) publie quant à elle le Récit Complet Captain Marvel avec le héros éponyme ainsi que Youmbo Magazine avec Sheena Queen of the Jungle. Les deux personnages dureront un peu plus longtemps puisque Sheena Queen of the Jungle s’arrêtera début 1950 et Captain Marvel en octobre 1950.
Mais contrairement à la S.A.G.E. qui abandonnera totalement le genre, Les Editions Mondiales vont continuer à publier Superman dans ses propres publications grand public (Nous Deux, Intimité, Télé Poche) ou à placer le daily comics trip dans les journaux quotidiens grâce à sa propre agence de presse.
De la même manière (et beaucoup moins connu sauf par quelques membres du forum Pimpf et notamment Reedff & Tristan Lapoussière que je salue et remercie au passage) Batman [Bruce Wayne] & Robin [Dick Grayson] seront publié de manière « clandestine » dans le petit format Commando. Il est à remarquer que les deux numéros datent d’avant 1967 (ce qui a son importance dans notre raisonnement ultérieur).
Le premier est qu’Artima – Arédit va arrêter de renommer Superman lorsqu’il apparaît dans les aventures de Loïs Lane. Mais cela reste très circonstancié. Car seuls trois épisodes seront publiés (à ma connaissance), deux dans Aventures Fiction 2ème série et un dans Etranges Aventures tous les trois publiés en 1968. Toujours chez Artima – Arédit, deux épisodes non maquillés de Batman [Bruce Wayne] & Robin [Dick Grayson] seront publiés (toujours à ma connaissance) toujours dans Aventures Fiction 2ème série et un dans Etranges Aventures également en 1968. Mais un autre évènement beaucoup plus significatif est intervenu en septembre 1967.
Les accords culturels entre la France et la Belgique qui interdisaient aux éditeurs belges la libre diffusion en France avaient été dénoncés après la seconde guerre mondiale. Mais il fallait néanmoins pour les éditeurs belges qui souhaitaient être diffuser en France disposer d’une filiale sur le territoire national (c’est pour cette raison que les Editions Dupuis ouvriraient la célèbre librairie parisienne Dupuis).
Les éditions Interpresse étaient sans doute conscientes du potentiel commercial des publications de Superman y compris en France. Mais leur surface financière ne leur permettait sans doute pas de prendre le risque de lancer une filiale propre. C’est sans doute pourquoi ils cherchèrent à nouer un partenariat avec un éditeur français, si possible de premier plan.
Ce sera donc l’éditeur français originel de Superman, la S.A.G.E. (qui est la descendante de la Librairie Moderne) qui devient le partenaire des éditions Interpresse et lance la publication de Superman et Batman & Robin 1ère série en France en septembre 1967 (mois qui sera aussi le dernier pour la publication de la série Superman et Batman & Robin d’Interpresse).
Cette collaboration durera seize numéros après lesquels chaque partenaire reprendra son indépendance, la S.A.G.E. (devenu Sagédition) reprenant ses publications à zéro avec Superman et Batman & Robin 2ème série tandis qu’Interpresse poursuivra la numérotation de la série commune avec un numéro 17 en janvier 1969. L’événement marquant de ce partenariat est que le droit à publications des aventures des locomotives de DC Comics en France échut à Sagédition, privant Artima – Arédit de personnages sur lesquels visiblement l’éditeur nordiste lorgnait. Nous ne saurons sans doute jamais pourquoi l’éditeur de Tourcoing laissa passer cette opportunité.
Y a-t-il eu un manque de moyen ? Supposition étonnante lorsque l’on sait qu’à cette époque l’éditeur nordiste était devenu filiale du puissant groupe d’éditions des Presses de la Cité. Manque d’ambition de la part du plus gros éditeur de littérature populaire de bandes dessinées ? Sans doute pas. Plus probable, est une inadéquation entre les conditions d’obtention de la licence et la politique éditoriale d’Artima – Arédit. Nous avons vu qu’Interpresse avait débuté ses publications en N & B pour ensuite les passer tout en couleur (en sacrifiant du coup la couverture pelliculée). La série commune Superman et Batman & Robin 1ère série sera tout en couleur et sa suite directe en France inaugurera la célèbre (ou infamante suivant l’avis du lecteur) formule en « bichromie » (c’est-à-dire une page en N & B et une page en couleur) propre à Sagédition. Bien que sans aucune certitude, nous pouvons sans doute en conclure que les conditions d’obtention des licences Superman & Batman incluaient une obligation de publication en couleur. Or, la politique éditoriale d’Artima – Arédit était de privilégier les publications N & B en Petit Format, ceci afin d’obtenir une faible visibilité au regard des exigences de la commission de censure. L’obligation de publier en couleur était visiblement en contradiction avec cette stratégie.
Les coûts de production auraient sans doute été très importants et incompatible avec le Petit Format sans « présentation au public » car considéré comme « Pour adulte ». Sans compter qu’il aurait fallu continuer à retoucher les bandes pour répondre aux contraintes du Petit Format et donc également refaire la couleur sur les parties rajoutées. Bref, une inadéquation flagrante entre les contraintes et la stratégie. Il aurait alors fallu faire comme Sagédition fera, c’est-à-dire repasser dans un format « classique » avec tout ce que cela impliquait en termes d’image vis-à-vis du public et de la commission de censure. Tout cela a sans doute été générateur de trop de changement pour valoir la peine.
Cette décision allait modeler le paysage français de publication de la continuité DC Comics et peser lourdement sur la réputation de cet éditeur vis-à-vis des lecteurs français qui entretiendra le mythe de l’absence ou de l’insuccès des personnages de DC Comics en France.
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