Dire que Captain Freedom était une copie de Captain America, c’est d’un côté souligner une évidence mais de l’autre méconnaître les nombreuses racines du personnage… Et le fait que lui aussi a fait l’objet d’emprunts… Ayant débuté en mai 1941 (dans Speed Comics #13), Captain Freedom fut effectivement l’un des premiers personnages à suivre la mode patriotique lancée par l’apparition du Shield originel et boostée par la création de Captain America. Freedom était dans le civil un certain Don Wright, le propriétaire d’un journal qui non seulement était secrètement un super-héros masqué mais qui avait également pris sous son aile une bande de jeunes livreurs/vendeurs de journaux surnommés les Young Defenders. La profession de Don Wright était sans doute inspirée par le Green Hornet qui, dans la vie civile, était également le dirigeant d’un journal. La première conséquence de la création de Captain Freedom fut une sorte de réponse publiée par Timely/Marvel quelques semaines plus tard dans les pages de U.S.A. Comics… Un épisode initialement prévu pour Captain America fut redessiné de manière à ce que le protagoniste principal ressemble finalement plus à Captain Freedom qu’à America. Le héros, ainsi reformulé, s’appelait désormais Don Stevens (même prénom que Freedom) et son nom de code était le Defender (nom semblable aux alliés de Freedom). Timely avait sans doute publié le Defender pour limiter un peu la marge de Harvey et de son Captain Freedom. Ou bien Timely s’était fait refiler par ces auteurs un personnage semblable à quelque chose qui existait déjà sans le remarquer… Il n’y avait pas que Timely qui avait des visées sur ce type de héros. En 1942 Joe Simon et Jack Kirby vendraient à DC Comics les aventures du Guardian et de la Newsboy Legion, un super-héros qui servait de tuteur à… une bande de jeunes vendeurs de journaux. Bref, l’air de rien notre Captain Freedom est déjà en lui-même un maillon intéressant mais méconnu dans l’histoire des héros patriotiques.
Tout à coup une explosion ravage une partie de l’édifice. Don Wright se rue vers la plus proche cabine téléphonique et s’y change (selon une méthode immortalisée par Clark Kent/Superman). Bien sûr, Captain Freedom qui en émerge mais il a profité des spécificités de l’endroit et a gardé aux pieds ses patins à roulettes. Il rattrape ainsi sans problème les saboteurs. L’ennui c’est que monté sur patins il va bien plus vite qu’il pensait. Captain Freedom s’écrase contre un mur et quand il revient à lui… Les malfrats sont loin. A la sortie, les Young Defenders attendent Don Wright (ils ignorent qu’il est Captain Freedom). Ils aperçoivent alors un célèbre racketteur sortir du bâtiment mais ne s’en étonnent pas. Après tout, même s’il est un racketteur, peut-être qu’il aime les patins ? Quand Don Wright apparaît, il a encore mal à la tête du choc qu’il vient de subir. Il donne congés aux jeunes, en leur conseillant d’aller écrire leur page…
Revenu chez lui sans se douter de ce qui se passe, Don Wright réfléchit aux événements de la journée et retombe sur les caractères d’imprimerie. Beanie ne lui a jamais menti jusqu’ici. Alors d’où viennent ces caractères ? Petit à petit, le héros reconstitue le puzzle… et se rue au repaire de Brown, où il découvre que ses jeunes amis sont retenus prisonniers. Bien sûr, les poings de Captain Freedom y mettront vite de l’ordre. Vainqueur, le héros explique aux enfants que la société de Monsieur Brown était en fait une façade pour une imprimerie clandestine à la solde des Japonais, leur servant à diffuser de la propagande à l’intérieur des USA. Voilà pourquoi Brown ne voulait pas attirer l’attention… Satisfaits, les Young Defenders se demandent alors quelle autre conspiration ils démasqueront la prochaine fois… Et Captain Freedom en a déjà mal à la tête d’avance…
Une histoire sympathique mais elle est loin d’être aussi spectaculaire que la couverture, qui montre Captain Freedom harnaché avec des réacteurs dorsaux, avec une sorte d’énorme porte-avions volant en guise de décor. Il faut dire qu’à l’époque beaucoup d’éditeurs pratiquaient ce qu’il était convenu d’appeler « The Story Behind The Cover ». C’est-à-dire que pour des questions de délais la couverture était conçue séparément du contenu et qu’on demandait à quelqu’un de rédiger une nouvelle pour justifier cette image qui ne correspondait à aucune aventure… C’est bien cette image qui a retenu mon attention plutôt que les mésaventures de Captain Freedom monté sur patin à roulettes. Car elle participe à la même école de gigantisme aérien que je mentionnais déjà il y a quelques mois (lors d’un précédent sujet sur Human Torch), gigantisme qui fait le lien entre les inventions littéraires à la Jules Vernes et…
Bien sûr, la base volante ressemble plus à l’héliporteur en termes de concept plus que sur le plan visuel. Mais la ressemblance est renforcée par l’apparition de ce héros patriotique sur la couverture (sachant que Captain America fut très associé avec le S.H.I.E.L.D., voici une image qui évoque la même ambiance près de 20 ans plus tôt) et de son harnais à réaction qui est très semblable, lui, à celui que Nick Fury utilisera des années plus tard au sein du S.H.I.E.L.D. Et puis il y aussi comme un petit écho des aventures du Rocketeer… Voilà pourquoi il aurait été dommage de ne parler que de l’affaire des patins à roulettes (encore que je n’ai pas le souvenir d’autres héros patriotiques s’essayant aux rollers) sans évoquer « The Story Behind The Cover »…
[Xavier Fournier]
P.S.: Demain, un autre Oldies But Goodies…
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