Presque vingt ans après Incassable, Bruce Willis et Samuel L. Jackson reprennent leur rôle de David Dunn et Elijah Price. Ils sont accompagnés de James McAvoy tout droit sorti de Split. L’ambition de leur réalisateur, M. Night Shyamalan étant de créer une suite à deux films, distincts au départ. Et comme souvent avec ses films, ça passe ou ça casse…
Dans les dernières minutes de Split, on découvrait que David Dunn, le héros d’Incassable interprété par Bruce Willis, partait traquer la Bête, l’étrange tueur joué par James McAvoy. Les spectateurs se demandaient s’ils verraient une suite à ce rebondissement ou si c’était juste un petit clin d’œil de M. Night Shyamalan à ses fans. Le succès de Split lui a permis de mettre en chantier cette suite ambitieuse. On retrouve donc Kevin (McAvoy) s’adonnant à son passe-temps favori : le kidnapping de jeunes adolescentes. David Dunn (Willis), aidé par son fils Joseph (toujours interprété par Spencer Treat Clark), est un justicier vieillissant mais toujours efficace. Une sorte de mythe moderne, à la manière d’un Batman. Les deux se croisent enfin quand David sauve les ados et met la main sur « La Bête ». Mais les choses tournent mal quand le Dr Staple (Sarah Paulson) réussit à stopper ce féroce affrontement et les envoie en hôpital psychiatrique aux côtés d’Elijah Price (Jackson). Ont-ils tous imaginer avoir des super-pouvoirs ou sont-ils des êtres extraordinaires, incompris de la société ?
M. Night Shyamalan avait pris tout le monde par surprise en créant un univers partagé à deux films qui n’avaient, a priori, rien en commun (Incassable et Split) si ce n’est leur protagoniste principal à la limite de la réalité. Avec un casting pareil, on était impatient de voir comment ce petit monde allait cohabiter. Dès le départ, on a plaisir à retrouver les différents personnages, comme les membres lointains d’une famille qu’on n’aurait pas vu depuis longtemps. Tout le monde a tracé sa route et se retrouvent le temps d’une réunion de famille. Le complexe Kevin Wendell Crumb s’intègre parfaitement au monde d’Incassable dont Glass adopté le ton et l’esthétique. La mise en scène, le cadrage serré de Shyamalan nous renvoie aux meilleurs heures du réalisateur. Mais comme souvent avec lui, soit tout est parfaitement orchestré soit il finit par se noyer dans ses propres idées. C’est malheureusement la deuxième option qui domine ici. L’as du « twist final » tisse lentement sa toile durant les deux heures de film, avec pour but ce dénouement improbable qui suprendra son spectateur. Il en oublie en cours de route qu’il a des personnages à l’écran qu’ils faudraient mettre en valeur, ou du moins, créer une empathie avec le public. C’est d’autant plus frustrant que ce « climax » n’est pas à la hauteur de l’attente.
Incassable est l’un des premiers films de super-héros du XXIe siècle. À l’opposé de ce qui s’est fait depuis, il ne montrait aucun héros en collant mais s’attardait sur l’aspect de l’héroïsme dans notre monde moderne. On y retrouve des approches des travaux de Frank Miller, Mark Millar ou Grant Morrison : notre société vue par le prisme des comics. Le fan des comics pouvait s’imaginer tantôt en Elijah Price, une encyclopédie vivante sur le domaine, tantôt en David Dunn, monsieur-tout-le-monde aux pouvoirs extraordinaires. Le propos du film résidait justement sur la possibilité que des êtres spéciaux existent ou non. Glass en est une suite directe, à laquelle on a greffé le tueur aux multiples personnalités de Split pour justifier son côté « hors du commun ». En reprenant le propos « les comics sont-ils des fables ou inspirés de faits réels ? », le film ne fait que répéter ce qui a déjà était dit. Et si dans la première moitié, on se prend au jeu de douter en étudiant les arguments avancés par la psychiatre jouée par Sarah Paulson, quand le réalisateur finit par trancher pour faire avancer l’intrigue principale, il ne va pas au bout de son idée. Samuel L. Jackson déclare dans le film que tout comic-book a son climax, son affrontement final, que le héros révèle son potentiel dans le dernier acte. Et à ce moment-là, on en vient à rêver à quelque chose de grandiose pour conclure cette trilogie. Mais passés les derniers instants, on a l’impression de se retrouver devant le final de la saison 1 de Heroes et de se dire : « tout ça pour ça » ?!
L’une des forces du film (car il en a quelques-unes) reste son casting impeccable. Les trois protagonistes principaux se glissent à nouveau dans leur rôle comme si le temps n’avait pas eu d’emprise sur eux. MCAvoy démontre encore une fois l’étendu de son talent et les multiples personnalités donnent lieu aux meilleures scènes du film, parfois comiques, parfois tragiques. Shyamalan a également été recherché les personnes qui gravitent autour du trio principal. Il ramène donc le fils de David, la mère d’Elijah et Casey, la seule rescapée de Split. Tous les trois démontrent que les seconds rôles sont tout aussi important que les premiers.
Glass n’est pas une catastrophe. Il y a des choses à sauver. Dommage simplement que cette nostalgie et cette volonté de faire avancer le récit, voir de créer un nouvel super-héroïque en marge de la concurrence Marvel et DC, ne décolle jamais et finit par s’écraser lamentablement. Sauf si Shyamalan a encore des projets cachés dans son tiroir pour étendre la franchise, on a du mal à se satisfaire de cette conclusion en demi-teinte.
Glass – De M. Night Shyamalan – Avec Bruce Willis, Samuel L. Jackson, James McAvoy, Sarah Paulson et Anna Taylor Joy – Sortie le mercredi 16 janvier 2019
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