Captain America est littéralement pris entre deux feux, entre les conservateurs adeptes d’un état policier (les Americops) et les activistes qui ne pensent qu’à en découdre (comme Rage). Sam Wilson essaie de pas réagir à la pression, conscient que les deux chemins possibles mènent à la catastrophe. Mais peut-on résister à une chute lorsqu’elle s’impose ?
Scénario de Nick Spencer
Dessins de Daniel Acuna
Parution aux USA le mercredi 17 août 2016
Arrivé sur un site où Rage et les Americops se cherchent mutuellement, Sam Wilson cherche la voie de la raison mais a bien du mal, entre ceux qui n’entendent que la colère et d’autres, comme le nouveau Falcon, qui débordent de bons sentiments et veulent bien faire, sans se rendre compte qu’ils risquent de jeter de l’huile sur le feu… Récemment je lisais dans une interview (je crois que c’est pour la promo d’Occupy Avengers) que quelqu’un allait créer une série où les super-héros s’occuper des vrais problèmes des gens. Ce qui m’a paru un contresens énorme puisque la plupart des séries de super-héros s’occupent déjà des vrais problèmes des gens, mais sous le ton de la parabole. La Fontaine utilisait des animaux pour évoquer des sentiments très humains comme l’avarice, la peur, la paresse… Les super-héros, dans la majeure partie des cas (car, avouons que certains auteurs s’égarent quand même parfois), racontent bien autre chose qu’un étalage de superpouvoirs. On sait que les X-Men ont été construits autour des notions d’acceptation, de réaction au racisme et d’autres choses du genre. Et Captain America n’a pas attendu 2016 pour s’occuper de dire des choses sur le monde dans lequel nous vivons. Mais, s’il était encore nécessaire d’en convaincre certain, le run de Nick Spencer est assurément un bon exemple. L’auteur est d’une pertinence inouïe sur des ressorts sociaux qui évoquent aussi bien la course à la présidentielle aux USA que les émeutes raciales, les débordements de la police américaine et ce genre de choses. Mais il le dit dans le registre de la parabole et donc avec un certain degré (compréhensible) de caricature. Captain America: Sam Wilson #12, pourtant, est une bonne occasion de voir tout le crédit que Spencer donne à son héros. Wilson sait que le chemin qu’il utilisera, quoi qu’il choisisse de faire, sera une pente glissante qui mène à la catastrophe, conscient que les réseaux sociaux et les spin doctors tourneront la chose dans le sens qui les arrange. Alors le héros tente de résister contre vents et marées, de se donner le temps de réflexion. Encore que réfléchir quand on est déjà sur la pente glissante n’est guère une option.
« What seems to be the problem, officers ? »
Que le (super) héros essaie de faire pour le mieux, ce n’est pas vraiment une nouveauté mais Spencer contourne le cliché du « tapons-nous dessus, on discutera ensuite et on se rendra compte qu’on est ami (éventuellement parce que nos mamans ont le même prénom) ». Ici, Spencer et Acuna instaurent un contre-champ en la personne du USAgent, un personnage politiquement à l’opposé de Sam (et généralement de la plupart des héros de l’univers Marvel depuis son invention par Mark Gruenwald). Acuna nous présente un USAgent imposant, Spencer lui donne une mentalité toujours aussi droitière mais pas unidimensionnelle. Au contraire, USAgent est, pour le coup, le type qui résiste, comme Wilson, dans le camp en face, qui ne veut pas de la pente glissante, qui a des idées mais n’est pas prêt à faire n’importe quoi, n’importe comment. Bien sûr en bout de ligne le clash est inexorable. Mais ces deux figures de guerriers qui résistent au combat donnent à l’ensemble un parfum de fatalité. Après Free Spirit, D-Man, la Serpent Society, Diamondback ou Americop, Spencer continue de donner beaucoup d’envergure à des personnages créés par Gruenwald, sans doute plus qu’ils n’en ont eu depuis 20 ans. Et tout ça pas seulement au service des apparences ou de la continuité mais d’une parabole pertinente. D’ailleurs du coup le tie-in Civil War II fonctionne à l’envers, le lien avec le crossover n’étant pas à l’avantage de ce dernier. Tandis que les Avengers et les Inhumans se crèpent le chignon au sujet d’Ulysses (assurément une autre parabole, bien que plus floue), Sam Wilson s’occupe des problèmes du présent, lui. Et donc du réel.
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