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Marvel’s The Punisher – Episodes 1 à 13

Après avoir croisé la route de Daredevil et de la Main, le Punisher, Frank Castle, a repris sa guerre sans merci contre les différents gangs qu’il avait juré d’éradiquer. Mais très rapidement, dans cette nouvelle série Marvel diffusée par Netflix dès vendredi prochain, la guerre s’arrête faute de combattant. Ayant éliminé jusqu’au dernier adversaire, Frank se fond dans la foule. Le Punisher a pris sa retraite. Jusqu’à ce que les ennuis le retrouvent et le ramènent à une guerre plus ancienne.

« You’re some sort of secret badass? »

Personne n’échappe au Punisher. Que ce soit dans les toilettes des aéroports ou planqués de l’autre côté de la frontière, Frank Castle (Jon Bernthal) retrouve jusqu’au dernier homme de main du cartel du crime qu’il considère comme responsable de la mort de sa famille. Il achève de faire le ménage et extermine tous ceux après qui il en avait. N’ayant plus de but, plus de raison de se venger, il brûle son costume et disparaît. Au point que tout le monde le croit mort. Car le Punisher n’est pas franchement un « super-héros » défenseur de la veuve et de l’orphelin, il ne va pas courir après une nouvelle cause. Bien qu’il ait détruit un cartel tentaculaire, composé de plusieurs bandes, d’autres criminels prolifèrent ailleurs. Mais il s’en fout. Ce ne sont pas ses affaires. Frank se trouve une identité de rechange et devient un simple ouvrier un peu borné. Le Punisher c’est terminé… Sauf que ce ne sont-là que les premières minutes de l’épisode initial.

La série commence véritablement six mois plus tard, avec un personnage rangé des affaires. Soyez prévenus si vous vous attendez au Punisher façon Jim Lee ou Steve Dillon, avec le costume noir et le crâne blanc qui apparaîtraient toutes les cinq minutes, ce n’est pas le cas. L’essentiel de la série voit cet anti-héros bien entendu rattrapé par les emmerdes mais qui agit dans la clandestinité, sans raison particulière de reprendre un emblème qui le ferait repérer. De ce fait, le premier épisode est plus une sorte de juste milieu entre les films Gran Turino et Equalizer mais, et c’est l’ingrédient majeur de la série, cela reste Frank, dans toute la dureté du bonhomme…

« Welcome Back, Frank »

La sortie de la série a été retardée après la fusillade de Las Vegas, Marvel et Netflix jugeant peu heureux de lancer un programme qui repose pour une bonne partie sur l’usage des armes à feu. Par conséquent, cette semaine, alors que fleurissent les premières reviews de Marvel’s The Punisher, certaines « bonnes âmes », en particulier de l’autre côté de l’Atlantique, se font un devoir de torpiller la série en expliquant qu’elle fait « partie du problème » (comprenez : que si l’on veut arrêter les « shootings » aux USA voilà le genre de choses qu’il faut retirer des écrans). Disons-le, pour avoir vu l’intégralité des treize épisodes de cette série, on peut réellement se poser des questions sur la santé mentale de qui pourrait croire qu’elle encourage ce genre de folie. Ce Punisher s’interroge activement sur le fait que la société américaine est incapable de réassimiler des personnes qu’elle a transformé en machines à tuer, notamment après le déploiement de l’armée au Moyen-Orient. Elle dénonce le problème.

Cela vaut pour Frank (qui n’est pas tout blanc dans l’histoire) mais aussi pour plusieurs personnages secondaires, anciens militaires, dont l’un va virer au « terrorisme domestique », nécessitant l’intervention de l’ex-Punisher. C’est à dire que Castle passe plusieurs épisodes à combattre (entre autres) un adversaire qui, a bien des égards, correspond au profil type des tueurs de masse. Et que le scénario n’exonère pas non plus la société américaine de ses responsabilités. S’il est évident que, dans le contexte de l’histoire, Frank Castle n’est pas spécialement partisan d’une régulation des armes, pour autant la condamnation des « mass shootings » est totale, sans équivoque. Et il faut être malade pour comprendre l’inverse (ou ne pas avoir vu la série tout en prétendant le contraire, ce qui semble être probable dans certains cas). Au bout du compte Marvel’s The Punisher n’est pas *simplement* une série où ça flingue de partout mais bien une parabole pertinente. En un sens c’est même la série Marvel de Netflix la plus « politique », au sens qu’elle regarde notre monde. Les « contractors » (les « sous-traitants ») de l’armée (une autre chose qui a fait polémique autour de Marvel ces dernières semaines) y sont aussi attaqués dans les règles, sans faux-semblants.

« We are not good people »

Frank lui-même utilise des armes, c’est certain, mais on est finalement dans le même registre que le premier Dirty Harry, avec un protagoniste violent, présenté comme un mal nécessaire mais pas forcément admirable, qui s’occupe de ce qu’une société sclérosée et hypocrite, elle-même à l’origine du problème. Pour bien souligner que Castle est un véritable animal, la série introduit une supporting cast, principalement Micro (Ebon Moss-Bachrach). Ce dernier (nettement inspiré par le lanceur d’alerte Edward Snowden) va mettre au point un partenariat avec Frank mais, pendant la plus grande partie de la saison, on a l’impression de voir deux bêtes en cage, avec des désaccords sur pratiquement toutes les décisions importantes. Frank Castle se fait peur lui-même. C’est même dit à voix-haute. Il n’est pas spécialement quelqu’un que vous aimeriez compter parmi vos « amis ». D’ailleurs la plupart des « amis » du Punisher vont le sentir passer au fil des épisodes, parfois simplement parce qu’ils le connaissent ou, plus directement, parce qu’ils sont sur son chemin.

Celle qui s’en tire le mieux, dans cette catégorie, fait le lien avec le reste de l’univers Marvel/Netflix. Frank retrouve en effet Karen Page (Deborah Ann Woll), toujours journaliste, qui devient une sorte d’alliée de circonstance. Au point d’ailleurs que cela peut surprendre dans les premières scènes. S’il y avait une forme de compréhension entre ces deux-là dans la deuxième saison de Daredevil, cette fois les choses démarrent quelques crans au-dessus, comme si Karen avait oublié toute la peur qu’il lui inspirait et qu’on était à deux doigts de les voir réserver une chambre à l’hôtel. Passé ce démarrage un peu abrupt, cette saison du Punisher est une sorte de revanche pour le personnage de Karen. Après avoir joué les potiches dans The Defenders, elle se montre ici plus nécessaire. Moins convaincante est l’écriture de William Russo (Ben Barnes), un ancien camarade d’armée de Frank qui s’avère si stéréotypé qu’on devine dès les premières scènes où il va nous entraîner (et l’on se demande un peu pourquoi les autres personnages ne le voient pas). Un autre personnage plus complexe, l’agent Dinah Madani (Amber Rose Revah), joue le rôle de la « femme-flic » (quand bien même elle dépend de la Homeland Security) en montrant un profil ambitieux au demeurant plus riche et plus crédible que la Misty Knight de Netflix. Par contre au bout de quelques épisodes on a l’impression que les choses reposent un peu trop sur la plastique de l’actrice, que la réalisation s’emploie à nous montrer au lit ou sous la douche. Notons qu’avec l’épouse délaissée de Micro (Jaime Ray Newman), Page et Madani tout en évitant de nous ressortir Claire Temple, le Punisher de la TV laisse beaucoup plus de place aux femmes que dans son comic-book d’origine. C’est peut-être la série Marvel/Netflix la plus « mixte » derrière Jessica Jones.

« Shit magnet »

Poussez les enfants loin de l’écran : The Punisher ne fait pas dans la dentelle ou dans la déconnade. Le dernier tiers de la série est d’ailleurs un bain croissant d’hémoglobine. Au point, peut-être, que l’on peut se demander parfois si les scénaristes n’ont pas confondu le Punisher et Wolverine, tant Castle a tendance à perdre des citernes de sang, à prendre des coups de couteau ou des balles dans la même demi-journée et apparaître une scène plus loin « oh, j’ai comme une petite migraine à peine ». Mais clairement ce côté bain de sang, c’est aussi un pavé dans la mare pour ceux qui n’en démordent pas de la « méthode Marvel » et trouvent que tout est uniformisé. Même à l’intérieur des séries TV Marvel de Netflix, celle-ci se singularise. Et si l’on étend aux séries ABC voire aux films, il faut quand même avoir avalé un wagon de mauvaise foi pour prétendre que ce Punisher est basé sur la même recette. Les aventures de Frank Castle sont (forcément) beaucoup plus terre. Elles peuvent déstabiliser certaines personnes qui fonceraient la tête la première en pensant y retrouver les vannes d’un Thor : Ragnarok ou le côté « pour moi la ville c’est marcher dans la rue en écoutant une playlist du Wu-Tang » de Luke Cage. Ce serait un vrai quiproquo. Non. Ça tue. Ça défonce des crânes. Ça tranche. Ça tape. Ça saigne.

Dans Daredevil, le Punisher était apparu pour la première fois comme un antagoniste plus que comme un protagoniste. En le retrouvant dans sa propre série, on pouvait se demander si les auteurs n’allaient pas un peu retomber dans certains travers des films. Au contraire, la réussite ici c’est de continuer de le traiter comme une sorte « d’animal désociabilisé », maladroit dans ses contacts humains et qui culpabilise d’autant plus s’il en a. La dynamique avec Micro (et, par extension, avec la famille de Micro) fonctionne particulièrement bien. Elle lui donne comme un écho. Même dans des aventures « solo », les autres restent une énigme pour Frank (tout comme l’inverse est vrai). La formule est efficace et sait, pour une grande partie, rendre justice au personnage. Dans les années 70, Gerry Conway a créé le Punisher en se basant sur des films comme « Un Justicier dans la ville » mais en faisant de lui clairement un adversaire. Quand bien même, la criminalité, les violences urbaines et le contexte étaient totalement différents. La présente série lui (re)donne une pertinence, une certaine réflexion sur les mécanismes de la violence. Si bien qu’on aurait tendance à fermer les yeux sur trois problèmes qui « coinceront » sans doute pour certains : le pseudo « healing factor » déjà évoqué (mais d’un autre côté n’est-ce pas aussi le cas dans bon nombre de comics du Punisher ?), la gestion sans surprise de Bill Russo et puis, dans le dernier tiers, une sorte de « sixième sens » un peu facile qui fait qu’à plusieurs moments Castle anticipe un peu trop ce que ces adversaires vont faire (et presque à quelle heure). Malgré ces travers, le charisme de Jon Bernthal fonctionne à plein et nous donne une des séries TV les plus percutantes de Marvel.

[Xavier Fournier]

Marvel’s The Punisher, disponible sur Netflix à compter du vendredi 17 octobre 2018.

Xavier Fournier

Xavier Fournier est l'un des rédacteurs du site comicbox.com, il est aussi l'auteur de différents livres comme Super-Héros - Une Histoire Française, Super-Héros Français - Une Anthologie et Super-Héros, l'Envers du Costume et enfin Comics En Guerre.

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