Les Agents du S.H.I.E.L.D. s’élancent dans ce qui est annoncé comme leur ultime saison. Mais plutôt qu’un sentiment de « fin », les scénaristes de la série télévisée ont choisi de jouer la carte d’un retour aux origines. Et même au-delà, puisque les héros remontent le temps… un pari risqué, puisqu’il est tentant, d’emblée, de les comparer avec une série de la concurrence. Mais à mesure qu’on avance dans l’épisode, le « modèle » se révèle être différent de ce que l’on pensait.
Les « Chronicoms », sorte d’androïdes intégristes du Temps ont décidé d’une solution radicale pour en finir avec les perturbations passées ou à venir dans l’univers Marvel : remonter le temps et effacer les circonstances qui ont mené à la création du S.H.I.E.L.D. Même si la chose n’est forcément dite en ces termes dans l’épisode, cela reviendrait aussi à anéantir le destin des super-héros de l’univers Marvel (puisque sans S.H.I.E.L.D., pas d’Avengers). Les agents du S.H.I.E.L.D. réagissent alors comme toute personne à qui on annonce qu’on va l’effacer du temps (ah bon ? ca ne vous est jamais arrivé ?). Avec leur vaisseau modifié pour pouvoir lui aussi remonter le temps, les héros de la série s’élancent aux basques de leurs adversaires, en espérant les anéantir avant d’être eux-mêmes effacés. Même si vous n’avez pas lorgné Marvel’s Agents of S.H.I.E.L.D. depuis pratiquement la première saison, même si les noms d’Enoch et de Deke n’évoquent pas grand-chose pour vous, la « prise en main » de ce qui est annoncé comme le dernier « tome » des aventures du groupe se révèle assez facile d’accès. La « mission » est tellement différente des saisons précédentes a pour ainsi dire l’impression de regarder le démarrage d’une nouvelle série avec quelques personnages qui ont connu une existence antérieure.
Les auteurs en sont forcément conscients : l’idée d’une équipe d’aventuriers remontant le temps dans un univers plus largement super-héroïque, à la poursuite de ceux qui voudraient modifier l’Histoire, à de quoi évoquer les grandes lignes d’un modèle connu. On pourra toujours dire que l’archétype n’a pas attendu le XXI° siècle pour exister, il est difficile de ne pas penser d’emblée aux Legends of Tomorrow. D’autant plus que le vaisseau du S.H.I.E.L.D. et son système de camouflage ont quelque chose du Waverider et de la (plus ou moins) fine équipe de la série temporelle de l’univers DC. La comparaison, cependant, ne tourne pas forcément comme on pouvait s’y attendre. Du côté des Legends, par exemple, on est en général assez désinvolte sur tout ce qui concerne l’aspect « reconstitution historique », différents siècles étant souvent évoqués dans des friches industrielles similaires à peine masquées. Là, Marvel’s Agents of S.H.I.E.L.D. joue sur un registre différent. Rien que les quelques plans qui montrent les rues de New York dans les années trente, avec de nombreux figurants et costumes adéquats, montrent (au moins sur ce premier épisode) une volonté de réalisme. Les « Agents » sont également plus soucieux des préparatifs du voyage dans le temps (comme le fait de se munir de billets valables à cette époque). On pourra dire qu’au bout de plusieurs saisons les « Legends » sont beaucoup plus ouvertement militants sur les questions de diversité, mais pour leur premier épisode selon cette formule, les « Agents » ne semblent pas en reste, en posant déjà quelques scènes où l’on rappelle qu’une femme indépendante ou un homme noir en costume, ce n’était pas anodin dans les années trente. Clairement, là où les Legends affichent une volonté affirmée de portnawak, les Agents, eux, ne visent pas forcément un sérieux absolu mais en tout cas ont un plus grand souci de crédibilité. S’il est facile d’opposer deux séries, il est intéressant de mettre en concurrence deux saisons de Marvel’s Agents of S.H.I.E.L.D. : l’actuelle, qui débute à peine, et celle où les héros voyageaient dans le futur pour rencontrer les Kree dans une ambiance grandiloquente. Si l’on ne juge pas une saison sur un seul épisode et qu’il faudra voir à la longue les résultats, l’ambition, en tout cas, semble être à la hausse.
Il est facile, disions-nous, de comparer les Agents aux Legends. D’autant plus que derrière la facilité se cache (à peine) un modèle qui semble bien plus présent dans la structure du récit. Laissez de côté les ressemblances avec le Waverider pour regarder le reste : des machines ont remonté le temps pour effacer les ascendants d’une organisation ennemie. Et ces machines peuvent prendre n’importe quelle apparence (pratique pour éviter les spoilers : du coup allez savoir si les photos représentent vraiment qui semble y être présent !), y compris celle des policiers. En face, parmi les héros, il y a aussi un être articiel. Ce que font les scénaristes d’Agents of S.H.I.E.L.D., c’est de la prestidigitation : pendant qu’on regarde du côté des Legends, on ne voit pas immédiatement venir Terminator 2 (avec son équivalent d’un T-800). A un moment, cependant, la série pose le masque : la bande-son elle-même reprend des accents de Terminator pour les scènes avec les Chromicons et sur le plan où Deke prend par la main une cible des machines ne manque que la phrase « viens avec moi si tu veux vivre » (et encore, à défaut d’être là elle est paraphrasée). Là-dessus, clairement, ne vous attendez pas à une réalisation à la James Cameron, à de folles poursuites en voiture où à des scènes de « métal liquide », mais scénaristiquement non seulement l’influence est là mais à partir d’un moment elle est carrément reconnue.
Si l’on ne sait pas ce que nous réservent les épisodes à venir, si les ambitions seront tenues ou pas, Marvel’s Agents of S.H.I.E.L.D. commence son ultime saison avec de nouvelles règles du jeu. Cela ne prétend pas s’inscrire comme un monument de la télévision mais on est à des années-lumière de ce qu’était la série dans certaines saisons passées. Il y a aussi du potentiel alors que sur le grand écran l’univers cinématique Marvel a ébauché les questions du Multivers (reprises ici rapidement, avec une discussion sur ce que l’on peut faire ou pas dans le cadre d’un voyage temporel). Là où la série pêche, c’est sur l’écriture de certains personnages ou le jeu de certains acteurs. Notre équivalent du « T-800 » a l’air de prendre un coup de vieux et de peiner à tenir son rôle de pilier (mais c’est peut-être voulu dans le contexte de l’histoire). Les Chronicoms ne sont pas tous égaux non plus, selon les acteurs qui les interprètent. Là où l’imperturbable Joel Stoffer nous donne un Enoch synthétique à souhait, les autres peinent un peu à tenir le niveau. Mais globalement reste que c’est un bien meilleur démarrage que certaines saisons passées. Ce qui semble être les derniers feux de l’ex Marvel Television brille d’une manière surprenante. On aimerait penser qu’avec la « reprise » sous la houlette de Marvel Studios, tout devient possible (y compris croiser un petit Steve Rogers, pourquoi pas ?). Mais il ne faut sans doute pas trop en demander non plus. En tout cas, chez les Agents of S.H.I.E.L.D. on revient de très loin. A voir, dans les épisodes restants, jusqu’où ça ira vraiment.
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