L’histoire de Captain Commando commence à la page 28 de Pep Comics #30. Un personnage masqué, habillé dans un costume patriotique, encourage quatre garçons vers « la Victoire et la Liberté ». Au titre de la série (« Captain Commando And The Boy Soldiers »), on devine que le quatuor est appelé à devenir les « Boy Soldiers » en question. Mais pour l’heure ils ne le sont pas encore. Le jeune américain Billy Grayson (hum ? un cousin de Dick Grayson), l’anglais Gerald Sykes, le français Armand De Latour et le norvégien Erik Jansen forment une bande « internationale » de copains comme les comics de l’époque les aiment bien. On sent l’influence de groupe comme les Young Allies. Mais pour l’instant les quatre enfants n’en sont pas à se prendre pour des héros de guerre. Ils sont en train de lire les exploits de leur héros, Captain Commando, dans le journal. L’article dit que le personnage masqué prépare une prochaine expédition (mais comment le journal le saurait-il ?) et que du coup les Nazis ont doublé leurs forces sur les côtes.
Les enfants continuent de passer en revue les exploits de Captain Commando et Billy Grayson raconte comment le héros s’est illustré à Saint-Nazaire, sauvant le bataillon du père du jeune homme. Erik, lui, soupire en pensant au bien que pourraient faire les soldats norvégiens s’ils étaient aidés par Captain Commando (bien que l’angle ne soit pas exploré, il semblerait que « Cap C » soit surtout actif en France si l’on en croit le CV rapidement exposé).
Finalement les quatre garçons se disent qu’eux aussi se doivent de se comporter en héros… Et qu’ils devraient s’engager dans les commandos (les vrais, ceux de l’armé). Bien sûr aucun des personnages n’a l’air de s’interroger sur le fait qu’ils sont un peu jeunes pour aller sur le front. A la rigueur entrer dans une école militaire, OK, mais les commandos, pour une bande de gosses d’environ 12 ans… Mais eux suivent leur plan et Billy doit bientôt aller annoncer à son père leur décision. Monsieur Grayson (montré comme un oisif en train de s’aérer dans son salon et de parler sur la météo) est absolument furieux quand il entend parler de cette affaire. Pour lui les commandos sont assoiffés de sang, « sans aucune considération pour la vie humaine ». Le propos est assez curieux pour l’époque car on imagine que la tendance était plutôt d’aller dans le sens de l’armée américaine… Dépité, Billy sort de la pièce tandis que son père pense en son fort intérieur que le jeune garçon a honte de lui… mais qu’il doit tout faire pour que le projet d’enrôlement du fiston échoue (Papa Grayson n’a pas l’air non plus de douter un instant que les commandos vont embaucher un enfant d’une douzaine d’années). Un jour, se doit Mister Grayson, il comprendra la vérité. Alors peut-être qu’il comprendra. Mais pour l’instant l’homme doit vivre avec son secret, même si pour autant Billy doit le mépriser…
D’ailleurs ça ne manque pas. Billy court rejoindre ses amis, leur explique que son père s’oppose à son départ mais qu’il s’en moque, que personne ne lui dira quoi faire… Ensemble ils vont au bureau de recrutement et là, enfin, ils tombent sur un militaire qui a deux sous de logique. Ce dernier leur explique qu’à la rigueur l’armée peut avoir besoin d’un jeune norvégien qui pourrait leur servir de guide. Mais que les trois autres n’ont pas leur place dans un régiment de commandos. Billy, qui est visiblement le chef de la bande, invente alors un plan: laisser Erik rejoindre les commandos comme guide de manière à ce qu’il apprenne où et quand les commandos partiront. Les trois autres pourront ainsi partir en passagers clandestins. Ils arrivent effectivement à embarquer en douce sur un bateau mais sont très vite surpris par un soldat, malheureusement après qu’ils aient quittés le port. Les marins passent l’information à leur supérieur hiérarchique qui va aussi tôt prévenir le capitaine de l’intrusion de ces quatre clandestins. Mais si en lisant « capitaine » vous imaginiez un vieux marin barbu, vous vous trompez : le capitaine en question, c’est Captain Commando, qui visiblement à un grade reconnu par l’armée (à la différence de Captain America pour lequel le grade à toujours eut des accents honorifiques).
Alors qu’il va entrer dans la pièce où sont les quatre enfants, Cap C reconnait par l’entrebâillement de la porte son fils et ses trois amis (car si vous ne l’aviez pas compris, Captain Commando est en fait Grayson père). Son fils ! Captain Commando explique alors au lieutenant qui l’accompagne qu’il ne peut entrer dans la pièce ! Il serait vite reconnu ! Il commence donc à se changer pour monter un stratagème. Visiblement Mr. Grayson a une définition assez atypique de l’identité secrète du super-héros masqué. C’est à dire que si on aura compris qu’il ne veut absolument pas que son fils le reconnaisse, il n’est pas le moins du monde gêné à l’idée de se démasquer et de se changer devant le lieutenant…
Dans l’autre pièce, Billy colle son oreille et reconnait… une voix familière ? Quand la porte s’ouvre, Billy découvre effectivement son père, en civil, qui lui explique qu’à cause de la météo si chaude il avait décidé de prendre l’air du côté des docks et que les commandos l’ont arrêté en le prenant pour un espion. Le lieutenant (dans la combine) explique alors qu’il le croit peut-être (vu que le fils est là pour le reconnaître) mais qu’il pensait que tous les vrais hommes étaient désormais engagés, en uniforme. Pour Billy (et ses amis) c’est la honte, la preuve est faîte une nouvelle fois que Mr. Grayson est un lâche. Même l’armée le dit…
Là il se passe quelque chose d’assez bizarre, une sorte d’ellipse qui fait qu’on passe directement de l’arrivée du Captain à la prison… à la scène de départ, où les commandos s’éloignent victorieux (finalement Captain Commando n’aura pas été montré en train de décocher le moindre coup de poing à l’ennemi, même si on comprendra qu’il a agit « hors caméra). Dans le bateau, les quatre Boy Soldiers discutent. L’un d’entre eux dit qu’il aimerait quand même bien savoir qui est Captain Commando en vérité. Billy, lui, a d’autres choses à faire et s’éclipse…
Il retrouve Captain Commando sur le pont et demande à lui parler. Mais le héros (ayant peur d’être reconnu à travers son masque) lui tourne le dos en lui disant qu’il est occupé. Billy rétorque alors « Trop occupé, même pour me parler à moi, papa ? ». Surpris Captain Commando se retourne: « Tu sais qui je suis ? ». Et Billy explique que, bien sûr, il serait capable de reconnaître son père à travers n’importe quel déguisement. Le héros explique qu’il est désolé, qu’il devait garder le secret mais que maintenant Billy doit promettre de n’en parler à aucune personne. Ce qui est bizarre quand même car souvenons-nous du fait que Cap C n’avait aucun mal à se démasquer devant le lieutenant…
Et le bateau prend alors la route de l’Angleterre, après que Captain Commando ait expliqué à son fils qu’ils ont encore une longue lutte devant eux… En bas de la dernière case, un commentaire demande au lecteur s’il a déjà rejoint les Boys Soldiers of America et que dans le cas contraire il peut le faire en remplissant un coupon contenu dans la même revue. Car l’idée est la même que pour les Young Allies : mettre en scène un club fictif de jeunes garçons que le lecteur peut par la suite rejoindre, moyennant quelques cents…
Bien sûr, on ne peut s’empêcher de voir la ressemblance entre Captain Commando et Captain America ainsi que le rapprochement entre Billy Grayson et Bucky (le jeune pupille de Cap. America). Captain Commando est même, à ma connaissance, la plus proche copie du héros patriotique de Marvel/Timely comics. Mais il ne s’agit que d’une sorte de juste retour des choses. Captain America était lui-même lourdement inspiré du Shield originel (dont nous avons déjà parlé ici), publié dans Pep Comics à partir de 1939. Joe Simon et Jack Kirby avaient fait des « emprunts » conséquents pour créer leur propre personnage. l’éditeur de Pep pouvait donc de manière très compréhensible s’estimer floué. C’est dans ces conditions que démarra Captain Commando, dans un contexte où Marvel/Timely pouvait difficilement menacer d’un procès. Dans ce cas-là, l’éditeur concurrent n’aurait sans doute pas manqué de lancer une procédure réciproque pour prouver que Captain America était pour une bonne partie une copie du Shield. On pu voir Captain Commando dans les pages de Pep Comics jusqu’en 1946, où ses dernières aventures furent raconté sur le ton de « maintenant que la guerre est terminée, nous pouvons vous raconter ces dossiers jusqu’ici tenus secrets ». A l’évidence il s’agissait d’épisodes produits avant la fin de la guerre et qu’on avait reformulé comme des « dossiers déclassifiés ». Mais sans la guerre, John Grayson (Captain Commando) et les Boys Soldiers n’avaient plus la même pertinence. Bizarrement, dans les années 60, alors qu’Archie Comics relançait le Shield et les autres super-héros de la firme dans l’idée d’émuler un peu le ton des Marvel Comics de Stan Lee, Captain Commando ne fut pas utilisé de manière notable. Sans doute que le rapport de force n’était plus le même et que là Archie avait peur d’être accusé de plagiat. Dans les années 90, les personnages Archie passant brièvement sous licence de DC Comics dans la gamme Impact, on revit un Captain Commando réinventé pour l’occasion… mais son apparence avait énormément changé (son costume ressemblant plus à une sorte d’armure était marron et bleu nuit) de façon à ce que le rapport avec Captain America ne soit plus si évident. Avec les super-héros Archie qui devraient bientôt faire leur retour chez DC, sous la houlette de J.M.S. peut-être peut-on espérer voir ce pseudo-Captain America faire son apparition dans l’univers DC ? Allez savoir…
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