Oldies But Goodies: Sub-Mariner Comics #33 (Avril 1954)

[FRENCH] Créé par Bill Everett en 1939 dans les pages de Motion Picture Funnies Weekly puis récupéré quelques semaines plus tard par Marvel Comics, Namor le Sub-mariner est assurément une des principales figures dès qu’il s’agit de super-héros aquatiques (précédant même le fameux Aquaman). Son origine est bien connue car d’emblée elle a fait l’objet de deux versions (une dans Motion Picture Funnies, une autre dans Marvel Comics #1) basées sur un même tronc commun de pages. Par contre on oublie souvent la version bien plus complète que Bill Everett en donna quelques années plus tard, à partir de 1954. C’est un peu « l’origine oubliée » du Prince Namor.

En 1953, après quelques années pendant lesquelles Marvel/Atlas Comics avait tourné le dos à sa première génération de super-héros, l’éditeur décida soudainement de les ramener. La petite histoire veut que Martin Goodman et ses équipes aient décidé de valoriser à nouveau le cheptel de héros Marvel en raison de l’énorme succès du feuilleton télévisé Adventures of Superman, utilisant le personnage majeur du concurrent DC Comics. Goodman était en discussion pour caser les droits de certains des super-héros qui auraient pu devenir l’objet de feuilletons concurrents. Captain America, Human Torch et Sub-Mariner sortirent furent donc tirés de la naphtaline et relancés en fanfare. Sauf qu’il fallait bien sûr expliquer aux jeunes lecteurs de 1953 (qui n’étaient pas nés en 1939 ou même en 1941= qui diable pouvaient être Human Torch ou Captain America. Young Men #24, la revue qui ramena les trois têtes d’affiche, s’employa donc à non seulement justifier le retour des héros mais à expliquer comment, au début, ils avaient pu apparaître. Alors que Captain America et Bucky reprenaient du service pour affronter un certain Red Skull, ils prirent donc soin de se remémorer les circonstances qui avaient fait de Steve Rogers un super-soldat, le poussant à devenir un héros masqué. Pour Human Torch aussi on évoqua le passé (d’ailleurs en le modifiant en plusieurs points, un peu comme si Marvel avait voulu se garder un droit d’inventaire et optimiser, version Ultimate, l’origine du héros incendiaire). Sub-Mariner ? C’était une toute autre paire de manches.

Dans Young Men #24, il était avant tout et surtout rappelé par son amie Betty Dean pour enquêter sur une étrange affaire. On expliquait qu’il avait passé les dernières années dans son royaume mais si vous n’aviez pas accès aux épisodes des années 40, vous étiez bien en peine de deviner ses origines, l’étendue de ses pouvoirs ou même ce qu’était son royaume (à plus forte raison parce que c’est n’est qu’à partir des années 60 que Marvel utilisa le mot Atlantis pour cet endroit). Bill Everett avait relancé sa création sans trop se poser de questions sur ce que le lecteur pouvait savoir ou pas… L’histoire n’était pas incompréhensible pour autant. Mais il est certain que le fan de Sub-Mariner avait sans doute plus de questions que celui d’Human Torch ou de Captain America… Passé Young Men #24, Marvel redonna aux trois héros leurs séries individuelles et il semble que le premier objectif de Sub-Mariner #33 était de combler la lacune. D’où le titre, « L’origine de Sub-Mariner », pour une version rénovée est détaillée des débuts du héros. Bill Everett avait une quinzaine d’années de métier de plus, il avait plus de recul et il se lança donc dans ce qu’on pourrait qualifier de « version longue » de la genèse de Namor.

D’emblée, l’auteur nous explique que « la première fois où Sub-Mariner a attiré l’attention des gens de la surface, c’est quand une expédition polaire a jeté l’ancre dans les eaux froides de l’Antarctique ! Leur mission était de récupérer la cargaison précieuse d’un navire coulé quelques années plus tôt, pendant le naufrage d’une précédente expédition… ». Mais assez vite l’équipage est déçu par sa quête. Le plongeur, Nelson, explique au Second du navire qu’ils ont bien trouvé l’épave mais qu’elle a été comme nettoyée, comme si quelqu’un était passé avant eux. Et un indice leur laisse à penser qu’on les a précédé il n’y a pas longtemps : Il y avait dans l’épave un couteau qui n’avait pas eu le temps de rouiller. Mais le second doute que ce soit le cas. D’après lui aucun autre navire n’est venu dans la région depuis au moins trois ans. Et l’être humain le plus proche se trouve à des milliers de kilomètres de là. Finalement le Second va demander son avis au capitaine (qu’on ne voit pas) et revient en ordonnant aux hommes de plonger à nouveau. A défaut de récupérer une cargaison qui n’est plus là, il s’agit au moins de savoir ce qui s’est passé et comment ils ont pu se faire doubler. Les hommes enfilent donc les lourds scaphandres d’époque et disparaissent à nouveau sous l’eau.

Les deux plongeurs ont d’emblée un très mauvais pressentiment qui s’accentue quand ils remarquent qu’une porte de l’épave est grande ouverte alors qu’elle était fermée lors de leur précédent passage. Le premier plongeur cherche une explication logique. Peut-être que c’est le courant qui l’aura ouverte ? Mais son collègue n’est pas de cet avis « pas possible : j’ai vérifié toutes les portes et celle-ci était fermée… De l’intérieur ! ». Mais les deux hommes ne sont pas au bout de leurs surprises puisqu’ils aperçoivent d’un coup… Une silhouette humaine. Un cadavre ? Non. Car le corps s’anime. Les habitués des comics auront reconnu (même s’il est de dos) le jeune Namor (alias Sub-mariner) et de ce fait tout à fait capable de respirer sous l’eau. Mais ça, les plongeurs ne peuvent le savoir. Pas plus qu’inversement Namor ne peut deviner ce que sont les deux « monstres » qu’il aperçoit. Il n’a jamais vu d’hommes en scaphandre de sa vie. Et là, un quiproquo s’installe. D’un côté les humains sont convaincus d’être face à un fantôme aquatique et de l’autre Namor se dit que des « créatures à l’air si horrible » doivent être … Des robots mécaniques envoyés pour le capturer. Namor se promet alors de ne pas être pris vivant et se précipite vers les tuyaux qui acheminent l’air vers les plongeurs. Là aussi il y a méprise. Sub-Mariner, toujours convaincu d’être confronté à des êtres artificiels, s’imagine que les tuyaux servent à contrôler les deux formes. Brandissant un couteau, il les tranche alors. Les deux plongeurs, privés d’air, commencent à suffoquer et à s’agiter. Namor leur saute alors dessus pour parfaire son attaque.

A la surface, dans le navire, on a compris que quelque chose a mal tourné. Non seulement les communications ont été coupées mais les tuyaux d’air s’agitent comme s’ils n’étaient plus retenus par rien. Un phénomène typique quand ce genre de tuyau est tranché. Immédiatement le second demande à un autre homme de plonger pour tenter de réparer et de sauver ses deux collègues pendant qu’il est encore temps. Mais le troisième plongeur ne peut que constater que les deux premiers explorateurs gisent au fond de l’eau, morts. La panique se repend encore plus à bord quand, après avoir remonté les corps, on remarque que les décédés n’ont pas simplement suffoqués. Ils se sont noyés après que leurs casques aient été ouverts. Et leurs tenues portent des traces de coups de couteau…

A partir de là, l’histoire se désintéresse des marins (qui, on l’imagine, décide de rentrer chez eux bredouille) mais elle diverge également beaucoup du modèle de 1939. Dans la version originale les humains ne récupéraient pas les cadavres des deux plongeurs. Namor provoquait le naufrage du bateau et partait avec les deux cadavres, toujours convaincu qu’il s’agissait de robots. Arrivé auprès des siens, on lui expliquait sa méprise mais, comme les humains étaient considérés comme des ennemis, on décidait de conserver leurs squelettes comme des trophées. Les congénères de Namor, en 1939, étaient montrés comme des barbares et le héros lui-même, tout en ignorant ce qu’il faisait, provoquait quand même la mort de tout un équipage. Dans la version de 1954, Bill Everett a donc édulcoré le propos. Namor tue toujours deux plongeurs par méprise mais l’équipage s’en tire et les deux cadavres ne seront pas utilisés de manière indigne. On pourrait imaginer qu’au fil des ans Everett avait lui-même oublié des détails de l’histoire. D’autant que les origines d’Human Torch et de Captain America dans Young Men comportaient elles aussi des variations notables. Mais dans le cas de Sub-Mariner, la situation était différente car c’est le seul des trois héros qui restait écrit par son créateur d’origine.

Mieux: On voit à certains détails des premières cases que même s’il a redessiné les planches Everett a forcément relu la première mouture puisque même certains noms de marins (par exemple le plongeur Nelson) sont identiques. Il y a donc une volonté délibérée de sa part de changer certaines choses. Il faut dire qu’en 1939 Everett avait d’abord créé Namor comme un antihéros, une sorte de Nosfératu ou de Fantômas en guerre contre la race humaine. Et puis, très vite, rattrapé par les événements et l’approche de la seconde guerre mondiale, peut-être aussi animé par une volonté de plus se rapprocher d’un Superman que d’un Dracula, Everett avait réorienté son personnage au bout de quelques épisodes pour en faire un allié des humains. En 1954, avec le recul, Everett avait sans doute décidé d’épurer le CV de son personnage, de ne garder que les deux morts par méprise (c’est à dire sans intention de donner la mort) et d’effacer le reste…. Détail supplémentaire: La couverture de Sub-Mariner Comics #33 nous montre bien Namor aux prises avec un plongeur mais celui-ci porte un emblème représentant une faucille et un marteau. C’est visiblement un communiste (et sans doute un Soviétique) alors qu’en 1954 l’anti-communiste battait son plein. Même si tout laisse à penser que les marins dans l’histoire sont des américains ou des anglais, la couverture induit que les plongeurs sont peut-être des ennemis de l’Amérique. Et à partir de là un flou est jeté sur ces morts…

Le jeune Namor se dépêche de rentrer auprès des siens, la famille impériale régnant sur un peuple d’hommes-poissons. Devant son grand-père, l’Empereur, Le héros raconte alors son étrange rencontre de deux « robots » envoyés par un vaisseau de la surface. Mais la mère de Namor le détrompe et lui explique qu’ils étaient des hommes en scaphandre. Là, marquons un temps d’arrête pour décrire cette mère, qui (on nous l’expliquera ailleurs) porte le nom de Fen, une variation du mot Fin (« aileron » en anglais). Il s’agit d’une femme rousse à la peau claire (tout comme celle de Sub-Mariner) alors que le reste du peuple a la peau verte. Les hommes autres que Namor ont, en particulier, de grands yeux noirs et globuleux ainsi que ce qu’on pourrait comparer à des « moustaches » de poisson-chat. Pour le lecteur moderne, voir la mère de Namor représentée comme une humaine conventionnelle peut paraître étrange : Dans la continuité moderne, Stan Lee et Jack Kirby ont fait du peuple de Sub-Mariner des Atlantéens reconnaissables à leur peau bleu. Seuls de rares personnages comme Namor ou Namora sont représentés avec une apparence humaine car ils sont des hybrides.

Quand il s’agit de montrer Fen lors d’un flashback elle a donc la peau bleue. Tout ça vient d’une sorte de malentendu qui remonte à l’origine racontée dans Motion Picture Funnies et Marvel Comics #1 en 1939. Dans le premier épisode de Sub-Mariner, Everett avait effectivement dessiné les proches du héros avec une peau bleue… Mais seulement parce qu’ils se trouvaient sous l’eau ! D’ailleurs, quand Namor plongeait « sous la surface », lui même apparaissait avec une peau bleue. C’était un effet de couleur pour montrer quelle scène se passait sous l’eau, par opposition à l’ère libre. Ainsi dans Marvel Comics #1, dans un passage qui montre Fen elle aussi à la surface, elle est bien de couleur chair. L’idée première était donc que ce peuple n’était pas réellement bleu ou vert. Par la suite, cependant, le concept s’est un peu perverti. Everett et d’autres dessinateurs ont pris l’habitude de tout le temps représenter Namor couleur chair, même sous l’eau, ce qui par conséquent a imposé l’impression que le peuple aquatique était vert ou bleu. Ici, c’est globalement cette solution qui est adoptée, si ce n’est que Fen aussi est représentée couleur chair. On verra d’ici quelques lignes pourquoi.

Pour l’instant Fen, avec le sourire, félicite son fils d’avoir tué deux hommes de la surface et c’est à ce moment-là que le jeune garçon réalise la portée réelle de ses actes : « Mais… Mère… Je ne voulais tuer personne ! Je pensais qu’ils étaient des hommes mécaniques ! Je ne veux pas tuer le peuple de la surface ! Après tout mon père était un humain… C’était un américain, n’est-ce pas ? ». Ici, Bill Everett induit également un virage. Namor ne veut pas spécialement aller à la guerre, bien au contraire il est très au courant de sa double nature et n’a pas envie de combattre une race pour défendre l’autre (une nuance qui était présente dans l’origine de 1939 mais de manière moins insistante). Fen acquiesce : « Oui mon fils. Et c’était un homme très bien. Mais son peuple était cruel ! Ils ont envahi notre patrie sacrée, l’Antarctique et presque exterminé notre race entière ! ». Fen explique alors que des années plus tôt le père de Namor était le commandant d’un bateau qui est venu stationner (sans le savoir) au dessus de la cité aquatique de leur peuple. Mais rapidement le peuple de Fen fut victime de terrifiantes explosions. Des palais entiers furent détruits, des maris, des épouses, des mères et même des enfants furent tués par centaines… Bientôt d’autres navires arrivèrent et les explosions reprirent de plus belle. A la surface, les humains ignoraient totalement qu’ils se trouvaient au dessus d’un peuple qu’ils étaient en train de tuer. Une scène nous montre qu’en fait l’objectif de l’expédition américaine était de percer le sol de l’océan afin de pouvoir forer et de chercher de l’uranium.

Sous l’eau, les hommes-poissons décidèrent d’organiser une armée… Mais aussi d’envoyer une espionne pour épier les « meurtriers brutaux ». On voit alors le (futur) grand-père de Namor charger sa fille, Fen, de cette mission : « Tu te rendras sur le navire amiral de la flotte, où tu passeras pour une passagère clandestine. Apprends ce que tu peux des plans de ces sauvages et envoie-moi des rapports. Avec 20 ans de moins, on découvre une Fen particulièrement gironde, qui n’a pas de mal à passer pour une humaine à part des oreilles en pointe, détail que la plupart des lecteurs mâles hétéros seront prêts à oublier pour se concentrer sur ses autres attraits. Ce qui laisse quand même une question béante. Comment l’empereur peut-il ressembler à une sorte de poisson-chat humanoïde tandis que sa fille est une telle beauté rousse ? Everett ne s’attarde pas sur le sujet mais la vérité est que pour que le reste de son histoire fonctionne il a absolument besoin que Fen ait une apparence totalement humaine. On le comprend d’autant mieux dans la scène suivante, quand les marins humains découvrent la jolie rousse sur le bateau et la conduisent au commandant McKenzie. Ce dernier se demande comment une passagère clandestine a pu rester cachée si longtemps dans un tel voyage. Et c’est précisément là qu’Everett a besoin que la princesse amphibienne ait la peau couleur chair. Si Fen était bleue ou verte, elle serait immédiatement considérée comme un phénomène de foire et la défiance des humains serait toute autre. Là, tout au plus ils la prennent pour une étrangère (à plus forte raison parce qu’elle ne parle pas leur langue).

Au fil des jours McKenzie sympathise avec l’inconnue et commence à lui apprendre l’anglais. Il lui offre des vêtements supplémentaires… Ce qui n’est pas du goût de Fen. Habituée à la froideur des eaux de l’Antarctique, elle supporte mal la chaleur mais est obligée de jouer la comédie. Au lieu de révéler ce qu’elle est ou l’existence de son peuple, la jeune femme s’obstine à jouer les espions. Ainsi quand McKenzie lui explique le pourquoi des recherches (l’uranium) elle se contente de se féliciter d’avoir obtenu des informations sur l’ennemi. Alors qu’il suffirait une phrase de sa part pour tout arrêter (mais le scénario n’évoque pas cette piste). Cependant, à force, Fen est de plus en plus séduite par McKenzie et de moins en moins convaincue par sa mission d’espionne. Elle tombe amoureuse, même si elle n’arrête pas de penser aux gens de sa race que les explosifs continuent de tuer. Finalement quand McKenzie lui demande sa main, elle se dit que c’est une manière d’aller encore plus loin dans l’espionnage et de peut-être se rapprocher de lui jusqu’au point où elle pourrait le convaincre de renoncer aux explosions. Seulement les évènements ne tournent pas comme Fen le voudrait. D’abord McKenzie n’arrête pas les explosions, malgré le fait que Fen prétende qu’elles lui donnent… des migraines (mais bon sang, Fen, plonge dans l’eau et montre lui !). Et puis surtout la réponse du marin est d’une certaine manière encore plus horrible. Il tente de la rassurer en lui expliquant qu’ils ne sont plus là que pour une semaine encore et qu’ensuite ils rentreront en Amérique, en Californie, où il fait toujours beau et chaud ! ».

Sans perdre de temps, Fen file sous l’eau faire son rapport à son père, l’Empereur. Et là, on n’est pas loin de penser que ce peuple amphibien est atteint d’une sorte de tare de l’intelligence. Car quand il apprend que les hommes de la surface sont sur le point de partir, le père de Fen est catastrophé : « C’est terrible, Princesse ! Nous… Nous ne sommes pas encore prêts pour la contre-attaque ! Tu dois trouver un moyen de retarder leur départ ! ». Nous sommes bien d’accord que le problème immédiat des hommes-poissons, ce sont les explosions provoquées par les bateaux au dessus d’eux. Problème qui serait en théorie réglé si les humains partaient dans quelques jours. Donc décider de retarder les bateaux de manière à les faire rester plus longtemps, pour les attaquer, est en théorie totalement contreproductif. C’est Fen qui, une case plus loin, nous donnera un semblant de réponse, quand elle pense « Je dois les retarder assez longtemps pour que nous puissions avoir notre revanche ! ». Il ne s’agit donc plus d’arrêter les explosions mais bien de s’attaquer à des ennemis considérés comme des criminels de guerre. Seulement voilà, Fen n’arrive pas à trouver le moindre prétexte. Qui plus est, elle est paniquée à l’idée que McKenzie pourrait la ramener en Amérique « J’étais préoccupée à l’idée d’être piégée dans le navire s’il partait avant que notre armée puisse attaquer. Je savais que je ne pourrais jamais survivre dans les températures chaudes de l’hémisphère Nord ! ».

Mais le pire reste à venir : Le jour du départ, les marins décident de détruire la glace qui les entoure afin de pouvoir avancer. Non seulement la déflagration est énorme mais en plus elle se produit alors que l’armée du peuple de Fen était en train de se masser sous le navire, pour attaquer. Pensant à ses compatriotes réduits en lambeaux, Fen se précipite à l’eau pour essayer d’aider les quelques survivants… La princesse poursuit son récit : « Et ce fut la dernière fois que j’ai vu mon mari, le Commandant McKenzie ! Ils m’ont cherché pendant trois jours mais je suis restée cachée dans les profondeurs et ils ont finalement abandonné, me pensant morte ! Tu peux imaginer mon soulagement quand j’ai vu leur expédition disparaître à l’horizon… Tu es né avant l’arrivée de l’été antarctique et il fut décidé que tu serais investi du titre royal de Prince Namor, le Sub-Mariner ! Tu étais un bon garçon et nous avions de grands plans pour toi ! Parce que ton père était un homme de la surface tu étais différent de nous autres ! Tu as grandi plus vite et fait preuve d’une grande force et d’une grande agilité ! ». Fen explique ensuite comment son peuple a passé les vingt dernières années à reconstituer son armée, dans l’idée de se venger de ceux qui ont semé la destruction sur leur civilisation. Fen jubile : « … Et maintenant, mon fils, tu as gouté pour la première fois à la vengeance ! Tu as déjà tué deux de ces hommes de la surface sauvages ! C’est un bon début ! ».

Namor continue cependant d’être la voix de la raison (une attitude assez absente de la version de 1939, en particulier à ce moment où il décidait de partir en guerre sans se poser de question): « Mais, Mère, tu dis avoir aimé mon père ! Comment peux-tu avoir ces sentiments envers lui ? Ca n’a pas de sens ! ». Fen lui rétorque « C’est un non-sens, mon fils ! C’est son peuple que nous détestons ! Nous sommes maintenant prêts à leur faire la guerre ! Mais parce que tu as du sang chaud en toi et que tu peux vivre dans leur climat c’est ton devoir de te rendre en Amérique ! ». Dans la version moderne utilisée de nos jours par Marvel, l’essentiel des Atlantéens en dehors de Namor et quelques exceptions ne peut pas vivre hors de l’eau sans aide extérieure (des pilules ou des scaphandres). Ici on constate que Fen n’a pas le moindre problème pour séjourner aux cotés de McKenzie pendant des journées ou des semaines entières. Ce n’est le fait de respirer hors de l’eau qui pose problème mais bien une incapacité de Fen et des autres de résister à des températures trop chaudes ! La princesse reprend son discours : « Pendant que tu seras là-bas, tu feras tout ton possible pour endommager leurs forteresses et leurs installations militaires ! Bon vent… et bonne chasse ! ». Namor l’assure alors qu’il fera ce qu’elle lui commande…

En guise d’épilogue, le narrateur explique au lecteur de 1954 que si Namor a quitté sa demeure de l’Antarctique pour envahir notre hémisphère pour « une mission de meurtre et de destruction », il s’est rendu compte que l’idée d’une vengeance était vaine : « On le retrouve des années plus tard, alors qu’il n’a plus qu’une vague trace de son amertume envers la race humaine ! ». Autrement dit Namor est maintenant un héros, bien qu’il soit une forte tête, mais Everett s’est arrangé pour placer dans cette origine nouvelles quelques occasions où, de toute manière, Namor est moins agressif qu’on pouvait le penser en 1939. Soit Everett était particulièrement satisfait de cette évocation de la jeunesse de Namor, soit des lettres de lecteurs poussèrent l’auteur à aller en ce sens. Mais en tout cas les épisodes suivants contiendraient plusieurs autres histoires du jeune Namor à ses débuts, un peu selon la même logique qu’un Superboy. Plusieurs aspects de cette « origine ultime » de Sub-Mariner selon Everett ne sont plus valables dans la continuité actuelle. Le faciès des hommes-poissons n’est plus supposé être si caricatural. Et Fen ne pourrait plus passer pour une caucasienne. La série Marvels Project a plutôt réécrit l’histoire de manière à ce que Namor jure de se venger… des Nazis après qu’ils soient venus attaquer son royaume. Rien à voir avec les marins innocents qui cherchent une épave au début de Sub-Mariner Comics #33. La série Defenders de Matt Fraction a également évoqué une relation bien plus riche envers le Commandant McKenzie et son épouse Fen : On y découvre qu’ils auraient fait partie d’un cercle d’aventuriers, aux côtés du… Capitaine Nemo. D’une certaine manière on voit mal comment McKenzie trouverait le temps d’aller jouer au proto-super-héros alors qu’il est au Pôle Sud. D’un autre côté, le temps induit ici (Fen a le temps d’apprendre l’anglais) est long, ce qui permet certaines potentialités. Mais la Fen de l’univers Marvel moderne est bleue et McKenzie ne pouvait donc rien ignorer de sa nature…

Néanmoins, si elle n’est plus « valable » sous un certain angle, cette origine étendue de 1954 comporte certains éléments intéressants. Et pas seulement l’allergie des Atlantéens envers les climats chauds. Par exemple elle lie la naissance de Namor à un important stock d’uranium. A partir de là on peut se demander si Sub-Mariner est un mutant seulement parce que ses deux parents sont issus de deux races différentes où si, d’une manière ou d’une autre, certaines de ses particularités auraient pu être causés par des radiations. Pour Everett, il s’agissait sans doute surtout de redessiner les débuts de son héros, alors que lui-même était devenu un dessinateur bien plus talentueux qu’en 1939. De ce fait, le retour de Sub-Mariner et la refonte de ses origines furent bien plus élégants que ce qui avait pu se faire par ailleurs avec Human Torch ou Captain America. En définitive, Sub-Mariner Comics #33 fut la dernière grande occasion pour Everett de raconter son personnage comme il l’entend, en y mettant tout ce qu’il pouvait, comme il voulait. Reste une dernière question qui n’a jamais réellement trouvé de réponse. Comment Namor, qui ne savait même pas à quoi ressemblait un homme de la surface, pouvait-il avoir ne serait-ce qu’une vague idée du concept de « robot » ou « ‘d’hommes mécaniques » alors qu’à l’évidence il n’en existait pas dans sa civilisation d’origine ?

[Xavier Fournier]

Xavier Fournier

Xavier Fournier est l'un des rédacteurs du site comicbox.com, il est aussi l'auteur de différents livres comme Super-Héros - Une Histoire Française, Super-Héros Français - Une Anthologie et Super-Héros, l'Envers du Costume et enfin Comics En Guerre.

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