Oldies But Goodies: Speed Comics #41 (Jan. 1946)

[FRENCH] Il suffit de le voir pour comprendre que Captain Freedom fait partie des nombreuses imitations de Captain America pendant la guerre. La carrière du principal super-héros patriotique de Harvey Comics dura cependant près de 6 ans et dans certaines de ses aventures on croise parfois, sans doute par coïncidence, des éléments qu’on retrouvera plus tard chez Marvel. Ou même plus tôt que tard…

Dire que Captain Freedom était une copie de Captain America, c’est d’un côté souligner une évidence mais de l’autre méconnaître les nombreuses racines du personnage… Et le fait que lui aussi a fait l’objet d’emprunts…  Ayant débuté en mai 1941 (dans Speed Comics #13), Captain Freedom fut effectivement l’un des premiers personnages à suivre la mode patriotique lancée par l’apparition du Shield originel et boostée par la création de Captain America. Freedom était dans le civil un certain Don Wright, le propriétaire d’un journal qui non seulement était secrètement un super-héros masqué mais qui avait également pris sous son aile une bande de jeunes livreurs/vendeurs de journaux surnommés les Young Defenders. La profession de Don Wright était sans doute inspirée par le Green Hornet qui, dans la vie civile, était également le dirigeant d’un journal. La première conséquence de la création de Captain Freedom fut une sorte de réponse publiée par Timely/Marvel quelques semaines plus tard dans les pages de U.S.A. Comics… Un épisode initialement prévu pour Captain America fut redessiné de manière à ce que le protagoniste principal ressemble finalement plus à Captain Freedom qu’à America. Le héros, ainsi reformulé, s’appelait désormais Don Stevens (même prénom que Freedom) et son nom de code était le Defender (nom semblable aux alliés de Freedom). Timely avait sans doute publié le Defender pour limiter un peu la marge de Harvey et de son Captain Freedom. Ou bien Timely s’était fait refiler par ces auteurs un personnage semblable à quelque chose qui existait déjà sans le remarquer… Il n’y avait pas que Timely qui avait des visées sur ce type de héros. En 1942 Joe Simon et Jack Kirby vendraient à DC Comics les aventures du Guardian et de la Newsboy Legion, un super-héros qui servait de tuteur à… une bande de jeunes vendeurs de journaux. Bref, l’air de rien notre Captain Freedom est déjà en lui-même un maillon intéressant mais méconnu dans l’histoire des héros patriotiques.

Mais bref, ici c’est la rubrique « Oldies But Goodies », pas le « Héros Oublié » et l’objet du jour est donc Speed Comics #41 (publié en 1946, alors que l’Amérique était encore en guerre contre le Japon). Dans cet épisode Don Wright fait fièrement visiter son imprimerie aux Young Defenders. Mais ceux-ci ne sont pas impressionnés. Eux, ils n’aiment pas lire les journaux. Il n’y a tout simplement pas de pages pour les jeunes… Ce qui donne à Don Wright une idée : leur confier la rédaction d’une page faite par des jeunes, pour les jeunes. Les Young Defenders acceptent mais… se demandent vite comment remplir leur page. Heureusement Beanie  (le plus reconnaissable des Defenders, puisqu’il est chauve et a un crane tout en hauteur) a une idée. Un nouveau parcours de patins à roulettes vient d’ouvrir. Il suffit d’aller y faire un reportage. Bien sûr Don Wright les accompagne… Le directeur de l’endroit, Monsieur Brown, est heureux de voir arriver Wright mais semble un peu méfiant quand il apprend que ce sont les enfants qui vont rédiger l’article. Il n’a pas tout à fait tort puisque l’instant d’après il devient manifeste que les Young Defenders ne sont pas aussi experts sur des patins à roulettes qu’ils le pensaient. Beanie finit par heurter Monsieur Brown et dans la mêlée Don Wright trouve par terre des caractères d’imprimerie. Beanie les aurait-il volé au journal ? Beanie proteste et nie. Brown explique que ça ne peut lui appartenir et Wright continue de questionner Beanie, en se demandant s’il ne ment pas…

Tout à coup une explosion ravage une partie de l’édifice. Don Wright se rue vers la plus proche cabine téléphonique et s’y change (selon une méthode immortalisée par Clark Kent/Superman). Bien sûr, Captain Freedom qui en émerge mais il a profité des spécificités de l’endroit et a gardé aux pieds ses patins à roulettes. Il rattrape ainsi sans problème les saboteurs. L’ennui c’est que monté sur patins il va bien plus vite qu’il pensait. Captain Freedom s’écrase contre un mur et quand il revient à lui… Les malfrats sont loin. A la sortie, les Young Defenders attendent Don Wright (ils ignorent qu’il est Captain Freedom). Ils aperçoivent alors un célèbre racketteur sortir du bâtiment mais ne s’en étonnent pas. Après tout, même s’il est un racketteur, peut-être qu’il aime les patins ? Quand Don Wright apparaît, il a encore mal à la tête du choc qu’il vient de subir. Il donne congés aux jeunes, en leur conseillant d’aller écrire leur page…

Mais les Young Defenders se demandent comment faire. Beanie a alors une idée : ils font forcément incorporer une BD dans la page et il n’y a qu’à romancer les événements de la journée. La BD racontera une histoire de terrain de patins à roulettes racketté par le gangster (Heist Hogan) qu’ils ont aperçus. Mais quand le journal parait, la pègre locale est sidérée… Par accident les enfants ont raconté strictement ce qui s’est passé ! Et inversement Don Wright, en lisant la BD, saisit qui étaient les malfaiteurs qui lui ont échappé plus tôt. Les bandits convergent vers le QG des enfants mais heureusement Captain Freedom aussi. Tout ça se termine dans une bagarre généralisée mais Freedom arrive bien sûr à l’emporter. Seulement voilà, quand Captain Freedom confronte Heist Hogan à Monsieur Brown, ce dernier prétend ne l’avoir jamais vu de sa vie. Et le super-héros est obligé de laisser Hogan partir… Pendant ce temps Beanie profite du fait qu’ils sont revenus sur le parcours de patin pour s’entraîner un peu mais dans son élan passe à travers un mur… ou une porte secrète ? Les hommes de Brown l’attrapent et décident même d’emprisonner tous les Young Defenders, décidément trop curieux…

Revenu chez lui sans se douter de ce qui se passe, Don Wright réfléchit aux événements de la journée et retombe sur les caractères d’imprimerie. Beanie ne lui a jamais menti jusqu’ici. Alors d’où viennent ces caractères ? Petit à petit, le héros reconstitue le puzzle… et se rue au repaire de Brown, où il découvre que ses jeunes amis sont retenus prisonniers. Bien sûr, les poings de Captain Freedom y mettront vite de l’ordre. Vainqueur, le héros explique aux enfants que la société de Monsieur Brown était en fait une façade pour une imprimerie clandestine à la solde des Japonais, leur servant à diffuser de la propagande à l’intérieur des USA. Voilà pourquoi Brown ne voulait pas attirer l’attention… Satisfaits, les Young Defenders se demandent alors quelle autre conspiration ils démasqueront la prochaine fois… Et Captain Freedom en a déjà mal à la tête d’avance…

Une histoire sympathique mais elle est loin d’être aussi spectaculaire que la couverture, qui montre Captain Freedom harnaché avec des réacteurs dorsaux, avec une sorte d’énorme porte-avions volant en guise de décor. Il faut dire qu’à l’époque beaucoup d’éditeurs pratiquaient ce qu’il était convenu d’appeler « The Story Behind The Cover ». C’est-à-dire que pour des questions de délais la couverture était conçue séparément du contenu et qu’on demandait à quelqu’un de rédiger une nouvelle pour justifier cette image qui ne correspondait à aucune aventure… C’est bien cette image qui a retenu mon attention plutôt que les mésaventures de Captain Freedom monté sur patin à roulettes. Car elle participe à la même école de gigantisme aérien que je mentionnais déjà il y a quelques mois (lors d’un précédent sujet sur Human Torch), gigantisme qui fait le lien entre les inventions littéraires à la Jules Vernes et… l’héliporteur du S.H.I.E.L.D.  Cette fois la « Story Behind The Cover » (expédiée en deux pages) est assez sommaire. Don Wright est dans son bureau en train d’expliquer aux Young Defenders qu’il ne peut interrompre son travail pour prendre le temps de s’occuper d’eux. Un célèbre avion a en effet disparu sans laisser de trace. Tout le monde en parle. Mais la discussion s’arrête quand un homme les interpelle depuis l’autre côté de la fenêtre. L’ennui c’est que le bureau de Don Wright se trouve… au soixantième étage ! L’homme (qui peut apparemment vole), le professeur Hugarb, leur explique alors qu’il est venu les prévenir du « leur » plan. Le plan de qui ? Hugarb n’a pas le temps de le dire, il est abattu… Don Wright fouille alors le cadavre et découvre le harnais qui permettait au professeur de voler dans les airs. Il trouve aussi sur lui une carte aérienne montrant le parcours de l’avion disparu. Sans perdre de temps Wright sort de son bureau sans que les Young Avengers aient compris ce qui se passe. Sur le toit, Wright enfile sa tenue de Captain Freedom mais s’équipe aussi du harnais de Hugarb, ce qui lui permet de s’envoler dans les airs. Mais comme il a oublié dans le bureau la carte aérienne, Captain Freedom redescend la chercher. Les enfants ne se doutent pas qu’il s’agit de Don Wright. Captain Freedom propose donc à deux des Young Defenders de l’accompagner en s’accrochant à lui. Ils volent pendant des heures en suivant la piste de l’avion jusqu’à ce qu’ils soient attaqués par d’étranges avions. Et là, pour le coup, ce sont les enfants qui aident Captain Freedom puisque l’un d’entre eux tire sur les avions avec son lance-pierre. Risible ? Peut-être d’habitude mais le jeune défenseur ne tire pas avec des cailloux mais… des grenades. Effet dévastateur garanti ! Ils finissent par trouver la base de départ des avions, un énorme engin (celui vu sur la couverture) maintenu en l’air par deux fusées. Il appartient en fait à des pirates du ciel qui ont torturé le professeur Hugarb pour s’approprier sa technologie puis capturer des avions. Captain Freedom et les deux Young Defenders n’ont pas grand mal à attaquer cette base volante et à libérer les passagers retenus en otage et tout rentre donc dans l’ordre…

Bien sûr, la base volante ressemble plus à l’héliporteur en termes de concept plus que sur le plan visuel. Mais la ressemblance est renforcée par l’apparition de ce héros patriotique sur la couverture (sachant que Captain America fut très associé avec le S.H.I.E.L.D., voici une image qui évoque la même ambiance près de 20 ans plus tôt) et de son harnais à réaction qui est très semblable, lui, à celui que Nick Fury utilisera des années plus tard au sein du S.H.I.E.L.D. Et puis il y aussi comme un petit écho des aventures du Rocketeer… Voilà pourquoi il aurait été dommage de ne parler que de l’affaire des patins à roulettes (encore que je n’ai pas le souvenir d’autres héros patriotiques s’essayant aux rollers) sans évoquer « The Story Behind The Cover »…

[Xavier Fournier]

P.S.: Demain, un autre Oldies But Goodies…

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