C’est ce vendredi que la série Marvel’s The Defenders était diffusée chez Netflix et après avoir chroniqué les quatre premiers épisodes (proposés à la presse en avant-première) il y a quelques jours voici donc le moment de s’intéresser à la seconde partie de la saison. Encore qu’il que pour « s’intéresser », il faut d’abord faire le tri entre quelques bonnes surprises isolées… et un vaste enchaînement de clichés vraiment très téléphonés, au fil d’un scénario qui ne se réveille que par endroits.
Parlons des choses qui fonctionnent bien : Sigourney Weaver en ennemie majeure, patronne de la Main, porte véritablement une partie de la série sur ses épaules et cela jusqu’à un twist particulièrement amené sur cette seconde moitié de saison. Mais ce n’est pas tant l’écriture du personnage que la présence d’une actrice très expérimentée qui fait la différence, par opposition aux autres maîtres de la Main, qui restent bien souvent dans le cliché. Jusqu’à la fin de la série on en est quitte à se demander pourquoi sur les cinq « boss », qui ont la même origine et la même éducation, seule Madame Gao (qui n’est pas en haut de la hiérarchie) semble avoir des superpouvoirs tandis que deux de ses confrères n’ont guère que l’usage du sabre pour eux. Et le dernier, « White Hat », est à peu près aussi imposant qu’un dealer de drogue dans un épisode de Starsky & Hutch. De fait le scénario ne laisse pas à Alexandra, le personnage de Weaver, l’occasion de démontrer des pouvoirs qui expliqueraient qu’elle en impose tant aux autres. Autre actrice qui tire son épingle du jeu, Elodie Yung (Elektra) n’avait pourtant pas été très bien servie lors de la saison deux de Daredevil. Elle y jouait (bien) une sorte de cambrioleuse fofolle qui évoquait peu la noirceur du personnage dans les comics. Avec sa réapparition dans cette série, l’histoire pour le coup la montre comme un personnage plus torturé. Et Elodie Yung, avec un comportement plus en retenue, se montre à la fois plus tragique et plus dangereuse (bien que le rôle d’Elektra soit moins bien écrit dans le dernier épisode). A l’inverse, Simone Missick (Misty Knight) ne gagne pas à apparaître aux côtés des Defenders. Dans Marvel’s Luke Cage, qui jouait à fond sur les ambiances façon blaxploitation, son parler ne jurait guère. Ici, par contre, c’est un peu comme si tous les acteurs parlaient de façon normale et qu’on avait à côté d’eux une sorte de carricature de policière échappée d’une sitcom des seventies, à coup de « Whaaaat ? This shit is real ! ». L’idée, on le devine, est de l’établir comme une policière badass, au parler plus vert que celui de ses collègues, mais c’est tellement surimposé que cela en devient contre-productif.
Après avoir poursuivis sans le savoir un même adversaire, la Main, Matt Murdock, Jessica Jones, Luke Cage, Stick et Danny Rand se sont retrouvés réunis presque par accident. Mais voilà qu’ils réalisent qu’Alexandra et ses sbires veulent s’emparer d’Iron Fist pour faire avancer leur projet. A partir de là, les membres du collectif réagissent de façons très différentes. Des clivages apparaissent, qui vont venir mettre à terre la cohésion naissante. Et les téléspectateurs, devant leur écran, auront plus plusieurs fois l’occasion de se dire qu’avec des « amis » comme ça, les Defenders n’ont pas besoin d’ennemis. Le fait est que les scénaristes et la réalisation ont conservés des Defenders originaux le concept de la « non-équipe ». Ce qui fait qu’à bien des égards on a l’impression de voir un montage collection des scènes des saisons 2.5 de Daredevil, Jessica Jones et Luke Cage ainsi que 1.5 d’Iron Fist. La volonté de laisser à ce petit monde son code couleur fait que parfois, à la faveur d’un changement de plan, si la pièce est rouge on sait à l’avance que c’est Matt Murdock qui va entrer dans le champ. Et ainsi de suite pour les autres. Ce qui pose apparemment problème à la production dans les moments où tout ce petit monde se réunit. Quelle couleur adopter ? Quelle musique mettre en fond ? Dans l’un des combats du dernier épisode, alors que les Defenders se battent contre les hommes de la Main, la bande-son nous sort inexplicablement un morceau de rap… qui disparaît inexplicablement avant que le combat, qui n’est pas terminé, se poursuive avec une musique totalement différente. Allez savoir pourquoi… Mais ce zapping d’ambiance ne fait certainement rien pour tenter de dégager une ambiance directrice sur ces derniers épisodes.
Les Defenders ne sont pas les Avengers. Alors certes il convient de préciser le contexte de la phrase : il est certain qu’en choisissant de produire différentes séries solos encadrées dans un seul univers partagé, avant de converger vers la série du groupe, Marvel a calculé son coup pour faire à la télévision ce qui avait été fait au cinéma avec les Avengers. Stratégiquement, la chose est certaine. Mais si l’on regarde bien les personnages à la base, il y a une chose qui distingue les deux groupes. Les Avengers sont réellement un carrefour où se rencontrent des personnages découlant d’environnement totalement différents. On y va du scientifique transformé en monstre au dieu asgardien, en passant par le patriote rescapé du temps, le playboy, l’espionne russe… Daredevil, Luke Cage, Jessica Jones et Iron Fist sont unis au contraire par le même souci de défendre les rues et le petit peuple. C’est sans doute un peu plus flou avec Danny Rand et son rapport au mysticisme (c’est peut-être ce qui explique qu’un certain public se soit moins reconnu dans sa série). Mais globalement la réalité que défendent les quatre personnages n’est pas si éloigné que cela. Pourtant, le scénario de cette seconde moitié de saison va tenter de faire apparaître une incompatibilité d’humeur de plus en plus poussée, au point qu’elle en devient peu crédible. Mettons de côté la première dispute du groupe (à l’intérieur d’un restaurant, qui occupe la plus grande partie d’un épisode). Pour le coup c’est une bonne idée, puisque les héros doivent apprendre à se connaître avant de se faire confiance. Que les choses ne coulent pas de source au début, c’est plutôt convaincant. Par contre, que la chose persiste par la suite, ça devient vite n’importe quoi. Vous n’avez que trois alliés pour vous battre contre une armée d’assassins mais non, l’important pour vous c’est de vous brouiller sans réfléchir ? A un moment (en particulier le moment où les héros se battent les uns contre les autres à la suite d’un désaccord), c’est bien simple : on a l’impression de retrouver les Avengers sous l’influence de la lance de Loki dans le premier film. Sauf que… ici il n’y a pas de lance pour justifier la chose et que, comme expliqué plus haut, au naturel les Defenders sont séparés par bien de peu de choses. Même s’il est certain que la recette Marvel depuis au moins les sixties c’est le combat entre héros pour un oui ou un non, ici la chose est dissonante tant elle est imposée à partir de rien.
Pour les combats, leur pertinence semble avoir été tirée au sort. Ainsi trois des Defenders se retrouvent à combattre trois boss de la Main… dans un espace confiné équivalent à quatre places de parking. Sur le combat de groupe final, par contre, au fond de la grotte, la scénographie est là… mais c’est le comportement des personnages qui fait défaut. D’abord, l’armée de la Main est bien moins imposante qu’elle pouvait l’être dans la saison 2 de Daredevil, pour l’attaque de l’hosto par exemple. Ensuite, on se perd dans les motivations des uns et des autres. A un moment, Elektra disparaît de l’écran pendant de longs instants… allez savoir pourquoi… Passé un moment, on ne sait tout simplement pas pourquoi les patrons de la Main ne se contentent pas de fuir avec leur butin.
Globalement, c’est la matière première la moins chère (les idées scénaristiques) qui fait défaut, très régulièrement. On ne peut pas tout lister dans le détail sans risque de spoiler mais il faut avouer qu’Iron Fist tombe comme un benêt dans les manipulations de la Main et fini par faire ce qu’il ne fallait surtout pas faire… alors que devant l’écran on le voyait venir depuis vingt-minutes. Pareil pour un combat à l’épée impliquant Colleen, Misty, Claire et un maître de la Main. N’importe quel lecteur de comics voit la conséquence arriver à des kilomètres. On anticipe réellement un certain nombre de « rebondissements » plusieurs minutes avant qu’ils se produisent. Et puis il y a aussi les choses évacuées du bout du pied en espérant que le public ne captera pas. Par exemple, sur cette fin de saison, les Defenders passent très facilement du rang de hors-la-loi à « vous n’avez plus d’ennui avec la police » alors que la masse de destruction et l’impossibilité de les justifier devrait leur poser quelques soucis. Mais non, on n’a pas le temps, alors on cache sous le tapis et on passe à autre chose. Et puis il y a les rendez-vous loupés. Un truc qui ne fonctionne pas tout à fait est que Daredevil est le seul en « super-costume » tandis que les autres sont en tenues civiles, ce qui fait un peu tâche dans les scènes de groupe. Et accessoirement l’aspect super-héroïque est (visuellement en tout cas) déséquilibré. Il y aurait bien une ou deux scènes, en particulier vers la fin, qui forment comme une voie royale pour qu’Iron Fist puisse – en 20 secondes – assumer un rôle similaire, pousser la porte du « Gladiateur » pour commander une tenue ou s’en faire fabriquer une chez Rand mais l’idée passe à la trappe. Et au final c’est l’impression de passer à côté des choses qui demeure.
Disons-le, mieux vaut regarder les Defenders qu’un épisode de Legends of Tomorrow ou des Agents of SHIELD, c’est certain… Le fait d’être ramassé sur seulement huit épisodes fait que Marvel’s The Defenders souffre moins d’un effet « ventre mou » que les séries à treize épisodes qui ont précédé. Le fan de comics aura également droit à quelques « easter eggs », notamment la dernière scène qui fait allusion à l’une des plus grandes sagas de Daredevil. Oui mais… c’est quand même poussif, simpliste et en particulier une fois passé le milieu de saison, quand les Defenders se sont déjà rencontrés. C’est au mieux très moyen mais on a surtout ce feeling que la série passe à côté de plein de choses. Qu’on aurait pu s’épargner quelques minutes des miss Page et Walker béates devant des photos de police au bénéfice de quelques petits segments qui auraient rendu les choses plus nerveuses. Disons qu’avec les mêmes moyens, les mêmes ambitions, il y avait quand même de quoi faire bien mieux. Point culminant de quatre séries (et en tout de six saisons), les Defenders ne manqueront pas d’attirer un public curieux de savoir comment tout cela se goupille. Mais on attendait plus en tout cas.
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