Hommage assumé aux robots géants et aux films façon Godzilla, Pacific Rim n’a absolument rien de « pacifique » et pousse les uns contre les autres dans des combats titanesques. La trame de fond est que, dans le futur, une faille dimensionnelle commence à déverser des créatures gigantesques qui s’empressent d’attaquer les grandes métropoles. L’humanité, après deux ou trois de ces attaques, comprend que les choses ne vont pas s’arranger et est obligée de constituer une armada de géants mécaniques pour en découdre avec ces envahisseurs. Avec cette petite particularité : les machines sont tellement complexes qu’elles nécessitent deux pilotes humains liés au niveau cérébral, ce qui fait que leurs souvenirs fusionnent quand ils sont aux commandes de ces engins. Bon alors, comme le dirait Bruno Ganz, que tout ceux ou celles qui s’attendaient à trouver ici un film sur les états d’âme d’un couple de divorcés bulgares, un truc qui pourrait lorgner sur la palme à Cannes… sortent de cette pièce. On est à fond dans l’ambiance des studios Toho (le terme même de « Kaijû », le surnom de ces bestioles dans le film, est un aveu assumé) mais avec une technologie visuelle qui a avancé de près de 60 ans depuis le premier Godzilla. Et, derrière la caméra, il y a bien sûr un superbe créateur d’images, Guillermo del Toro…
Oubliez ces longs métrages où on vous vend de la 3D pour le simple plaisir de jouer avec les flous du premier plan deux ou trois fois dans le film. Pacific Rim est un film réellement pensé (et à priori sur ce plan BIEN pensé) pour la 3D. Del Toro joue sur le dynamisme, sur la texture, sur des ambiances chargées, sur des poings géants qui traversent l’écran pour mieux écraser une mâchoire de requin grande comme un immeuble. Pacific Rim est un grand spectacle, un exercice de genre qui s’amuse visiblement beaucoup à montrer à Michael Bay, Roland Emmerich et à d’autres comment ils devraient s’y prendre pour gérer la chorégraphie de combats titanesques. Pour parler un langage que les lecteurs de comics comprendront bien, il y a ce côté « larger than life » qu’on peut éprouver dans certaines scènes du Marvels de Ross. L’ennui c’est que la promo du film a déjà gâché la surprise de certaines de ces images (par exemple le robot géant surgissant de l’eau gelée, exploité sur les visuels de promo). C’est clair qu’en termes d’image, de spectacle, de 3D, on en prend plein les mirettes..
Niveau jeu d’acteur, si tout reste une question de goût, Charlie Hunnam se révèle un acteur totalement interchangeable. Il n’apporte pas grand chose mais il faut dire que le découpage ne l’aide pas non plus, en faisant une large ellipse entre le moment où le héros perd et lorsque, plus tard, on fait de nouveau appel à lui. Si Mako Mori (Rinko Kikuchi) s’en tire mieux, ce sont bien les rôles secondaires qui sortent leur épingle du jeu. Idris Elba campe le marshall Stacker Pentecost, fort en gueule. Typiquement le genre d’archétype qu’on pourrait croiser dans un G.I. Joe. Mais Elba lui apporte une autre dimension, en empruntant à des postures du cinéma japonais. Il y a du Toshirō Mifune dans ce militaire et ses crises d’égo (ne jamais lui toucher la manche, même quand la fin du monde est proche) ont plus de relief que le tout venant des militaires dans ce genre de film. Pour Ron Perlman, on a prévu un rôle de caïd aux allures presques steampunk. De quoi faire le show et apporter un peu d’humour. Idem pour Charlie Day en savant geek hyperexcité (la chose est un peu moins marquée pour Burn Gorman, ancien de Torchwood recruté ici pour incarner l’autre scientifique de service). Pour ce qui est des aliens, par contre, rien qui vienne changer la donne des monstres japonais.
Mais le problème de Pacific Rim est que le film est trahi à la base par un scénario indigent, le genre de rédaction qu’on permettrait tout juste à un écolier de quatrième. Certes, l’histoire de Travis Beacham s’amuse avec les codes des films de monstres géants et en véhicule, forcément, certains clichés. Mais les raccourcis sont nombreux et parfois on passe magistralement à côté d’une idée. Exemple : On nous explique dès le pré-générique que les pilotes de robots sont considérés comme de véritables stars… Mais cet élément ne sera jamais réutilisé dans tout le film. Plus important : la caractéristique même de ces pilotes, devoir travailler à deux via une fusion de l’esprit, est utilisée avec assez peu de force. Tout au plus le héros Raleigh Becket (Charlie Hunnam) va dans le courant du film, visiter un souvenir de sa partenaire. Mais sans plus. On évite totalement l’exploration de l’idée. Partager son esprit, ses secrets honteux, ses joies, ses peines, se réglerait sans plus de problème ? Ce qui aurait pu donner une autre dimension, un concept à la Inception, s’estompe de manière rapide, lorgnant plus sur un Top Gun des pilotes de robots. Enfin, il va falloir faire comprendre à Hollywood que le cinéma américain ne peut quand même pas espérer nous refaire indéfiniment le coup de la faille dimensionnelle qu’il faut refermer en y mettant une bombe qui, au passage, zigouillera les méchants extra-terrestres. Là, ça commence un petit peu à faire… Je veux bien comprendre que les studios veuillent émuler le succès d’Avengers mais quand même…
Pacific Rim s’acquitte parfaitement bien de ses obligations de grand spectacles. C’est beau, c’est même, en plusieurs endroits, épique et prenant. Mais les facilités du scénario (travailler dessus n’est quand même pas ce qui coute le plus cher), les éléments lancés sans être exploités, en font un film qui, oui, aligne robots et monstres sans vraiment aller au delà. Ce n’est pas spécialement un film que je déconseillerais, ne serait-ce que pour cette bonne gestion des effets 3D. Je ne regrette pas le temps passé à le voir. Mais vu les efforts déployés par le réalisateur du Labyrinthe de Pan on aurait pu imaginer un peu plus d’ambition dans l’histoire, qui pourrait tenir ici sur une carte à jouer. De fait les belles images ne servent guère qu’une écriture digne de scènes cinématiques de jeu vidéo. Del Toro nous donne de beaux passages et, oui, par moment on ressent ce petit désir coupable de se glisser aux commandes de ces machines géantes. Mais est-ce pour autant un bon film ? Je ne l’ai pas détesté mais je suis nettement resté sur ma faim…
[Xavier Fournier]
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