L’histoire commence vraiment quand on assiste à un hold-up en plein jour. Des gangsters arrachent de l’argent à des vigiles. Puis les voleurs demandent ce qu’ils doivent faire ensuite. Ils sont en effet radioguidés par le chef, The Cat, qui leur indique alors l’itinéraire pour s’enfuir tout en évitant les patrouilles de police. Alors que la bande s’engouffre dans une voiture, un des vigiles dépouillés leur hurle « Vous n’irez pas loin, rats ! ». Un des gangsters lui répond « C’est ce que tu crois le flic, mais un chat à neuf vies ! ».
Le Cat se croit sans doute en sécurité dans les airs mais c’est oublier un peu vite que l’Arrow-Car dispose de puissants sièges catapultes. Green Arrow est ainsi projeté dans l’air en direction de l’avion. Mais The Cat le voit arriver et change la trajectoire de l’engin. Autant dire que du coup Green Arrow fonce vers le vide et qu’il risque de s’écraser. Mais heureusement l’archer est équipé. Il tire une de ses flèches spéciales, munie d’une corde, qui vient se ficher dans le train d’atterrissage de l’avion. Sa chute est interrompue et le voici en prime transporté par l’avion du criminel, assuré de ne pas le perdre de vue. Sauf bien sûr que The Cat n’a pas du tout l’intention de conserver ce « passager clandestin ». Le criminel dégaine alors un pistolet pour supprimer son poursuivant.
Heureusement Green Arrow ne se laisse pas faire. Tout en tenant la corde avec les pieds (ne me demandez pas comment il y arrive avec une paire de bottes), l’archer se retourne et bande à nouveau son arc : « Maintenant c’est mon tour, espèce de monstruosité féline ! Prends ça pour voir si c’est à ta taille ! ». Et le héros tire une nouvelle flèche qui vient arracher le revolver du Cat. L’archer n’a plus qu’à se hisser au niveau du cockpit. Mais The Cat est vraiment un adversaire préparé à tout : le criminel saute dans l’air, ouvrant un parachute : « Je déteste te quitter maintenant mais j’ai du travail. Un hold-up, tu te souviens ! ».
The Cat saute dans une voiture mais même sonné Speedy a la présence d’esprit de sauter sur le pare-choc arrière du véhicule. Et là… cette tournure des choses rappelle certaines choses, comme les poursuites en voiture d’Angel ou Captain America lancés après des criminelles félines nommées toutes les deux… Catwoman. A ce stade, il est trop tôt pour tirer la sonnette d’alarme et dire qu’Adventure Comics #104 est identique à ces autres histoires (ce n’est d’ailleurs pas le cas). Les scènes de « filatures » sur le pare-choc arrière n’étaient pas rare à l’époque. Mais quand même notre Cat commence à se rapprocher d’un archétype de bandit félin reconnaissable.
Car, oui, Green Arrow étant resté dans l’avion, il a accès aux cartouches de gaz de la bande et s’en sert (en les projetant au bout de ses flèches) non pas pour bloquer la police mais bien pour s’attaquer aux bandits. La chose est cependant scénaristiquement étonnante de la part de Green Arrow puisqu’on se souviendra que le gaz du Cat est mortel. Il est curieux que Green Arrow n’ait pas dans sa panoplie une flèche fumigène ou soporifique qui neutraliserait tout autant sans tuer. Là, pris de court, les gangsters tente d’enfiler leurs masques à gaz mais ils n’ont pas le temps. La voiture file s’écraser contre un réverbère. Ce qui nous rappelle là aussi des choses publiées en 1945 dans Marvel Mystery Comics #63 ou Captain America Comics #45, quand les deux versions de Catwoman de Marvel finissaient par aller s’écraser en voiture contre un réverbère du même genre !
Mais la question devient vite caduque. La voiture de The Cat sort de la ville et ralenti dans les bois. Le criminel approche de sa cachette. Mais surtout, en regardant dans le rétroviseur, the Cat s’aperçoit de la présence de Speedy : « Ainsi ce coup sur la tête ne l’a pas arrêté ! ». Le gangster costumé arrête la voiture et se jette sur le garçon avant que ce dernier puisse réagir… Ce qui là aussi pose question car le temps que l’automobile stoppe et que The Cat en descende, Speedy aurait normalement du avoir tout le temps d’attaquer. Sauf bien sûr si avec son « astuce » pour laisser des flèches derrière lui Speedy n’en a tout simplement plus (ce qui ne serait pas spécialement une preuve d’intelligence de sa part). The Cat lui saute dessus et lui donne… un coup de clé anglaise (oui, encore, visiblement The Cat aime bien le bricolage et ne se déplace jamais sans sa clé anglaise).
Cette fois Speedy tombe assommé et The Cat le traîne dans une cabane. Avant d’être interrompu par l’arrivée d’un autogyre : « Green Arrow ? Mais comment savait-il où me trouver ? ». Green Arrow, qui aime bien parler tout seul quand il est aux commandes de ce genre d’engin, dit à voix haute « La trace des flèches m’a directement guidé vers cette cabane. Je me demande où se trouve Speedy ? ». Et bien je ne sais pas, Green Arrow… Voyons, est-ce que chercher dans la seule cabane du coin ne serait pas un bon début de piste ? Seulement voilà, quand il approche de la construction, le héros se fait tirer dessus par une mitraillette. Green Arrow n’est pas touché mais son arc, brisé par les balles, est inutilisable : « Ce tir à coupé mon arc en deux et voici qu’approche The Cat pour terminer le travail ! Hmm… Je me demande si ce Cat serait intéressé par une souris… ». Est-ce que Green Arrow a perdu l’esprit ou bien le scénariste veut-il simplement justifier le titre de l’histoire (« Le Chat et la souris ! ») ? Sans explication apparente, le héros cache un bout de son arc, encore lié à la corde, dans l’herbe. Pendant ce temps The Cat approche avec sa mitraillette, prêt à tirer. Là aussi The Cat ne brille pas par son intelligence car s’il a pu couper en deux l’arc de Green Arrow depuis son poste de tir dans la cabane, il n’a absolument pas besoin de s’approcher pour tirer sur le héros. Mais peut-être veut-il simplement narguer son adversaire avant de l’éliminer : « Tu m’as croisé une fois de trop ! ». Et Green Arrow de rétorquer « Je suis certain que ce sera la dernière fois ! ».
Puis la police arrive et The Cat bredouille en réalisant qu’ils vont la jeter en prison. Impassible Green Arrow lui rétorque simplement « Tu n’étais pas si timide quand il s’agissait de meurtres ! ». Les policiers, eux, sont surpris : « Le procureur ne va pas en revenir quand il va découvrir que The Cat n’est qu’une simple fille ». Speedy, libéré de la cabane, est moins macho : « Cette simple fille m’a quand même assommé deux fois avec une clé anglaise ! ». Bientôt le procureur félicite Green Arrow & Speedy au nom de la ville pour leur « combat contre le crime » et le héros adulte explique avec humilité que c’est son auxiliaire qui a fait tout le travail en laissant derrière lui un « parcours fléché ». Puis la nuit tombée, revenus chez eux, Oliver Queen et Roy Harper peuvent ajouter le masque de The Cat dans leur collection de trophées. « The End » aussi bien pour l’histoire que pour The Cat, qu’on ne reverra pas…
Si on reconnaît sur les planches le style du dessinateur George Papp l’identité du scénariste est inconnue. Néanmoins on notera que l’originalité de l’histoire tient surtout dans le fait qu’on ignore pendant une partie de l’épisode que The Cat est une femme. Car pour le reste l’inspiration est évidente. Dans le souci de copier la galerie d’adversaires de Batman, l’auteur n’est pas allé chercher midi à quatorze heures : il a purement et simplement repris le concept originel de Selina Kyle (Catwoman) dans les premiers épisodes de Batman, en 1940. A l’époque elle opérait sous le pseudonyme de… The Cat (« Catwoman » n’est venu que par la suite) et portait un masque de chat mais pas véritablement un costume de super-criminelle. C’est le cas aussi de cette seconde Cat même si sa combinaison d’aviatrice lui donne un look plus action. En 1946 Catwoman n’était pas un personnage si régulier que ça dans les titres Batman et Detective Comics. Elle avait du faire en tout et pour tout une demi-douzaine d’apparitions en six ans. Elle n’est vraiment devenue régulière qu’à partir de la fin 1946, quelques semaines après la parution de cet Adventure Comics #104. On comprendra donc qu’en écrivant son script l’auteur pouvait penser que son « emprunt » passerait inaperçu mais qu’inversement, quelques mois plus tard, avec le brusque regain de popularité de la vraie Catwoman, cette autre femme-chat adversaire de Green Arrow aurait fait double emploi. Néanmoins il ne faut jamais jurer de rien dans l’univers des comics et même les plus anodins des personnages reviennent parfois des décennies plus tard (qui plus est avec les multiples reboots de DC Comics qui remettent parfois sur scène des créations anciennes). Si d’aventure un jour vous tombez sur une pseudo-Catwoman qui tient une clé anglaise, tenez vous le pour dit !
[Xavier Fournier]
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