Depuis des temps immémoriaux les Inhumans ont quitté la Terre pour s’installer sur la Lune, où Black Bolt règne (entouré de Medusa, Gorgon, Karnak et Crystal) en évitant tout contact avec l’humanité classique. Mais voilà qu’un autre membre de la famille royale, Triton, disparaît… Maximus, le frère de Black Bolt, n’attendait que ça pour lancer un véritable coup d’état. Inhumans, c’est un peu comme la chronique d’une catastrophe annoncée. On avait beau s’y attendre, c’est du lourd. A ce stade, c’est de la bête de concours…
Depuis des années on les attendait sur le grand écran, comme un film à part entière. Marvel Studios et Marvel Television s’étant refilé la patate chaude, les Inhumans sont bien sortis il y a un mois dans diverses salles IMAX et certains membres de notre équipe avaient bien vu ces premiers épisodes au cinéma. Mais le résultat était si consternant, les réactions si critiques, qu’on imaginait mal Marvel ne pas tenter de limiter la casse en ne remontant pas la chose en l’espace de quelques semaines. Nous avions donc réservé notre jugement en attendant de voir ce que serait la version finale diffusée à la télévision ce vendredi. Mais non, rien ne sera venu arranger ou limiter les dégâts. Ce serait rendre un service à Marvel’s Inhumans que de dire que la série donne l’impression de n’avoir personne à la barre. C’est bien pire : on a l’impression que le type supposé piloter le tout a lui-même démonté la barre, juste comme-çà, pour faire l’andouille, histoire de voir de quel côté le train allait dérailler. On passe alors à travers diverses scènes où, selon les cas, on s’ennuie ou même, on ressent de la peine pour les acteurs de se retrouver dans une telle galère, d’être obligés de rester droit, sérieux, dans des cérémonies qui tiennent plus de la séance de bizutage. C’est dire…
Reprenons les fondamentaux : les Inhumans sont une création de Stan Lee et Jack Kirby, bien que reflétant surtout les marottes de ce dernier. C’est à dire un mélange de théories sur les civilisations oubliées, sur l’origine des diverses mythologies, le tout enrobé de science-fiction. Les Inhumans sont des personnages énormes, respirant la puissance par les pores de leur peau… En tout cas ils le sont dans les comics et, depuis quelques années, la branche édition de Marvel a fait son possible pour ouvrir un peu le concept, lui donner des allures de X-Men, avec de nouveaux Inhumans apparaissant à travers la surface de la Terre, ce qui permettait de prévoir quelques personnages liés avec le réel, qui n’étaient pas qu’un paquet de pouvoirs mais qui, selon les cas, étaient aussi batteur dans un groupe rock ou policier. On peut être plus ou moins d’accord avec la nature de ce rapprochement (l’idée première de Kirby était manifestement de nous montrer des personnages réellement au-dessus de l’humain) tout en comprenant la logique. Le fait est que la race des Inhumans a fait ses débuts à la télévision à travers la série Marvel’s Agents of S.H.I.E.L.D. ces dernières années justement en utilisant cet angle : des gens normaux, issus de la société normale, dont les pouvoirs s’éveillent d’un coup et qui se retrouvent pourchassés, parfois rassemblés au sein de petites communautés qui entretiennent confusément le souvenir d’une souche originale de leur race, laquelle s’est depuis longtemps cachée ailleurs pour échapper aux persécutions.
L’angle des « Inhumans issus de la société normale » ayant été ainsi émoussé, la série TV supervisée par Scott Buck s’oriente donc vers l’autre solution, les Inhumans vraiment inhumains, vivant depuis des siècles à l’écart du monde, leur civilisation s’étant installée sur la Lune. Et en théorie, ce n’est pas une mauvaise chose. D’autant que cette approche aurait de quoi combler un vide depuis le début des séries Marvel sur ABC. C’est à dire que depuis les premiers épisodes d’Agents of S.H.I.E.L.D. le public aurait voulu voir à l’écran des apparitions en guest de personnages de la trempe d’Iron Man ou de Hulk, de véritablement voir une série super-héroïque. Par la force des choses, Marvel’s Agents of S.H.I.E.L.D. a été obligée la plupart du temps (car il faut noter certains efforts graduels liés à Deathlok ou surtout au Ghost Rider) de la jouer autrement, d’être une série qui raconte ce qui se passe quand les super-héros sont aux abonnés absents. Partir dans la direction de personnages qui vont dans l’autre sens, qui sont avant tout des super-pouvoirs montés sur pattes (au sens littéral pour Gorgon) c’est donc, sur le papier, le moyen de combler ce vide que même les séries Marvel diffusées sur Netflix, orientées plus « street level », n’occupent pas vraiment. Les Inhumans, c’était l’occasion d’en prendre plein les mirettes, à plus forte raison parce que le format (huit épisodes formant un récit autonome) permettait de tout balancer d’un coup. Ce n’est pas franchement ce qu’on découvre dans les deux premiers épisodes.
Parce qu’on parle de théorie. Et la pratique, telle que supervisée par Scott Buck, est un tout autre animal, avec des défauts d’analyse, de cohérence, flagrants dès le pré-générique. On découvre alors un Triton (Mike Moh) qui tente de sauver la vie d’une Inhumaine en lui promettant, c’est le cas de le dire, la Lune. Allez savoir pourquoi et comment Triton et sa famille sont restés les bras croisés pendant plusieurs saisons d’Agents of S.H.I.E.L.D. alors que les Inhumans de la Terre en prenaient plein la figure et devaient organiser leurs propres refuges. Et puis on a cette scène gênante, la première qui nous présente Black Bolt (Anson Mount) et Medusa (Serinda Swan, qui fut en d’autres temps la Zatanna de Smallville), avec le couple directement nu et au lit. Medusa, ce n’est déjà pas en soi un « pouvoir » facile à filmer, c’est certain. Nous présenter l’héroïne comme une boule de poils étendue sur le corps de Black Bolt ce n’est franchement pas la meilleure manière de nous la présenter. On a l’impression que c’est le Cousin poilu de la famille Addams qui se roule sur Black Bolt.
Et attention, parce que Medusa elle veut vraiment « faire des bisous », donc pas question que Black Bolt réponde en même temps à son bracelet/téléphone portable. Oui. Vous avez bien lu, Black Bolt, le type qui ne peut pas prendre le risque de prononcer une parole sous peine de liquéfier son environnement, a… un téléphone, gag involontaire qui ne manquera pas de revenir plusieurs fois au cours des deux épisodes qui lancent cette courte saison. Il y a un moment, plus tard, où l’on nous montrera qu’il a bien un (et pas trente-six) vague moyen de signifier sa présence à Medusa par ce moyen. Mais comme les « comm-links » des Inhumans ne semblent pas pourvus d’un équivalent des SMS, les scènes ou Medusa téléphone à son chéri pour lui poser des questions ouvertes, lui demander où il se trouve et s’il va bien sont vraiment des sources d’hilarité (toujours involontaires), comme l’utilisation de flashbacks pour nous raconter… ce que les personnages viennent de vivre dans la scène précédente.
Le « gag » du téléphone peut sembler anecdotique, mais il résume bien une grande partie du problème : les scénaristes ne se sont pas donnés la peine de savoir ou de se demander comment ces personnages pensent et agissent, quelles sont leurs limitations ou leurs particularités. Et par conséquent ils véhiculent la même incompréhension chez le grand public, privé du coup de quelques informations basiques. Parce que, disons-le, si vous êtes lecteur de comics, vous regarderez la série avec un ennui certain mais avec un net avantage. Vous avez au moins une petite idée des pouvoirs et des compétences des uns et des autres. Là, le type qui débarque et qui rencontre pour la première fois Karnak ou Crystal tombe sur une sorte de flou, des choses vaguement ébauchées mais pas suivies. L’idée que Karnak prévoit tous les scénarios possibles est montrée d’une manière qui lorgne sur le Sherlock Holmes de Guy Ritchie puis s’efface devant des visualisations qui ressemblent aux sortilèges de Docteur Strange dans le film de ce dernier.
Mais vous nous direz que non, que justement les téléspectateurs et téléspectatrices n’arrivent pas « à blanc » dans cette série, qu’ils ont connu quelques saisons d’Agents of S.H.I.E.L.D. pour se faire aux grandes lignes des Inhumans. Et bien non, justement ! Car les choses ne sont pas cohérentes. Quiconque se souvient de l’épisode où Skye (Chloe Bennet) est exposée aux cristaux et accède à sa vraie nature, à ses pouvoirs, va devoir réconcilier cela avec ce qui se passe dans Marvel’s Inhumans. D’abord il faut passer à travers le décorum d’une cérémonie en carton-pâte. Pour le coup on peut plaindre Anson Mount parce que non seulement il joue un personnage qui ne parle pas, qui a une distance avec les autres et qui peut apparaître « coincé » mais en plus, là, la réalisation est pitoyable. Black Bolt avec son diadème et droit comme un « i »… on peut dire que l’acteur n’est pas aidé. Mais si on revient deux secondes à la continuité inter-série, les Inhumans sont supposés se transformer en formant des cocons. Seuls les vrais Inhumans en émergent avec des pouvoirs, les humains étant transformés en statues figées qui s’écroulent sous leur propre poids (cf. le sort de Triplett dans Agents of S.H.I.E.L.D.).
Donc si vous ne connaissez les Inhumans que par l’intermédiaire d’Agents of S.H.I.E.L.D., ce n’est même pas que vous n’êtes pas plus avancé mais bien qu’on est ici en totale contradiction avec ce qui est montré dans cette autre série. Marvel’s Inhumans ne suit même pas le cahier des charges existant. Car là, non, les scénaristes n’ont pas eu le mémo, alors les candidats Inhumans entrent dans l’équivalent de petites cabines téléphoniques où ils tentent la transformation sans manifester le moindre cocon. Et si cela ne marche pas ? S’ils ne sont pas Inhumans plein but ? C’est donc qu’ils sont humains. Ils ressortent indemnes de la cérémonie, sans être pétrifiés, et sont envoyés travailler au fond de la mine.
Parce que sur la cité lunaire d’Attilan, au royaume des Inhumans, on est comme ça, ceux qui ont le pouvoir… ont le pouvoir. Tandis que les humains normaux sont traités comme des prisonniers de camps et condamnés aux travaux forcés, juste comme ça. Ce n’est pas tout à fait incongru : On aura compris, toujours si on lit des comics, qu’il s’agit en gros de ramener d’une autre manière les Alpha-Primitives, personnages qui servent de serviteurs-esclaves des Inhumans dans la BD des années soixante. Par la suite, des auteurs conscients du sous-entendu problématique de cette sous-race les ont « exfiltrés » des comics. Ici, on ne peut pas faire un procès en (in)fidélité aux scénaristes pour ramener cette histoire de castes. Par contre ils la servent sans l’explorer, sans expliquer vraiment ce que la famille royale en pense ou pas. Cela laisse entendre que c’est naturel et, au-delà des gags de téléphone avec Black Bolt, c’est ce qui débouche sur le vrai problème de fond de cette série.
En gros, on nous vend des Inhumans qui sont des royalistes sectaires, repliés sur eux-mêmes, qui pratiquent le racisme et l’esclavagisme. Ce n’est pas entièrement vrai car les Inhumans une fois arrivé sur Terre ne pratiquent pas, allez savoir pourquoi (quelqu’un élevé dans cette idéologie devrait pourtant s’y accrocher), ce système de caste. Au contraire un Gorgon n’a pas le moindre problème à échanger avec une bande de surfeurs hawaiiens. Mais pour ce qui est de la Lune, c’est un endroit assez peu sympathique, froid (le décorum d’un Kirby a laissé place au catalogue IKEA), politiquement dérangeant où les Inhumans s’obligent à vivre dans une ville-bunker ou l’on pratique une sorte de roulette russe génétique. C’est de l’eugénisme à l’envers : allez, soumettons les gens à la cabine téléphonique, s’ils ressortent normaux on en fera des esclaves mais s’ils sont transformés espérons qu’ils auront un joli pouvoir et que ce ne seront pas des monstres. Enfin bon on verra bien. Ah puis si l’on est membre de la famille royale mais « humain », on a un passe-droit, pas d’esclavage pour celui-là. Pour quelqu’un qui n’a pas lu les comics, qui ne connais pas les tenants et les aboutissants, on peut réellement se demander pourquoi Maximus ne serait pas vu réellement comme un libérateur par le public… Si ce n’est quelques scènes où il utilise des postures nettement populistes, avec des accents hitlériens, une bonne partie de l’agenda politique de Maximus semble plus positif que l’alternative représentée par le reste de sa famille, qui elle s’en tient à « ah bah ça a toujours marché comme ça alors on change rien, c’est trop cool ce système vu qu’on est les rois ».
Si Maximus franchi la ligne en essayant de faire assassiner ou neutraliser sa famille et si, quand même, on comprend bien qu’il est le méchant, cette grisaille dans les enjeux fait que cela joue sur la compréhension de la série. Que devons-nous souhaiter au peuple d’Attilan ? Que Maximus les émancipe et les ramène sur Terre ou le retour au pouvoir de la famille royale, qui ramènera l’ordre antérieur ? Soyons honnêtes, il y a une petite chance (potentielle) que les scénaristes y aient pensé et que les huit épisodes de Marvel’s Inhumans racontent comment la famille royale, obligée de fuir sur Terre et de se cacher parmi l’humanité, réalise quelque chose ne va pas dans ses traditions, avant de revenir sur Attilan améliorer les choses. Mais ce n’est pas le chemin que cela prend. Medusa ou Black Bolt ont des interactions minimales avec les humains, ne cherchent pas à les connaître où à les comprendre (même si le coté « premier degré » de Black Bolt peut avoir ses moments).
Au bout du compte, si le scénario part parfois (pardon, SOUVENT) en vrille, le vrai problème des Inhumans reste triple : la réalisation, un montage aléatoire et la direction d’acteurs. Avec la même somme de moyens (car il y a des moyens pour certains décors d’Attilan), il suffirait de choisir les cadrages, de travailler des plans rapprochés… De ne pas se contenter d’une bande-son omniprésente pour dramatiser certaines choses. Au lieu de cela, on ne génère aucune empathie avec les personnages et leur civilisation. Pourquoi devrait-on ressentir la moindre inquiétude pour la reine Medusa alors que l’on ne sait pas vraiment qui elle est, d’où elle vient ? Et ce n’est pas forcément la faute des acteurs. Pour preuve, on a encore en tête la performance d’Iwan Rheon en Ramsay Snow, psychopathe dans Game of Thrones. Là, il déclame son texte devant les esclaves sans que la caméra ou les éclairages tentent quoi que ce soit de particulier. Disons que rien dans la production n’aide Iwan Rheon à installer Maximus aussi bien qu’on sait qu’il pourrait le faire. Et de la même manière, difficile d’en vouloir à Serinda Swan et aux autres quand on voit le peu de matière première qu’on leur laisse à travailler. Alors Medusa débite des platitudes à son mari en lui téléphonant et en attendant sa réponse, Black Bolt s’émerveille du premier téléphone portable humain qu’il trouve sans que le scénario se souvienne que la technologie des Inhumans est plus avancée…
Le spectateur peut se demander si le pouvoir de Karnak (Ken Leung) c’est de projeter des hologrammes-boussoles ou d’être condamné à ne dire que la vérité (la scène de la serveuse). Gorgon (Eme Ikwuakor) entre dans l’océan alors qu’il ne sait pas nager et manque, c’était prévisible, de se noyer dans une zone où il a pied… Et bien malin le non-lecteur de comics qui aura compris ce que sont les pouvoirs de Triton… Sans oublier les scènes avec la scientifique Louise (Ellen Woglom), où alors pour le coup on est convaincu d’être dans une production The Asylum (Megashark et autres fantaisies du genre). Bien sûr, il y aura forcément quelqu’un pour nous dire que non, que ce n’est pas pire, qu’il a regardé et qu’il ne comprend pas les critiques. Tout comme quelque part quelqu’un doit se régaler en mangeant ses merguez avec du vacherin. Mais là, objectivement, ce n’est ni fait ni à faire. Tout cela forme un train qui déraille en permanence, un accident industriel qu’on regarde sidéré, en se demandant comment tous les voyants ont pu s’aligner de la sorte sans que personne ne réalise (à plus d’un niveau) et ne rectifie le tir. A côté de ça, Legends of Tomorrow c’est du Spielberg. S’il y a une justice quelque part, le showrunner et les responsables de la prod finiront téléportés bien loin par le chien Lockjaw, de manière à ce qu’ils ne touchent plus jamais à un projet de ce genre. Parce que là… Non vraiment, sidérant… Pardon, ma reine, je voulais dire « médusant »…
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