French Collection #191
19 février 2014[FRENCH] Si le péril Nazi n’a pas présidé la création du genre super-héroïque dans les comics (qui doivent plutôt leur inspiration dans la crise sociale des années trente) il a cependant permis son explosion. En effet, en affrontant un ennemi bien présent mais en même temps totalement inhumain les super-héros rentrèrent dans le quotidien et l’imaginaire des jeunes (et moins jeunes) américains.
A l’inverse, la fin de la seconde guerre mondiale et la disparition des ennemis avec lesquels les super-héros étaient le plus associés allait avoir l’effet inverse. Privé de leur « meilleur ennemi », les super-héros allaient devenir passés de mode. Premièrement, les affrontements avec des adversaires banaux comme des gangsters allaient devenir répétitif et de peu d’enjeux. Deuxièmement, la menace communiste ne deviendrait réelle qu’à la fin des années cinquante et jamais avec un niveau de réalisme des nazis à cause de son caractère virtuel.
La relève sera assurée lors du début du silver age par des super-vilains plus haut en couleur mais néanmoins, certains scénaristes gardèrent une certaine nostalgie pour le péril Nazi et c’est pourquoi nous reverrons des résurgences assez régulières de cet adversaire chez quasiment tous les éditeurs (et cela sans compter les séries de guerre qui continuèrent d’être publiées bien après la défaite réelle du IIIe Reich). Nous allons maintenant examiner deux épisodes mettant en scène le futur, mais également de manière asse étonnante le passé du nazisme.
Le premier épisode paru dans Challengers of the Unknown #34 (1958 Series) a pour titre Beachhead, U.S.A. dans laquelle le quatuor effectue une plongée sous-marine pour récupérer une balise scientifique. Mais au fond de l’océan c’est un sous-marin allemand qu’ils découvrent. Prof Harley est intrigué car il s’agit d’un modèle spécial qu’il n’a jamais vu et décide d’entrer dedans avec ses équipiers. A l’intérieur ils découvrent quatre officiers en hibernation. A peine réveillé, les nazis veulent remplir leur mission bien qu’ils comprennent qu’ils ont « dormis » pendant plus de vingt ans grâce aux horloges de bords (nous pouvons y voir un parallèle avec des cas réels de soldats, notamment japonais, ayant continué de se battre après l’armistice de 1945 en l’absence d’ordre de démobilisation). Capturés, les Challengers of the Unknow assistent aux préparatoires d’un débarquement sur le sol des U.S.A. pour y poser une bombe révolutionnaire. Bien entendu, le quatuor réussira à neutraliser la bombe et les nazis.
Cet épisode présente des points communs avec la série des Sea Devils (French Collection #92) ou le père de Dane Dorrance qui doit son impossibilité à vivre à l’extérieur à sa rencontre avec l’équipage nazi du Hammerhead Submarine. Nombreux sont les exemples de comics de super-héros maintenant en scène des nazis ou des descendants de nazis et notamment les aventures de Captain America [Steve Rogers]. Mais beaucoup plus rares sont les épisodes dépeignant les nazis avant le coup d’état de Munich en 1923. L’épisode que nous allons examiner est peut-être même unique (en tout cas à ma connaissance) puisque le héros qui va combattre le péril nazi est Tomahawk (French Collection #48).
La couverture de Tomahawk #112 (1958 Series) insiste sur la situation exceptionnelle qui voit Tomahawk combattre ses propres Rip Roaring Rangers mais cache soigneusement la cause de cet affrontement. L’histoire commence alors que Tomahawk & Rangers affrontent un escadron de soldat anglais (la routine me direz-vous). Mais cette fois-ci, Tomahawk est capturé. En fait, Tomahawk s’est laissé capturer dans l’objectif de faire passer de fausse information aux anglais et faire gagner du temps à l’armée du General Washington. Après deux jours, les Rangers lancent une attaque sur le camp de prisonnier ou est retenu leur chef. Mais à leur grande surprise, c’est un Tomahawk a moitié fou qu’il délivre.
Blessé, hagard, il leur explique qu’il a été torturé pendant deux jours par Von Grote le chef du camp. Tomahawk s’attendait à être interroger bien entendu mais pas avec une telle barbarie. Von Grote est le meilleur lanceur de couteau d’Europe (en tout cas il le déclare) et est visiblement d’ascendance germanique. Il va pendant deux jours torturé psychologiquement et physiquement Tomahawk pour le faire craquer. Ce dernier s’en tient à son plan et lui révèle au bout de deux jours les fausses informations qu’il avait prévu pour intoxiquer ses ennemis. Mais même après ses « aveux », Von Grote continue de frapper Tomahawk par plaisir, le laissant ensuite à moitié brisé et obsédé par son tortionnaire.
Mais, nous semblons nous éloigner de notre sujet le direz-vous. Et bien non, car comme vous pouvez le voir sur les scans de cette chronique, Von Grote et ses soldats d’élites portent une marque distinctive. Il s’agit d’un signe symbole amérindien signifiant bonne chance qui n’est autre qu’une svastika plus connu sous le nom de croix gammée. Et en effet, historiquement les amérindien Navajos & Kunas utilisaient ce symbole ancien qui est également présent dans les cultures indiennes et asiatiques pour symboliser la chance. Mais lorsqu’elle est inversée, elle symbolise alors le mal. Hors, la croix que porte Von Grote est justement complétement inversée par rapport au sens bénéfique. On peut donc penser qu’il a lui-même retourné le symbole amérindien.
Quoi qu’il en soit, la brutalité de Von Grote a rendu Tomahawk a moitié fou et il n’a plus que comme idée fixe de tuer son tortionnaire. C’est en cela qu’il va s’opposer à ses Rangers qui veulent le ramener à la raison. En effet, les Rangers ont appris que Von Grote a fait construire une série de camp d’internement pour les sympathisants à la cause des rebelles américains. Ils décident alors d’attaquer les camps pour libérer les prisonniers alors que lui ne cherche qu’à retrouver Von Grote. De manière assez amusante, l’un des Rangers qui est français explique au reste de l’équipe qu’il a entendu parler de cette sorte de folie alors qu’il naviguait avec la flotte de La Fayette.
Il s’agit d’un capitaine de bateau qui pourchassait une baleine blanche qui lui avait arraché une jambe. Mais cette chasse se solda par la mort du capitaine et de tout l’équipage. L’un des Rangers répliquent même qu’il ne serait pas étonné que quelqu’un écrive un livre sur un tel sujet. Les Rangers décident alors de relever Tomahawk de son commandement pour démence.
Heureusement, celui-ci retrouvera la raison lors de l’affrontement final et vaincra Von Grote en utilisant son symbole contre lui sans le tuer. Les deux épisodes sont à mon avis intéressants car ils introduisent la lutte contre les nazis dans des séries qui n’ont a priori aucun rapport avec le sujet. Nous pouvons y voir une certaine paresse intellectuelle des scénaristes ou une facilité (bien que pour celui de Tomahawk le renvoi à Melville le rend plus compliqué que cela à analyser). Mais nous pouvons y voir également une réflexion sur le genre super-héroïque (même de rapport lointain) avec les idées totalitaires que le nazisme représente de manière malheureusement absolue.
L’épisode des Challengers of the Unknow a été publié en France sous le titre Les dernier Nazis dans Brûlant 1ère série n° 9 & celui de Tomahawk sous celui de La vengeance de Tomahawk dans Brûlant 1ère série n° 9 (tous les deux bien entendu chez Artima – Arédit).
[Jean-Michel Ferragatti]
Coté retour des nazis, il y a aussi eu le Maitre de la Haine 😉
Oui, coté retour il y en a eu plein. Mais coté avant c’est beaucoup plus rare (et pour cause).