Oldies But Goodies: Green Lantern #32 (Oct. 1964)

[FRENCH] Dans les années 60, la mythologie de Green Lantern (Hal Jordan) n’était pas encore totalement formée. Le héros ne rencontrait que très rarement ses « patrons » (les Gardiens de l’Univers) et les interventions avec ses collègues, les Green Lanterns d’autres mondes, n’intervenaient qu’avec parcimonie. Il n’y avait pas de Green Lantern Corps au sens où on l’entend aujourd’hui. Hal ne pouvait compter sur une armée de porteurs d’anneaux en cas de besoin. Est-ce à dire pour autant que l’univers ne pouvait pas compter sur une équipe de super-héros pour la protéger ?

Dans le courant des années 50, l’éditeur DC avait mis au point une technique qui visait à attirer l’attention du lecteur avec des couvertures qui mettaient en scène les héros dans des positions de plus en plus insolites. L’idée n’était pas de placer le suspens au niveau de l’issue d’un combat mais bien d’intriguer les observateurs avec des scènes spectaculaires. Si on voulait savoir pourquoi l’ultra-rapide Flash avait d’un seul coup une tête déformée ou pourquoi Superman s’était transformé en lion (et par quelle astuce le personnage retrouverait son état normal), il fallait acheter le numéro. Cette manière d’appater le lecteur était tellement au centre des préocupations des responsables de DC que bien souvent l’éditeur commandait d’abord l’illustration de couverture en dictant une scène à l’artiste… Laissant ensuite au scénariste le soin (ou plus exactement l’impératif) d’écrire une histoire qui, à l’intérieur, justifierait cette image et lui trouverait une solution. La couverture de Green Lantern #32 (dessinée, comme l’intérieur du numéro, par Gil Kane) est assurément un pur produit de cette philosophie, alors que le héros est aspiré par la batterie de puissance qui lui sert d’habitude à recharger son anneau vert. Son ami Pieface tente visiblement de le retenir mais rien n’y fait, dans quelques secondes Hal Jordan aura visiblement disparu à l’intérieur de la batterie. Mais pourquoi ? Comment ? On verra cependant que ce n’est pas le point d’orgue de cette histoire…

« Power Battery Peril ! » (« le péril de la batterie de puissance) commence a peu près par cette scène. Green Lantern est en train de recharger son anneau dans un hangar de la société Ferris Aircraft (compagnie possédée par la belle Carol Ferris et pour laquelle Hal Jordan travaille à l’époque). Le super-héros doit s’acquitter de ce rituel de rechargement toutes les 24 heures sous peine que son anneau tombe en panne. Bien sûr, Green Lantern s’arrange pour ne pas être vu du reste du personnel de Ferris car il n’a pas envie qu’on sache qu’il est en réalité Jordan. Mais son ami Thomas Kalmaku (surnommé « Pieface ») est dans la confidence depuis un moment déjà et s’est toujours montré digne de son secret. Green Lantern peut donc procéder au cérémonial devant lui sans la moindre retenue, récitant son serment alors qu’il place la bague contre la batterie… Mais cette fois quelque chose tourne mal. La main du héros s’évapore, comme si elle était transformée en fumée que la batterie se dépécherait d’aspirer. Bientôt, c’est tout le corps de Green Lantern qui est avalé par l’engin, alors que (comme on pouvait le voir sur la couverture) Thomas Kalmaku tente sans succès de retenir son ami. Bientôt il ne reste qu’un vague panache de fumée verte. Hal Jordan a disparu dans la batterie de puissance…

Passée cette scène déjà annoncée par la couverture, c’est maintenant que les choses sérieuses commencent. Réduit à l’état de halo lumineux, Green Lantern est alors projeté en dehors du hangar, vers le ciel, toujours sans avoir son mot à dire. Il voyage à une vitesse plusieurs fois supérieure à celle de la lumière, change de système solaire et retrouve son intégrité corporelle alors qu’il arrive en vue d’un satellite de la planète Thronn, orbitant autour de l’étoile Rhythrum. Green Lantern s’écrase alors contre la seule structure qu’on puisse trouver à la surface du satellite, une sorte de grand bloc de cristal. Mais le plus bizarre reste encore que l’anneau de puissance du héros continue d’opérer sans qu’il lui ordonne.

Au lieu de l’intelligence artificielle habituellement en charge de l’anneau, Green Lantern entend la voix d’un autre être : « Je suis Energiman. Je te parle télépathiquement à travers ton anneau. Apprends, Green Lantern, que sur la planète Thronn (dont cecu est la lune-prison Memal) j’étais un super-être capable de transformer mon corps humain en différents types d’énergie. Apprend aussi que d’autres super-êtres existaient sur Thronn, formant avec moi une équipe d’honneur (NDLR: en VO « Honor Team »), pour combattre le mal et l’injustice. Il y avait, entre autres, Golden Blade, Strong Girl et Magicko… ». Pendant les explications d’Energiman, des images se forment (sans doute elles aussi émisent télépathiquement par l’interlocuteur de Green Lantern). On découvre ainsi la « forme humaine » d’Energiman (avec une boîte cranienne énorme et des yeux également démesurés) et deux de ses formes énergiques. Si l’une resemble à une sorte de boule de foudre, l’autre à l’apparence d’une grande flamme verte, sans doute assez proche de l’énergie émise par l’anneau de Green Lantern pour que le héros de Thronn puisse en prendre le contrôle. On découvre aussi les autres membres de l’équipe mentionnée par Energiman. Si Magicko a une apparence assez passe partout pour un magicien, Strong Girl et Golden Blade pourraient passer pour des variations de héros Marvel ou DC. La chose est encore plus marquée pour Golden Blade qui, mis à part son casque, a de faux airs de l’Exécuteur asgardien, un ennemi du Thor marvellien.

Energiman continue son exposé : « Nombreux furent nos succès contre toutes les formes de mal ! Comme protecteurs et défenseurs de notre monde nous étions toujours triomphants jusqu’à la venue de Vant Orl ! ». L’image montre alors une hideuse créature bleue, une grande tête monstrueuse pourvue de nombreuses tentacules. On peut voir Vant Orl neutraliser un à un les héros de Thronn avec des pièges différents. Energiman reprend : « Dans la brève période de 100 chron-units, nous, qui n’avions jamais connus la défaite, reposions sans défense devant l’extra-terrestre qui avait envahit notre planète ». Assez bizarrement Vant Orl décide de ne pas de suprimer les héros mais de les emprisonner dans un prisme spécial, réputé sans issue. Et le dit prisme est placé sur la lune-prison. Autant dire que les quatre héros, maintenus dans une sorte d’hibernation, n’ont aucune chance de s’évader…

Jusqu’au jour où, dans son semi-sommeil, Energiman sent une soudaine surcharge dans son corps énergétique vert (Vant Orl a eut la curieuse idée de l’enfermer en lui laissant sa forme la plus puissante). Quelque part dans l’univers, quelqu’un ou quelque chose est en train d’utiliser la même onde d’énergie que lui. Projetant une partie de son être à travers l’espace-temps, Energiman réalise que la personne qui utilise la même énergie que lui est, vous l’aurez deviné, Hal Jordan. Quand à savoir exactement pourquoi Energiman n’est attiré que par ce seul Green Lantern alors qu’il y en a alors 3599 autres dans l’univers… On n’a pas vraiment d’explication, si ce n’est qu’à l’époque la mention des autres Lanterns est, comme nous le disions plus tôt, moins systématique que de nos jours. Hal Jordan était, pour DC, LE Green Lantern tandis que les autres habitaient sans doute à l’autre bout de l’univers, bien trop loin pour que leur présence soit considérée autrement que comme une excéption. Mis en présence d’Hal, Energiman est cependant encore trop faible pour signaler sa présence. Il commence alors à siphonner un peu de l’énergie de l’anneau à chaque fois que le héros procède à son rituel de rechargement. Energiman détermine alors qu’il lui faudra 100 charges avant d’avoir assez de pouvoir pour amener Green Lantern sur son monde (ce qui signifie que le héros de Thronn reste plus d’un trimestre à observer Jordan avant de pouvoir se manifester). Mais pendant tout ce temps Energiman n’a pas informé ses co-équipiers de son choix. Car il savait que la dépense d’énergie nécessaire pour amener Hal sur Memal serait plus grande que les 100 mini-charges qu’il avait siphonné ces derniers mois. En fait Energiman a sacrifié sa propre énergie vitale… et après toutes ces explications, sa voix s’estompe… Il est mort pour sauver ses camarades et arrêter Vant Orl.

Hal tente d’abord de briser le prisme où sont retenus les autres super-êtres de Thronn. Mais sans résultat. La matière dont est faite la prison (et qui n’est pourtant pas jaune, seul point faible connu des Green Lanterns) est assez dense pour résister à l’anneau de puissance. Puis Hal change d’approche : « Si je ne peux libérer ces super-êtres pour faire équipe avec eux contre Vant Orl, je le combattrait seul ! ». Puis Hal se lance dans un vibrant hommage à Energiman : « Même si tu as donné ta vie pour tes gens et que tu ne peux plus m’entendre, je te jure ceci ! Tu n’es pas mort en vain ! Je ferais tout en mon pouvoir pour libérer ton monde de l’usurpateur, Vant Orl ! ». Sans perdre de temps Green Lantern quitte la lune Memal pour se rendre sur Thronn. Mais visiblement lui parler à travers son anneau est une sorte de passe-temps local : Vant Orl s’adresse à Hal à travers son bijou. Visiblement il a senti son approche et se vante d’être capable de le vaincre aussi facilement que lorsqu’il a capturé les autres « super-êtres ». Green Lantern en déduit alors que le cerveau de Vant Orl doit « être réglé sur la même fréquence que celle utilisée par mon anneau pour fonctionner ». Rapidement le héros voit apparaître devant lui ce qu’il reconnaît comme un gigantesque atome d’oxygène. Tournoyant à toute vitesse autour de l’atome, les électrons géants sont comme autant de projectiles. Pire : l’anneau d’Hal ne lui obéit plus ! Il lui faut faire d’énormes efforts de concentration pour arriver, in extremis, à mettre au point une parade et détourner les électrons.

Très vite le héros comprend le problème : « Il semble que je doive me battre contre mon anneau de puissance aussi bien que contre ces particules atomiques ! ». Cependant, à force de volonté, Hal Jordan arrive à repousser ce premier piège. Son triomphe est cependant de courte durée. Une autre menace envoyée par Vant Orl ne tarde pas de se manifester : un gigantesque tourbillon qui aspire Green Lantern ! « Je continue de donner des ordres à l’anneau… Mais il met tant de temps à… obéir ! ». Après avoir échappé de justesse au tourbillon, Hal souffle quelques secondes et inspecte son anneau : « Je ne l’utilise pas en ce moment… mais il continue de luire, tout comme il l’a fait depuis que j’ai essayé de briser le prisme sur Memal. Mon anneau est sous l’influence de quelqu’un d’autre… Bien sûr ! Vant Orl ! Il ne se contente pas de l’utiliser pour communiquer avec moi mais aussi pour ralentir son fonctionnement grâce à son redoutable pouvoir de volonté ! ». Comme pour mieux le narguer, la voix de Vant Orl s’élève à nouveau : « Je commence à m’ennuyer dans ce jeu que je joue avec toi, Green Lantern ! Je te donne une dernière chance… Puis ensuite j’arréterais le jeu… avec ta défaite totale ! ».

La menace suivante prend la forme d’un souffle puissant. Contre toute attente Hal Jordan ne fait pas mine de résister. Au contraire il laisse le souffle le projeter dans un buisson proche : « Je sais déjà que Vant Orl ne peut lire mon esprit sinon il aurait contrecarré la manière dont je me suis tiré de ses atomes géants et de sa tornade spatiale ». Hal s’empare alors d’une feuille jaune : « Il peut projete ses messages télépathiques vers moi mais il est incapable d’apprendre ce que je pense. Donc… Il ne sait pas que mon anneau a une faiblesse… le jaune ! Puisque les pensées de Vant Orl émettent sur la même fréquence que mon anneau… Elles sont aussi affectées par la même couleur et ne peuvent atteindre mon anneau pour l’affecter ! ». En plaçant la feuille jaune entre son anneau et la forteresse où se cache Vant Orl, Hal arrive ainsi à couper le contact entre le télépathe et l’anneau, qui cesse de luire. Du coup, Green Lantern retrouve sa pleine puissance… Et il faut croire que Vant Orl ne se rend compte de rien à distance…

Quelques instants plus tard, c’est un Hal Jordan en pleine forme qui arrive à la forteresse de Vant Orl et le capture sans problème après avoir détruit l’édifice. L’extra-terrestre est une sorte de pieuvre humanoïde qui ne semble pas représenter une grande menace sur le plan physique. Mais la défaite n’empêche pas Vant Orl de narguer son adversaire : « Tu as gagné… et tu as perdu ! La seule machine qui pouvait ouvrir le prisme qui emprisonne les super-héros de Thronn a été détruite en même temps que ma forteresse ! Maintenant ils ne seront jamais libres ! ». Mais Jordan refuse de se laisser abattre : « Nous les Green Lanterns ne renonçons jamais ! Parce que j’ai failli une fois cela ne veut pas dire que j’échouerais encore ! Je sais que quand j’ai utilisé mon anneau de puissance la première fois tu sappais déjà ma volonté ! ». Bien vite, Green Lantern redécolle vers Memal, remorquant derrière lui son prisonnier.

Devant le grand bloc, Hal tente une nouvelle fois d’utiliser l’anneau mais on ne voit pas d’effet visible. Vant Orl est hilare… mais il a parlé trop vite. La lumière verte est effectivement arrivée à bout de la surface, qui s’écroule dans un grand tonnerre. Les membres de la Honor Team de Thronn sont enfin libres ! Immédiatement les trois héros remercient Green Lantern mais celui-ci leur explique que le vrai héros c’est Energiman, qui s’est sacrifié pour eux. Bien vite, Hal enferme Vant Orl dans un prisme semblable à la prison qui enfermait encore récemment les héros et c’est le temps des explications. D’un côté la Honor Team est curieuse de savoir ce qu’est un « Green Lantern » (visiblement c’est la première fois qu’ils en recontrent un) et de l’autre Hal leur apprend que c’est le sacrifice d’Energiman qui a permis de les sauver.

En fait, Hal explique qu’il y a tellement de secteurs dans l’espace qu’il en reste certains où les Gardiens de l’Univers n’ont pas encore eu l’occasion de sélectionner un Green Lantern. Il promet alors d’en parler à ses patrons la prochaine fois qu’il se trouvera en leur présence et qu’il leur demandera d’installer un Lantern pour le secteur de Thronn. Strong Girl, qui est visiblement la plus loquace (et peut-être la cheftaine ?) du groupe trouve alors que ce serait une splendide idée, que le nouveau Green Lantern pourrait alors remplacer Energiman dans leur équipe… Et bien vite Hal Jordan s’envole vers une autre mission (et sans doute vers Thomas Kamalku pour le rassurer sur son sort).

La Honor Team est l’une des premières équipes extra-terrestres à apparaître dans l’univers DC du Silver Age, bien avant les Omega Men ou les R.E.B.E.L.S. A l’époque l’éditeur préférait le plus souvent insister sur la prédominance de la Justice League of America dans son univers. Si une autre planète était dans le besoin, elle appelait à l’aide les terriens de la JLA. Honor Team est, dans ce sens, une rareté, l’histoire allant jusqu’à donner à Strong Girl et aux autres le titre de « super-héros »… En plus d’un Green Lantern qui restait à nommer, les trois autres membres ressemblaient assez à des archétypes tenant autant au super-héroïsme qu’à de l’Heroic Fantasy (la guerrière, le porteur d’épée et le magicien…). Qui plus est, Energiman avait précisé qu’ils n’étaient que quelques-uns des membres de Honor Team (les autres étaient-ils en mission ailleurs dans l’univers ?). Ce qui fait qu’un scénariste qui aurait voulu s’en donner la peine avait là le noyau d’une équipe de type JLA/Avengers basée dans l’espace. Golden Blade était assimilable à une sorte de Black Knight et d’une certaine manière Strong Girl portait un uniforme dont le schéma de couleurs était celui du costume originel de Ms. Marvel mais en inversé (bien que ni le Black Knight/Dane Whitman ou Ms. Marvel n’existent à l’époque, la ressemblance était donc totalement accidentelle). Un ou deux autres membres plus un Green Lantern pouvait ainsi donner à Honor Team la consistance d’une équipe de taille à se joindre à de futurs crossovers… Malheureusement le groupe fut aussi vite inventé qu’oublié et on n’en entendit plus jamais parler.

De la même manière Vant Orl, malgré son apparence assez classique d’envahisseur tentaculaire mériterait de réapparaître. Pensez : un extra-terrestre capable de prendre télépathiquement le contrôle d’un anneau de Green Lantern ? Mieux : dans cet épisode il perdait finalement parce qu’il ignorait totalement que l’anneau était affaibli par la couleur jaune. Mais dans l’univers DC moderne, la faiblesse jaune, liée à l’entité Parallax, n’existe plus que dans les anneaux des Lanterns en formation. La plupart des Green Lanterns ne craignent plus le jaune. Dans ce contexte, si Vant Orl refaisait surface, il ferait sans doute un malheur parmi les rangs du Green Lantern Corps… Qui justifierait sans doute le retour de la Honor Team, équipe injustement oubliée, pour donner un coup de main…

[Xavier Fournier]
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