French Collection #271
2 septembre 2015[FRENCH] Comme nous l’avons déjà avec Iron-Man dans de nombreuses chroniques, et malgré une légende contraire vivace, les débuts de l’ère Marvel moderne sont fortement teintés d’anticommuniste primaire. Et tête de fer n’est pas le seul personnage à s’y livrer. Après ses vacances en Norvège, le Dr Don Blake revient aux Etats-Unis avec son précieux bâton. Il reprend ses consultations, assisté de sa jeune et jolie assistante Jane Foster dont il est secrètement amoureux.
Pendant son absence, une guerre civile s’est déclarée à San Diablo. Une révolution procommuniste menée par un chef impitoyable connu sous le nom de The Executioner (l’Exterminateur en français) affronte une résistance valeureuse et démocratique. Suite au conflit et aux nombreuses victimes, le San Diablo est confronté à une pénurie de médecin. Lors d’un congrès médical américain, il est fait un appel à volontaire auquel le Dr Blake répond. Il part rapidement avec Jane lorsque leur navire est attaqué par les forces de The Executioner qui ne souhaite pas que les populations soient soignées afin d’avoir moins de résistance à son avancée.
Mais bien entendu, le Dr Blake se transforme en Thor et abat les avions. Au San Diablo, le commandant responsable de l’attaque est immédiatement fusillé sur ordres de The Executioner. Ses hommes tendent ensuite une embuscade au convoi humanitaire mais sont une nouvelle fois balayé par Thor [Don Blake]. Mais les révolutionnaires ont capturés Jane et menace de la tuer s’il ne quitte pas le pays. Il se retransforme alors en Don Blake et une fois capturé défi The Executioner en combat singulier.
Bien entendu, il se transforme en Thor [Don Blake] et distrait les forces révolutionnaires le temps que les forces loyalistes lancent l’assaut. A ce moment, les révolutionnaires se rendent compte que leur chef s’enfuit avec leur butin et le fusille. A la fin de l’épisode, le triangle amoureux très classique du comic depuis Superman s’est mis en place. Le Dr Don Blake aime Jane Foster d’un amour impossible tandis qu’elle-même est amoureuse de son double super-héroïque la aussi sans espoir (mais nous y reviendrons dans un French Collection lointain).
Sinon, comme vous pouvez le voir sur les images illustrant cette chronique, The Executioner sont une caricature simpliste du Leader Maximo Fidel Catro et de ses barbudos. Mais contrairement à la réalité, les forces démocratiques (quoiqu’à Cuba, ce n’était clairement pas le cas) triomphent. Après deux épisodes sur lesquels nous reviendrons très rapidement, Thor [Don Blake] est de nouveaux confrontés aux agissements des communistes et cette fois-ci très directement puisque ses ennemis ne sont pas de vagues révolutionnaires procommunistes mais bien des officiers soviétiques arborant l’étoile rouge. Le titre de l’épisode ne laisse d’ailleurs aucun doute puisqu’il s’agit de « Prisoner of the Reds! ».
Plusieurs savants américains ont faits défection pour rejoindre les forces soviétiques. Don Blake rend alors visite au Colonel Harrison avec qui il entretient visiblement des liens amicaux. Il propose de faire circuler la rumeur comme qui il a développé une nouvelle arme biologique pour servir d’appât aux communistes. Il explique sa motivation par son incapacité à joindre les forces armées pendant la guerre de Corée à cause de son infirmité. En réalité, il compte sur sa canne magique pour régler le problème.
Comme prévu, la rumeur attire les agents soviétiques qui le capturent grâce à un gaz hypnotique. Il se retrouve donc prisonnier dans une forteresse communiste derrière le rideau de fer en compagnie des autres savants américains. Ils sont très rapidement séparés afin d’éviter qu’ils ne se soutiennent les uns les autres. Mais cette solitude permet au Dr Blake de se transformer en Thor et se libérer. De manière assez comique, l’un des soldats communistes s’interrogent sur ses convictions politiques. Après tout, comme il dit :
« Il porte un marteau, comme dans la faucille et le marteau de notre emblème. Est-il l’un des notres ?? » (He carries a hammer, like our hammer and sickle emblem! Is he one of us??)
Mais bien entendu, comme dans l’épisode précédent les lâches communistes vont menacer de tuer leurs otages pour forcer Thor [Don Blake] à se rendre. Ils l’attachent avec des chaines électroniques mais ne peuvent déplacer son marteau. Mais soixante secondes après avoir été enchainé, le God of Thunder (Dieu du Tonnerre en français) se transforme en Don Blake.
Le frêle docteur se glisse entre ses liens et récupère son marteau. Il libère les savants américains avant de détruire complètement la forteresse. Les savants, y compris Don Blake, sont exfiltrés par quelques contestataires russes et repartent aux Etats-Unis. Ces épisodes sont le reflet de l’époque et sont intéressants au travers de deux lectures. La première est la manière totalement assumé des rédacteurs américains, Stan Lee et son frère Larry Lieber. Cela remet encore une fois en cause cette lecture du début de l’ère Marvel qui est réputé reflété le mouvement anti-guerre des jeunes américains.
A l’inverse, la lecture de la traduction française publiée dans le Petit Format Eclipso de l’éditeur nordiste Artima – Arédit. La faction procommuniste de San Diablo est ainsi qualifiée de « faction dictatoriale » et son chef est présenté comme un « mercenaire » et non pas comme un « Ruthless Warlord ». Les emblèmes des ennemis représentant La faucille et le marteau sont soigneusement gommés dans la version française tout comme le terme « camarade ». Le mot « Yankees » est par contre utilisé sans problème dans la bouche des révolutionnaires.
Dans le deuxième épisode, le titre a été changé en « Vol de savants ». Les mots que laissent les savants hypnotisés ne se terminent pas par « I’m going behind the iron curtain to serve the reds! » mais par « Je passe la frontière pour servir un autre pays ». Les savants américains ne disent pas « You’re in a commie fortress » mais « Dans une forteresse » sans autre qualificatif. Le terme « commie » est bien entendu banni. On parle « des autres ».
La célèbre phrase « He carries a hammer, like our hammer and sickle emblem! Is he one of us?? » devient « Il porte un marteau semblable à celui qui est adjoint à la faucille dans l’emblème russe. Serait-ce un soviétique ? » laissant croire que les adversaires de Thor [Don Blake] n’en sont pas. De la même manière que l’épisode précédent, tous les emblèmes représentant La faucille et le marteau ont été soigneusement gommés dans la version française tout comme le terme « camarade ».
Il faut dire que le parti communiste français est une des forces politiques les plus puissante d’après-guerre et que son bras armé à la commission de censure était capable de bloquer les publications trop critique vis-à-vis du régime soviétique. Afin d’éviter tous problèmes, les éditions Lug renoncèrent à publier les épisodes d’Iron Man [Tony Stark] comme nous l’avons déjà vu. Les éditions Artima – Arédit préfèrent utiliser l’auto-censure afin de tout de même rentabiliser le matériel qu’ils achetaient par séries entières.
[Jean-Michel Ferragatti]
Merci pour l’evocation detaillée de ce cas d’ecole !