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Review: Thor: Love & Thunder

Pleinement remis des épreuves d’Avengers: Engame, Thor (Chris Hemsworth) décide de retrouver ses compatriotes de New Asgard. Mais pour son retour sur Terre, quelques surprises l’attendent : une nouvelle menace frontale s’attaque à tout ce qui ressemble à un dieu… Et l’ancien marteau de Thor s’est trouvé une nouvelle propriétaire, Jane Foster. Thor: Love & Thunder, quatrième film consacré au dieu du tonnerre de Marvel (et qui sort le 13 juillet prochain) multiplie les éléments, quitte à passer (trop) vite sur certains d’entre eux.

Même Iron Man ou Captain America n’avaient pas eu droit à ça. Thor est le premier héros du MCU à enchaîner avec un quatrième film, retrouvant pour la deuxième fois Taika Waititi à la réalisation. Vous voilà prévenu : Si vous n’aimiez pas Thor: Ragnarok ? Vous n’aimerez pas celui-là, vous le savez déjà. Mais à l’inverse si Ragnarok vous a plus, voici l’occasion de retrouver le même personnage avec le même réalisateur mais aussi quelques personnages issus du film précédent (notamment Valkyrie et Korg) et certains protagonistes repensés, en particulier Jane Foster transformée en super-héroïne, la puissante Thor (la puissante Thor n’étant pas à confondre avec Thor tout court donc).

Pour autant que l’époque soit à la critique « pouce levé/pouce levé » et à crier à chaque fois au film le plus nul de l’univers ou inversement au chef d’œuvre sans défaut. Thor: Love & Thunder demande pourtant qu’on ne fonce pas tête baissée dans un verdict manichéen. Par la force des choses il y a plusieurs films dans un seul, d’ailleurs un peu à l’étroit dans les deux heures de sa durée. Dès la promesse de voir Jane (Nathalie Portman) manier le marteau, à l’annonce du film, on savait que Thor: Love & Thunder devrait beaucoup au run de Jason Aaron sur les comics de Thor. Et c’est le cas, d’autant plus qu’à plusieurs moments Nathalie Portman, transformée, pourrait aussi bien surgir d’une page de BD. Mais le fait de devoir beaucoup à Aaron ne fait pas pour autant de Love & Thunder un film où la fidélité (ou tout au moins le respect « à la lettre ») est de mise. A plusieurs endroits les destins du Thor d’origine et de la puissante Thor sont sensiblement différents de ce que nous ont raconté les comics. Ce qui parfois permet d’essayer des choses différentes mais sur d’autres passages laisse une impression de potentiel non-utilisé.

Grandir

Flashback : Dans la construction du personnage de Thor au cinéma, il y a ce qu’on pourrait qualifier de « crime originel » : à savoir le premier film Thor, conçu à une époque où le MCU et Marvel Studios se cherchaient encore, avec une relation de travail pour le moins compliquée avec le réalisateur Kenneth Branagh qui, sitôt la caméra éteinte, jura qu’on ne l’y reprendrait plus. En résultat un film conduit avec plusieurs conducteurs dans le même siège et certains choix qui laissaient peu de place à la complexité, par exemple le fait de réduire Don Blake (l’alter-ego classique de Thor dans les comics) à un simple badge sur une tenue médicale. Au lieu que Thor descende sur Terre pour y prendre la forme d’un chétif médecin boiteux et y apprendre réellement l’humilité, la version ciné de la leçon d’humilité d’Odin envers son fils se limitait à envoyer le dieu du Tonnerre sur terre pendant moins de 48 heures pour qu’il fricote avec Jane Foster/Nathalie Portman. Et puis Thor retournait sur Asgard en faisant mine d’avoir compris la leçon. Thor: The Dark World n’était pas réellement revenu sur ces questions. Ou tout au moins le murissement de Thor passait par la perte de sa mère et le décès (apparent) de son demi-frère.

Reprenant les choses en main au troisième film (Thor: Ragnarok) Taika Waititi avait fait la synthèse des choses en refaisant du fils d’Odin un personnage un tantinet bouffon mais qui malgré tout évolue à travers de nouveaux deuils (la mort d’Odin lui-même et la perte de la majeure partie de la population d’Asgard) et de nouvelles responsabilités. Personnage désinvolte qui parle au public dans les premières minutes de Ragnarok, Thor, finissait marqué dans sa chair, ayant perdu un œil (comme son père avant lui) et occupant désormais le trône d’Asgard, tout en ayant découvert qu’il n’avait pas besoin de son marteau (détruit en cours de route) pour utiliser toute sa puissance. Thor, à ce stade, avait déjà la particularité d’être une trilogie du MCU qui avait changé de réalisateur à chaque fois (à contrario Iron Man ou Captain America avaient connus deux fois le même réalisateur) et Waititi laissait le personnage devenu « responsable » plus ou moins malgré lui. C’était sans compter les besoins de l’univers partagé Marvel. Dès la scène de post-générique de Ragnarok le vaisseau de Thanos venait balayer cet état des choses. Devenu Roi des asgardiens, Thor était incapable de les protéger dans Avengers: Infinity War puis, traumatisé, devenait le Thor (obèse, plein de bière, plus bouffon que jamais) d’Endgame. S’il y avait des choses en commun dans la forme d’humour pratiqué par le Thor de Ragnarok et celui d’Endgame, tout le mûrissement installé par Waititi dans les dernières minutes de son film était passé à la trappe.

Caprice des dieux

Des années plus tard Waititi retrouve donc Thor et reprend sa démarche de responsabilisation de Thor. Les premières scènes concernant le dieu du Tonnerre sont essentiellement consacrées à lui rendre une certaine sérénité et sa silhouette, à « négocier » les conséquences d’Endgame, que ce soit sur son tempérament personnel ou sur son rôle au sein des Guardians of the Galaxy. Gorr (Christian Bale) est une sorte de version miroir de cette démarche. Décidé à exterminer tous les dieux de l’univers, Gorr leur en veut en effet car ils ne sont pas assez responsables envers ceux qui croient en eux. Même si pour le coup le Gorr de l’écran est un peu différent de son modèle des comics (il garde un nez pour ne pas trop ressembler à un adversaire d’Harry Potter), il est assez bien campé par Bale, qui lui donne certains accents d’un Thanos. Ou d’un Thanos inversé puisque le titan fou sacrifiait sa fille sans hésiter là où Gorr est traumatisé par la perte de sa fille.

Thor, apprenant le but de Gorr, va donc tenter de rallier les différents panthéons à sa cause. Mais le problème est qu’au bout du compte le discours de Gorr n’est pas infondé : la plupart des autres panthéons mentionnés sont irresponsables, au mieux passifs voire totalement inconscient. A ce titre Russell Crowe semble beaucoup s’amuser avec le rôle d’un Zeus cabochard. Dans les comics, il n’est pas toujours évident de faire la différence entre Odin et Zeus (en dehors de la couleur des cheveux) tant ils incarnent une même image de patriarche. Ici, on ne risque pas de confondre Zeus et son homologue nordique. Si Thor s’est débarrassé de sa bedaine et d’une partie (une partie seulement) de son côté bouffon époque Endgame, clairement ici c’est Zeus qui occupe cette fonction.

Ere comprimée

« Réparé », Thor va donc à nouveau grandir et assumer, vers la fin, de nouvelles responsabilités. Jane Foster elle aussi va avoir l’occasion de montrer ce que c’est d’être un héros ou une héroïne quel qu’en soit le prix. Et pour le coup on appréciera que le cancer de Jane soit également abordé à l’écran, tout comme dans la BD. Mais une des choses sur laquelle l’histoire bute, c’est le sens du temps. Dans le premier tiers du film en particulier, tout va trop vite. D’autant qu’on nous sert dans un temps restreint beaucoup d’éléments vus dans la bande annonce, entrecoupés d’ellipse. La découverte de la maladie de Jane et sa transformation en puissante Thor sont abordés au pas de course, trop limité dans ce récit de deux heures. Pour le coup, peut-être que Marvel Studios aurait pu distiller les choses dans des post-génériques de certains films précédents (par opposition à certaines scènes post-génériques totalement dispensables qui n’ont rien installé) ou bien se fendre d’une série préquelle sur Disney+ pour faire un peu voler Jane de ses propres ailes, l’installer avant de la comprimer de la sorte.

Ou à défaut, rajouter vingt minutes pour gérer ce qui ne l’est pas ici n’aurait pas été un luxe. Typiquement, le fait que New Asgard ait laissé entrer « les marchands dans le temple », soit devenu un parc d’attraction et que Valkyrie soit de plus en plus absorbée par le côté administratif, tout ça est également abordé très/trop rapidement. D’une part parce qu’après la comédie musicale consacrée à Steve Rogers dans Hawkeye, il est croustillant de voir à nouveau Disney/Marvel continuer jeter un œil critique sur le rapport entre merchandising et entertainment. D’autre part il serait intéressant, par rapport à la problématique de Gorr, de poser la question de ce que sont devenus, finalement, les dieux d’Asgard. Sont-ils responsables envers ceux qui les entourent ou qui ont besoin eux ? Ne méritent-ils pas un peu la rancœur de Gorr ? Seulement il n’y a pas la place. Même chose sur l’ironie que le plan de Gorr, dégouté de voir ses prières sans réponse, repose sur un ultime souhait devant une entité cosmique de plus. Le paradoxe ne sera pas exploré. Et donc on se retrouve avec un film Love & Thunder qui n’a pas la place pour aborder ces questions… mais qui prend le temps de montrer ce qu’est devenu le club de théâtre d’Asgard. Thor lui-même n’a guère le temps de s’interroger sur le fait que les différents panthéons, finalement, méritent ce qui leur arrive (il y a peut-être deux phrases de cet ordre, sans vraiment y réfléchir). Et on comprendra que Love & Thunder est un film distendu avec un certain potentiel, c’est vrai, mais qui dans plusieurs endroits n’est pas dûment exploré.

Le Baron et le boulet

Celà ne l’empêche pas d’avoir d’autres passages plus originaux ou pratiquement « méta ». Dans une scène de voyage dans l’espace qui a de faux airs des Aventures du Baron de Mûnchhausen de Terry Gilliam, Thor, Jane et Valkyrie traverse le vide avant d’atteindre un monde qui sonne creux et où le réalisateur semble régler ses comptes avec ceux qui lui reprochent d’utiliser une palette trop saturée. Le Baron de Mûnchhausen de Terry Gilliam n’était de toute façon déjà pas très loin dans la scène concernant Zeus. Selon qu’on apprécie ou pas ce voisinage, certains crieront à la redite, d’autres à la manœuvre intéressante. Une fois qu’on a compris que le Thor de Waititi, qu’il s’agisse de Ragnarok ou de Love & Thunder, à la même faconde qu’un Mûnchhausen ou qu’un Cyrano de Bergerac, que c’est essentiellement l’histoire d’un Baron de Mûnchhausen qui deviendrait adulte, on regarde certaines scènes d’un œil nouveau. Et oui, bien sûr, on peut aussi lire le Baron de Mûnchhausen au premier degré, lui reprocher un manque de crédibilité et trouver invraisemblable l’idée qu’un héros puisse voyager assis sur un boulet de canon. On peut lire Mûnchhausen en regrettant que ce ne soit pas bien sérieux comme histoire, c’est certain. Mais c’est surtout se tromper de grille de lecture.

Ici, c’est la même chose : Il y a sans doute plus d’idées qu’on en fait crédit à Waititi sous ses aspects bouffons mais celà n’empêche pas un certain nombre de maladresses, qui font que le film est à la fois décousu mais peut-être plus tenu que Ragnarok (comprenez : dans une ambiance similaire mais avec l’expérience acquise du film précédent). La fin, douce-amère, permet à Thor de grandir à nouveau, de cesser de faire l’enfant. Mais de quel Thor parlons-nous ? C’est là toute la question, alors chut. Enfin notons que le film s’accompagne de deux scènes post-génériques (y compris une vraiment à la toute fin) qui sont un peu à l’image de Love & Thunder car elles laissent songeur sur les potentialités à venir (pour la deuxième) et reflètent aussi le côté maladroit (la première) en ajoutant un héros Marvel bien connu au MCU mais en lui donnant le charisme d’une huitre. En définitive Love & Thunder n’est pas un chef-d’œuvre du cinéma mais ce n’est pas non plus la pire merde qui soit (même si, on le sait, l’excès est une bonne manière d’avoir des « hits » quand on pond des chroniques sur les films Marvel, pour mieux revenir le lendemain faire des news sur le casting du prochain). Il ne s’agit pas de s’en sortir d’une pirouette pour dire que le film (pas absolument mauvais mais pas absolument parfait) se cacherait dans une zone grise « centriste », mais bien de refléter une réalité un peu plus complexe : Love & Thunder fait mouche par moments mais à d’autres nous laisse sur notre faim (à l’image d’un Gorr qui aurait trop attendu de ses idoles et par conséquent se serait trompé ?). Parce que l’embryon de certaines idées est bien là, mais traité au pas de course.

Marvel Studios n’en a clairement pas terminé avec Thor, la promesse est déjà là. Mais là où le film nous laisse, on se demande bien quelle sera la route empruntée et comment/pourquoi certains protagonistes pourraient rebondir.

[Xavier Fournier]

Thor: Love & Thunder, de Taika Waititi, sortie dans les cinémas le 13 juillet 2022.

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