Oldies But Goodies: Batman #16 (Avril 1943)
3 août 2013[FRENCH] Batman et Robin sont souvent surnommés le Dynamic Duo. Il faut dire que pendant des années ils furent les deux seuls éléments principaux de leurs aventures, leur entourage se limitant essentiellement au Commissaire Gordon qui les convoquait souvent pour leur confier des enquêtes. En dehors de ça ? Rien. Pas de famille, pas d’amis… Jusqu’à l’arrivée d’un certain… Alfred Beagle ?
Largement inspiré du Shadow et d’autres héros de romans populaires, Batman se distingue de ces glorieux modèles par le fait qu’il est moins social (en tout cas dans les premières décennies). Le Shadow, Doc Savage, The Avenger et les autres sont souvent tacitement entourés d’une armada d’amis, d’alliés, d’experts ou d’informateurs. Dans les comics du Golden Age, par contre, les histoires étaient considérablement plus courtes que ce qu’on pouvait trouver dans un roman. Il y avait moins de place pour des rebondissements et pour des interventions de nombreux personnages secondaires. Créé en 1939 comme un héros solitaire, Batman avait été rejoint par le jeune Robin mais… c’était à peu près tout. L’univers de Bruce Wayne s’arrêtait une fiancée assez vite escamotée, Julie Madison. Pas de famille (et pour cause : c’est elle que Bruce Wayne devait venger), pas d’employés ou de proches en dehors de Dick Grayson (Robin). Bien qu’il paraisse être un richissime playboy, Wayne ne semblait même pas avoir la moindre femme de ménage. On pourra toujours imaginer que, dans l’esprit des scénaristes de l’époque, c’était logique : Bruce Wayne avait besoin d’être libre de ses allées et venues pour protéger son identité… Et pas spécialement d’avoir quelqu’un dans les pattes.
Pourtant dès la couverture de Batman #16, on sent bien que quelque chose se trame. Dans une attitude traditionnelle pour eux, Batman et Robin prennent une position défensive. Une accroche proclame « Surprise ! Quelqu’un découvre les vraies identités de Batman et Robin ! Qui peut-il être ? ». Au demeurant la chose n’est forcément si terrible qu’il y parait. En 1943, on avait déjà vu divers personnages secondaires découvrir l’identité de héros majeur. La chose s’organisait le plus souvent en deux catégories : 1) la dulcinée qui réalise soudain que son bellâtre de fiancée est en fait un super-héros (mais comme nous l’avons dit en 1943 Batman n’avait plus de dulcinée fixe qui aurait pu se retrouver dans cette situation). 2) Le ou la criminelle qui va découvrir accidentellement l’identité secrète mais va mourir avant la fin de l’épisode (et souvent en se rachetant dans une forme de sacrifice). Là pour le coup Batman avait déjà connu cet archétype à travers la Queen of Diamonds, une sorte de Catwoman du pauvre qui, tombée amoureuse de Bruce Wayne, s’était sacrifiée pour sauver Batman quand elle avait réalisé qu’ils n’étaient qu’une seule et même personne. Voilà pourquoi, même si on leur promettait que le secret serait dévoilé, les jeunes lecteurs de Batman n’avaient pas forcément de raison de penser que la série serait changée à jamais par les événements de ce numéro.
A l’intérieur, on ne perd pas de temps pour nous décrire la situation. Le commentaire d’introduction est clair : « Deux, c’est parfais pour une équipe de combattants. Mais trois ça devient trop la foule dans le cas de Batman et Robin. Et quelle foule quand le troisième larron est le gentleman singulier que vous allez rencontrer ! Débarquant au milieu de la violence après avoir traversé plusieurs océans, attirant de manière nonchalante les ennuis partout où il va, cet étonnant bonhomme va donner au plus grand duo de combattants du crime de l’Amérique une surprise mémorable ! Et ils ne l’en apprécieront que plus ! Vous n’avez jamais rencontré quelqu’un comme lui, mais vous serez pressés de le revoir ! Et maintenant prenez place pour « Voici Alfred ! ». Si vous pensiez que l’Alfred en question est un grand bonhomme maigre, reconnaissable à sa petite moustache, vous avez… perdu ! Au contraire le personnage qu’on nous montre est plutôt rond, joufflu, plongé dans un manuel de détective et portant une pipe et une casquette qui sont des allusions manifestes à Sherlock Holmes.
Tout commence alors qu’un bateau arrive à Gotham, après avoir traversé l’océan. Ce n’est pas forcément une mince affaire, en 1943, alors que les U-Boats nazis tirent sur les navires des nations alliées. Deux compagnons de voyage se disent alors au revoir, après avoir passé beaucoup de temps ensemble pendant la traversée de l’Atlantique. Le premier est un certain Gaston Leduc (dont on déduira qu’il est français) tandis que l’autre est un inconnu qui se fait apostropher pas l’employé des douanes, alors qu’il trouve dans ses bagages un livre pour être « détective en dix leçons faciles ». Alors l’inconnu serait un limier. Il répond que oui et qu’en plus il se débrouille pas mal du tout. D’ailleurs pendant toute la traversé il a observé Leduc et il est convaincu qu’il y a quelque chose de louche à propos de lui. Il se dit d’ailleurs que, pour en avoir le cœur net, il ferait mieux de le suivre.
Pendant ce temps, ailleurs dans le port, installés dans une voiture, trois individus à l’air patibulaire attendent quelqu’un. Et comme en plus comme ils ont tous les trois l’arme à la main, on comprend vite qu’il s’agit de tueurs de la pègre… qui ignorent qu’eux-mêmes sont surveillés. A quelques mètres de là, Batman et Robin se sont cachés en se demandant ce que Manuel Stiletti (une fameuse crapule) et ses hommes sont venus faire là. Arrive alors le limier rondouillard qu’on a observé plus tôt. Tout seul dans la brume, il réfléchit : « J’ai déjà deux ans de retard. Ca n’a donc pas d’importance si je prends une heure ou deux de plus pour suivre Leduc et satisfaire ma curiosité ! ». Mais Stiletti frémissent en voyant la valise du limier : « C’est lui ! Regardez sa valise ! Il ne nous échappera pas ! ». Les trois truands sautent hors de leur voiture et ordonnent à l’homme de leur remettre sa valise. Sinon il sera abattu comme un chien ! ». D’abord surpris, l’inconnu se sert de sa valise comme d’une masse et donne des coups avec : « J’ai bien peur que vous deviez attendre que j’ai terminé mon livre ! » Batman et Robin décident qu’il est temps d’intervenir et viennent au secours de l’homme seul. Là, Stiletti et sa bande paniquent. Ils sautent dans leur voiture et déguerpissent. Robin demande à ce qu’on les pourchasse… Mais Batman lui explique qu’avant qu’ils retournent à la Batmobile les malfrats seront loin. Avec un accent anglais à couper au couteau, l’homme remercie alors « mister Batman » et « Maître Robin » de l’avoir aidé. Il s’estime leur débiteur et promet de les récompenser pour leur chevalerie.
Batman, curieux, commence à lui demander ce que cette bande lui voulait. Mais l’homme n’a pas d’indice particulier. Il sait juste que, visiblement, on en voulait à sa valise : « Mais il n’y avait rien de valeur à l’intérieur et ils auraient été bien pris à leur propre blague s’ils s’en étaient emparé ! » Robin objecte que ça n’aurait rien d’une blague s’ils l’avaient tué pour obtenir ce qu’ils voulaient. Expliquant qu’il est lui-même un criminologue amateur, l’inconnu propose alors d’aider les deux héros pendant son temps libre. Batman et Robin, pas spécialement pressés d’avoir quelqu’un dans les pattes, bredouillent alors qu’ils ont leurs propres méthodes et qu’un « talent frais » risquerait de les bousculer dans leurs habitudes. Batman prend alors congés en expliquant qu’il n’aura qu’à les appeler s’il veut discuter un jour. Et les deux héros s’éclipsent… en ayant bien pris de ne pas donner à leur interlocuteur un moyen de les contacter. On comprend qu’ils ne souhaitent pas spécialement que cet amateur joue les pots de colle. Mais de toute manière l’homme lui-même leur dit qu’il a une affaire urgente à régler.
Revenus au Manoir Wayne, Bruce Wayne et Dick Grayson commencent à se changer, se préparant pour aller dormir. Dick félicite son mentor de s’être débarrassé de l’inopportun en lui conseillant de les appeler alors qu’ils n’ont pas pignon sur rue. Batman rit « Peut-être qu’il s’imagine qu’il est assez malin pour nous trouver » ! Quand tout à coup… on sonne à la porte. Dick plaisante alors, explique que ce sont sans doute des amis « oiseaux de nuit » de Bruce (pas spécialement une référence à ses collègues super-héros à une époque où la continuité n’était pas très présente, mais sans doute plutôt une allusion à la jet-set que fréquente Wayne quand il est « en civil »). Et sur le porche se tient… l’homme à la valise ! Celui qu’ils sont sauvés plus tôt ! Bruce et Dick sont heureusement en pyjamas mais ils sont sidérés. Comment les a t-il retrouvé ?
Mais la vérité est toute autre. L’homme pose sa valise et explique : « Quelle épreuve ça a été pour arriver jusqu’ici, Monsieur Wayne ! Il a été nécessaire d’attendre un an qu’un navire parte d’Angleterre. Et celui que j’ai pris a d’abord fait le tour par l’Océan Indien ! J’ai pris deux autres bateaux qui ont été torpillés puis j’ai survécu en dérivant sur un radeau ! Mais ma plus mémorable expérience est arrivée il y a moins d’une heure, quand des brutes m’ont attaquées et que Batman & Robin les ont mis en fuite ! ». Dick réalise soudain, en l’entendant parler de Batman & Robin à la troisième personne… « Mais alors, vous ne savez pas que… ». Bruce le fait taire et l’empêche ainsi de faire une gaffe. Visiblement l’homme ne sait pas qu’ils sont les deux super-héros. Sa présence ici est d’un autre ordre. L’inconnu continue : « J’ai toujours admiré Batman comme un frère criminologue… Mais, le croiriez-vous, quand il m’a demandé de l’appeler, j’ai oublié de lui demander ses coordonnées ! ». Bruce et Dick se regardent d’un air entendu, encore heureux qu’ils ne l’ont pas donnée, l’adresse…
Mais ça n’explique pas qui est l’homme à la valise. Et Bruce, maintenant, se fait pressant. Que fait-il chez eux à cette heure ? Et puis d’ailleurs quel est son nom ? L’autre répond : « Vous pouvez m’appeler Alfred ! Je suis votre nouveau majordome ! ». Un domestique ? Mais Bruce Wayne n’en a pas employé depuis des années et il n’en veut pas ! Dick renchérit : « Nous avons réalisé que nous pouvions très bien nous débrouiller sans aucun serviteur ». Alfred insiste : « Ce sera un peu bizarre au début mais vous vous habituerez à moi. Vous devez vous souvenir de mon père, Jarvis, qui a été le majordome de votre propre père pendant des années. Le cœur du pauvre homme a été brisé quand j’ai renoncé à la tradition familiale pour devenir comédien de music-hall ! ». Bruce Wayne murmure : « Alors vous êtes le fils de ce bon vieux Jarvis ? Comment va-t-il ? ». Alfred explique son père est décédé : « Et sur son lit de mort il m’a fait promettre de changer de vie et de venir dans votre maison, en Amérique. Donc vous voyez, même si vous ne voulez pas de moi, c’est inévitable ! ». Impossible, en effet d’aller à l’encontre d’une promesse faîte à un mort. Alfred, dans sa tenue de domestique, annonce qu’il est tard et qu’il va aller faire les lits afin que ses deux maîtres puisse aller se coucher. Le Manoir Wayne a donc de nouveau un majordome !
Une fois qu’Alfred a tourné les talons, Dick laisse échapper « Et dire que je croyais avoir tout vu ! ». Puis, il profite de ce moment où il est seul avec Bruce « … Mais nous ne pouvons pas permettre qu’il s’amuse à jouer les limiers amateurs ici ! S’il trouvait notre laboratoire secret et le tunnel qui mène au hangar du Batplane, il saurait vraiment l’identité de Batman et Robin ! ». Bruce acquiesce : « Tu as raison, mais je n’ai pas le cœur de le renvoyer ce soir. Je trouverais quelque chose dans la matinée ! ». Mais l’aube n’est pas levée qu’un trio patibulaire se présente devant la demeure Wayne. Et nous ne pouvons que les reconnaître : Il s’agit des trois crapules qui ont tendu un piège à Alfred au port. Stiletti fulmine : « Il est impensable… que nous échouions ! Si nous ne récupérons pas la valise ce soir, des millions de dollars nous glisseront entre les doigts ! ».
Bientôt Bruce Wayne est réveillé par un faisceau de lumière : Une alarme silencieuse qu’il a installé pour se prévenir des cambrioleurs, au cas où quelqu’un tenterait de s’introduire par les fenêtres les plus faciles d’accès. Sans perdre de temps Bruce commence à enfiler son costume de Batman. Il est bientôt rejoint par Dick « Oh, tu es réveillé ! Mon alarme anti-voleur s’est déclenchée et je voulais vérifier que tu savais. Et je vois que c’est le cas ! ». Batman se fait directif : » Prend ton uniforme, au cas où nous devrions sortir. Et n’oublions pas que nous devrons fournir une explication sur la présence de Batman et Robin ici, si nous ne voulons pas trahir notre identité ! ». Mais pendant ce temps Alfred ne dort pas. Il est tellement heureux d’avoir pris ses fonctions qu’il fait du zèle. Il est occupé à classer de vieux journaux qui traînent dans la demeure. Alfred rumine « Monsieur Wayne est une bonne personne mais un célibataire typique ! Regardez tous ces journaux, vieux de plusieurs semaines, qui n’ont pas été balancé… Mais attendez cette photo… ». En parcourant le journal, Alfred reconnaît Gaston Leduc, son compagnon de voyage, identifié dans l’article comme étant le Duc de Dorian, un des premiers à avoir fuit l’invasion nazie (comprenez l’invasion de la France).
Alfred est pourtant surpris par l’arrivée du gang de Stiletti, qui jubile « Alors… Tu voulais nous échapper ! Tu ne pensais pas que nous allions te suivre, hein ? ». Alfred est alors devant un choix cornélien, s’il résiste il risque de réveiller ses maîtres… Et un bon majordome ne peut pas laisser cela arriver. Stiletti reprend : « Il n’y a plus de Batman pour te sauver maintenant, crétin d’anglais ! Mène nous à ta valise avant que mon doigt s’impatiente sur la gâchette ! ». Sous la contrainte, Alfred emmène le gang jusqu’à sa chambre et leur montre sa valise. Les trois malfrats jubilent « Le trésor est à nous ! ». Le majordome est surpris : « Je savais que cette valise était vieille, mais je n’aurais jamais pensé que c’est une antiquité de valeur ». Mais les bandits font mine de déchirer les parois de la valise. Et, là, le sang de l’anglais ne fait qu’un tour : « C’est déjà assez mauvais en soi de voler, mais c’est carrément criminel de détruire quelque chose qui peut encore servir ! ». Le sens pratique d’Alfred et sa haine du gâchis font que cette fois il s’anime, il rebiffe… et Stiletti ordonne qu’on se débarrasse de lui.
C’est à ce moment que Batman surgit dans la pièce et s’élance sur les truands, tout en prenant soin de ménager une sorte de comédie destinée à éloigner les soupçons du domestique. Batman s’exclame donc « Sales meurtriers ! Vous n’aviez pas pensé que j’avais pu vous suivre, pas vrai ? ». S’en suit un combat à mains nues (encore que les gangsters, sales tricheurs qu’ils sont, tentent bien sur de sortir un couteau), dans lequel Robin prend vite part. Ne se sentant plus en position de force, Stiletti et sa bande sautent alors à travers une fenêtre. Enfin presque toute la bande puisque l’un d’entre eux reste évanoui sur le sol. Batman et Robin d’ordonner à Alfred de le ligoter puis se précipitent à la Batmobile pour tenter de rattraper le reste des malfrats. Pendant cette scène, Alfred, tout content d’être à nouveau devant son idole, tente vainement de lui demander son adresse. Bientôt, Batman et Robin ont disparu à la poursuite du gang et, en dehors d’Alfred et du prisonnier, la maison est vide. Sauf qu’Alfred ne le sait pas. Par la force des choses il est convaincu que Bruce Wayne et Dick Grayson sont encore dans leurs chambres. Il décide donc d’aller voir si tout va bien et s’ils n’ont pas été dérangés par le bruit…
On aura compris qu’Alfred ne peut pas les trouver… Et pour cause ! Ils sont dans la Batmobile ! Mais ça il l’ignore : « Maître Dick n’est pas dans sa chambre… Et Monsieur Bruce a disparu également ! Voici un mystère digne de grands talents ! Je vais consulter mon manuel de détective et… » Mais Alfred est interrompu. Dans sa précipitation de prendre des nouvelles de ses maîtres, il a totalement oublié de ligoter le bandit comme Batman le lui avait demandé. Et le voilà réveillé, prêt à en découdre, le couteau à la main ! Un nouveau combat s’engage. Le domestique tente de donner un coup de poing à son adversaire. Il le manque et frappe un bouclier qui décore un des murs. Heureusement pour Alfred, le lourd bouclier se décroche et tombe sur la crapule, l’assommant au passage. Mais ce n’est pas tout… En se décrochant le bouclier est aussi tombé sur un interrupteur actionnant un passage secret. Alfred le remarque immédiatement : « Bon sang ! Un panneau coulissant et un escalier caché ! Ça me rappelle ce qu’on peut trouver dans les vieux châteaux anglais ! ».
Piqué par la curiosité, le majordome descend l’escalier et découvre dans le sous-sol (la Batcave classique telle qu’on la connaît n’a pas encore été inventée)… un laboratoire de criminologie et un tunnel menant à un autre endroit, un hangar où il découvre… un avion avec des ailes en forme de chauve-souris : « Ce doit être le fameux Batplane dont j’ai tant entendu parler ! Je pense que je suis sur le point de faire une étonnante déduction… Il n’y a pas de doute : Monsieur Bruce Wayne est Batman tandis que le jeune maître est Robin ! Comme je suis malin de l’avoir découvert ! Et qu’ils ont de la chance d’avoir un homme aussi doué que moi à leur service ! ». En fait Alfred n’a rien « déduit » bien sûr et ce bouclier a fait tout le travail en actionnant le passage. Il aura fallu attendre qu’Alfred soit pratiquement le nez sur le Batplane pour qu’il comprenne.
Pendant ce temps Batman et Robin ont poursuivi le reste de la bande jusque dans leur refuge, un théâtre abandonné. Mais quand les deux héros montent sur la scène déserte, à la recherche de leurs proies, ils sont pris pas surprise. Les deux gangsters restants se sont installés en hauteur et lancent sur eux des contre-poids et des cordes. Batman et Robin sont à la fois assommés et pris dans les câbles. Stiletti jubile et s’apprête à les supprimer mais son comparse le retient en lui expliquant que ce sera plus facile s’ils les tuent au même moment où ils vont se débarrasser des corps. Ils attachent donc les deux super-héros (en prenant le soin de les bâillonner pour qu’ils ne puissent pas appeler à l’aide) et les hissent en hauteur, de manière à ce qu’ils ne puissent se libérer. Mais ils ne les achèvent pas. Ils décident d’aller chercher le « troisième homme », le propriétaire de la valise. Ils les tueront tous les trois ensemble et mettront ensuite le feu au théâtre. Mais à la sortie de l’immeuble, ils tombent sur leur complice, qui a réussi à s’échapper de Wayne Manor. A nouveau entier, le gang décide donc d’aller cherche leur cible.
Mais alors que leur voiture démarre, ils ne se doutent pas qu’ils ont été observés. Alfred est sur les lieux. Il a laissé le troisième malfrat s’échapper en toute connaissance de cause, en déduisant qu’il suffirait de le suivre pour retrouver le reste de la bande : « Batman et Robin doivent se trouver à l’intérieur et je ferais mieux de leur montrer que je suis à la hauteur ! ». Mais quand il arrive sur la scène du théâtre… il ne voit rien. Normal : les deux héros sont attachés en hauteur, perchés dans les mécanismes de la salle. Il faudrait volontairement lever la tête en cherchant à les cherchant la-haut pour pouvoir les y voir. Et comme ils sont bâillonnes, ils ne peuvent se manifester autrement qu’en se balançant et en faisant du bruit avec les cordes. Un signal qu’Alfred interprète de manière bien particulière : « Quel est ce bruit ? Ça ne peut pas être un autre fantôme venu pour me hanter ? ». Batman augmente donc le balancement de plus en plus de manière à ce que la corde qui pend aille frapper Alfred. Dans un premier temps le domestique croit être attaqué par un esprit frappeur mais quand il lève les yeux au ciel il comprend enfin de quoi il retourne.
Pendant ce temps la bande de Stiletti a trouvé sa cible. Et ce n’est pas Alfred. Au contraire c’est Gaston Leduc le compagnon de voyage du domestique qui les intéresse. Ils le surprennent dans son sommeil, alors qu’ils lui volent de précieux bijoux qu’il détenait jusque là. Leduc implore : « Non, vous ne devez pas prendre les joyaux de la couronne ! Je les ai amené ici pour obtenir des finances pour mon gouvernement en exil ! ». Autrement dit Leduc n’est pas un malfaiteur mais une sorte d’argentier pour une organisation qui ressemble fortement à la France libre. Une distinction qui n’émeut pas Stiletti : « Bah. Que nous importe ton gouvernement ? ». Ils assomment Leduc et le charge dans leur voiture, reprenant la route du théâtre où ils veulent le tuer en même temps que Batman et Robin. Mais quand ils arrivent, bien sûr, les choses ne se passent pas vraiment comme prévu. Batman et Robin, libérés par Alfred, leur sautent dessus. Et le majordome, lui, a pris place derrière les commandes du machiniste, s’arrangeant pour le lourd rideau tombe sur Stiletti et ses hommes. Bien vite la bande est capturée et le Duc de Dorian est libéré…
Alfred insiste alors pour élucider le mystère. Il explique que le Duc a sans doute amené en Amérique les joyaux de la couronne de son pays pour financer les activités de son gouvernement mais que la pègre, d’une façon ou d’une autre, l’a appris. Le cheminement de l’histoire qui fait que la bande devait courir après Alfred pour mettre la main sur Leduc restera lui, plus mystérieux. Il y a sans doute une question d’inversion de valises que le scénario a oublié de nous préciser. Gaston Leduc remercie chaleureusement le domestique : « Et dire que je me suis moqué de toi quand tu m’as dit que tu étais un détective amateur ! ». Intérieurement Robin ressent la même chose, se souvenant s’être moqué d’Alfred. Le lendemain soir Bruce Wayne est en train de lire le journal, qui explique comment le « majordome des Wayne » a résolu l’affaire. Mais Bruce n’est pas convaincu, comme il l’explique à Dick : « Alfred est très fier de lui puisque nous lui avons laissé tout le crédit pour cette affaire. Je pensais réellement qu’il avait fait un bon boulot de détective. Mais il apparaît qu’il a récolté toutes ses informations par accident ! ».
Bruce est un peu injuste pour le coup, car le fait de laisser partir le troisième gangster pour mieux le suivre (ce qui a quand même permis de sauver Batman & Robin) n’a rien d’un coup de chance. Pour le reste il est vrai qu’Alfred est un être maladroit et poursuivi par un curieux mélange de chance et de malchance (on pourrait le comparer à Hurley dans le feuilleton Lost), dont il tire généralement le meilleur parti. Dick Grayson, lui, est rassuré qu’Alfred ne soit pas un si bon détective que çà : « Pendant un moment j’ai été inquiet qu’il découvre qui nous sommes. Mais si nous faisons attention, il n’y a pas de risque à le laisser travailler ici, puisqu’il n’est pas très malin ! ». On le voit, les deux héros n’ont pas une haute estime de leur valet. Mais la situation va changer… dès la case suivante.
Alfred fait irruption dans la salle, tenant dans ses bras les costumes de Batman et Robin : « Je vous demande pardon… Vous allez avoir besoin de sortir et j’ai pensé que je ferais mieux d’avancer vos uniformes ! ». Bruce et Dick sont surpris… Et surjouent même la surprise en laissant entendre qu’ils ne voient pas le rapport entre ces uniformes et eux. Alfred tire alors les rideaux qui masquaient la fenêtre et montre : « Le Bat-Signal s’est déclenché il y a quelques secondes. Je crois que cela veut dire que la police a besoin des services de Batman ! ». Dick tente encore de jouer l’imbécile « Le signal ? Mais qu’est-ce que ça a à voir avec nos ? ». Alfred insiste : « Vous oubliez mes capacités de déduction ! Je sais depuis la nuit dernière que vous êtes Batman et Robin. Mais je n’avais pas de raison de le mentionner jusqu’à maintenant ! ». En quelques sortes pris la main dans le sac, Dick se retourne vers Bruce « Quelque chose me dit que j’avais tout faux quand j’ai parlé il y a une minute ! ».
Finalement Alfred aide donc ses employeurs a enfiler leurs costumes. Batman insiste : « Et bien te voici l’un d’entre nous Alfred ! J’espère que tu réalise que si jamais tu manque de discrétion, la vie de Robin et la mienne seraient en danger. Les criminels ne tarderaient pas à nous trouver ! ». Alfred rassure. Bien sûr qu’il comprend et qu’ils peuvent compter sur lui. En partant à bord du Batplane, les deux héros se font une raison : « Alfred peut être utile. Il a sauvé nos vies dans le théâtre. Il doit être plus malin que nous le pensions pour avoir su deviner notre secret ! ». Resté seul au Manoir Wayne, Alfred reconnaît à voix haute qu’il a manqué d’honnêteté : « Ils sont si impressionnés par moi, ça ne le ferait pas si je leur apprenais maintenant que j’ai appris leur identité par pure chance ! Mieux vaut de rester mystérieux et de ne rien dire ! ».
Et la dernière phrase de l’épisode promet : « Gardez un œil sur Alfred ! Vous n’avez pas fini de le voir ! ». Et c’est le moins qu’on puisse dire puis qu’ainsi une part essentiel du Bat-Mythe vient d’arriver dans la série. Invention du scénariste Don Cameron, Alfred (dont le nom complet sera d’abord Alfred Beagle) sera d’abord un élément comique de la série. Ce personnage rondouillard, éternel maladroit et source à embrouilles, ressemble un peu à un rôle secondaire qui se serait échappé des pages des Pieds Nickelés. Mais il semble que Cameron lui-même n’avait pas en tête un personnage si ridicule. Ou que quelqu’un, chez DC, trouvera (non sans raison) que cet Alfred à la silhouette ronde porte à confusion avec le personnage du Pingouin, adversaire de Batman. Quelques mois plus tard on mettra donc en place un véritable lifting organisé, dans lequel Alfred part en vacances et se soumet à un strict régime, revenant maigre et portant désormais la moustache. Plus tard, on changera également son nom de famille, qui deviendra Pennyworth. Sa passion pour Sherlock Holmes et son insistance à aider Batman et Robin sur le terrain sont deux tendances qui perdureront pendant des années. Ce n’est que bien plus tard, au terme d’une évolution s’étalant sur les années 60 et 70 qu’on changera drastiquement l’histoire d’Alfred pour situer bien plus tôt son arrivée dans la vie de Bruce, faisant de lui une sorte de père de substitution du jeune héritier Wayne, avant même que ce dernier ne devienne Batman. A plus forte raison parce que la plupart des versions modernes de l’origine de Batman font d’Alfred Pennyworth un personnage autrement plus compétent que ce qu’on avait pu voir en 1943. Désormais ancien membre des forces spéciales, Alfred est souvent à la base même de l’entraînement de Bruce. Bref, voici un élément qui a commencé comme une sorte de faire-valoir clownesque et qui est devenu, par la suite, une partie intégrante de la famille de Batman. Au point qu’on se souvient rarement des débuts difficiles d’Alfred dans l’univers du héros…
[Xavier Fournier]
Heu, Batman #16 si je m’en tiens à la couverture (et non pas #13).
Non. Batman #16 si on s’en tient *au titre de l’article et à la majeure partie des références contenues dans l’article*. La seule référence à un 13, au fond, dans un coin, est une coquille évidente mais il n’y a pas besoin de réinventer la poudre pour voir les références au 16.
Ha oui, pas fait attention au titre et lu la coquille en premier.
Et pourtant si on l’écrit en plus gros et qu’on le place en premier il y a une raison 😉
On peut aussi préciser que le Alfred originel a fait un rapide retour durant l’évènement Zero Hour, il me semble. Il remplace Pennyworth le temps d’un épisode suite aux modifications du temps.
« Ce sera un peu bizarre au début mais vous vous habituerez à moi. Vous devez vous souvenir de mon père, Jarvis… »
Serait-ce l’origine de Jarvis, majordome des Vengeurs ?
Je doute que l’allusion soit voulue. C’est sans doute plus que « Jarvis » a une tonalité très « domestique ». Le rapprochement Jarvis/Alfred est venu bien plus tard, au moment de Teen Tony, quand on nous a expliqué d’un coup que Jarvis avait veillé sur Stark depuis l’enfance, ce qui le rapprochait de ce qui s’écrivait sur Alfred depuis les années 70.