Review: Werewolf by Night
6 octobre 2022Ne vous laissez pas berner par le titre « Werewolf by Night » ! Disney+ introduit cette semaine non pas un lycanthrope solitaire mais bien tout un nouveau pan de son univers, ce qu’on pourrait qualifier de quartier des monstres, via un exercice un peu particulier. Un téléfilm pratiquement sans couleurs qui plaira sans doute aux fans de vieux classiques du Fantastique ainsi qu’aux fans hardcore de Marvel. Le public néophyte, lui, risque de s’y égarer un peu…
Après la mort d’un chasseur de monstres emblématique, ses collègues s’assemblent chez lui pour décider de qui s’emparera de son héritage. Pour prouver leur valeur, ils doivent affronter un monstre. Oui mais voilà, pas forcément celui auquel vous vous attendiez.? Au début des années 70, avec l’affaiblissement du Comics Code et de la censure morale dans les comics, Marvel importa dans son univers les grandes figures du cinéma et de la littérature fantastique. D’un coup, Dracula et le Monstre de Frankenstein firent leur apparition, accompagné du Loup-Garou (alias Jack Russell) et de quelques autres créatures « maison ». L’éditeur les a parfois qualifié de « Légion des Monstres » et c’est à une partie de ce catalogue que Werewolf by Night fait appel.
PASTICHES
Introduire des monstres occultes, un brin baroques, dans le MCU, cela demandait sans doute un changement de règles, pour jouer sur une forme différente de suspension volontaire de l’incrédulité. Résultat, comme le montrait déjà la bande annonce, la plus grande partie de ce téléfilm de 52 minutes est réalisé en noir et blanc, avec des allusions marquées, revendiquées, au cinéma des années quarante (bien que l’action se passe visiblement de nos jours). Finalement on retrouve un petit peu de la logique de Wandavision, qui était déjà de s’approprier les codes d’une ère révolue de l’audiovisuel, avec un regard un brin parodique. Cela aide le réalisateur Michael Giacchino (plus connu pour sa longue carrière de compositeur) pour son premier film long, lui permettant de recourir à des effets mélodramatiques atténués par ce noir et blanc (effets qu’on lui pardonnerait sans doute avec beaucoup plus de mal si c’était en couleurs et si l’on n’avait pas cette impression de cliché volontaire). Harriet Sansom Harris (l’ex-Felicia Tilman de Desperate Housewives) en particulier s’en donne à cœur joie, éructant menaces et règles du jeu. Après, évidemment, comme tous les effets forcés, celui-ci peut s’avérer clivant. Il y aura forcément une clientèle qui accrochera et une autre pour qui il y aura une impression de balle perdue.
MONSTRES
A une époque Marvel publiait une anthologie titrée « Where monsters dwell » (« là où rôde les monstres ») et vu que la phrase est mentionnée dans ce téléfilm, on a toutes les raisons de penser que cela a été un titre de travail du projet, d’autant plus que le Loup-Garou se fait désirer pendant toute une longue partie du récit. Ce n’est pas forcément désagréable car l’acteur Gael García Bernal se tire assez bien de l’exercice, même s’il incarne un Jack Russell fort différent de celui des comics, en un sens beaucoup plus mûr. C’est un peu à travers le regard de Jack que l’on découvre cette foire aux monstres et aux chasseurs de monstres. Les fans de comics auront néanmoins de quoi se mettre des choses sous la dent en matière d’apparitions de personnages tirés des comics. Laura Donnelly (Amalia True dans The Nevers) ne ressemble pas du tout à son modèle des BD (et en un sens elle pourrait passer pour la petite sœur de Jessica Jones) mais elle d’autant plus efficace qu’elle joue une protagoniste généralement toute en retenue, qui a quand même une ou deux scène d’action.
EXPERIENCES
Marvel Studios expérimente avec Werewolf by Night. C’est la première fois (mais pas la dernière, puisqu’il y a un spécial Guardians of the Galaxy) que le studio se sert de Disney+ pour un « one shot », c’est à dire un téléfilm et pas toute une minisérie qui nous servirait les origines du nouvel arrivant. En fait, c’est même un peu le contraire puisqu’il ne s’agit pas réellement des origines de Jack Russell (on peut considérer, par contre, que ce sont celles d’un des personnages qui l’accompagnent). De facto, ce n’est pas la chose la plus facile d’accès que Marvel ait mis sur le marché et il y a de vrais bonus pour qui connait les comics concernés. Parfois, il s’agit de simples allusions qui ne braqueront pas le grand public puisqu’il ne les saisira même pas (par exemple le cadavre dans le cercueil a une furieuse allure du Monstre de Frankenstein tel qu’il apparaissait chez Marvel à la fin des années 70). D’autres fois il faut faire en particulier avec une créature livrée sans explication, sans mode d’emploi de ses pouvoirs et sans dialogue véritable. Ce qui est d’autant plus étonnant qu’elle avait déjà été « induite » dans l’un des films de Marvel Studios.
SANS ORIGINE
L’objectif, on le disait, ce n’est pas de raconter l’origine de Jack Russell mais bien d’introduire tout un pan de personnages, quitte à y aller à coup de chausse-pied et d’archétypes (ce que les monstres de Marvel dans les années 70 étaient, il faut bien le reconnaître). Disons-le carrément, si cette histoire de chasseurs de monstres aurait pu paraître idéale pour utiliser un certain chasseur de vampires, Blade n’est pas des réjouissances (il faut croire que les vampires sont à part des autres monstres). On croise un autre personnage horrifique important de Marvel mais de façon assez oblique, qui fait qu’un public non préparé ne saisira pas (ou en tout cas pas forcément) son importance. Michael Giacchino s’amuse de quelques éléments appuyés, revendiquant plus de mauvais goût que le tout venant des productions Marvel (par exemple avec la scène de l’automate ou encore quelques trainées sanglantes). La volonté n’est pas d’aller vers un thriller psychologique (ce n’est pas l’endroit) mais bien d’assumer cette notion de « foire aux monstres ». Si l’on prend Werewolf by Night pour ce qu’il est (un téléfilm en noir et blanc sans prétention, pensé pour introduire d’un coup deux ou trois personnages hors norme), le contrat est rempli. Et on appréciera que Disney n’ait pas jugé utile de diluer la sauce dans une série télévisée de six heures. Dans l’état, ces personnages « existent » désormais et on pourra les retrouver en état de marche une prochaine fois. Ceux qui n’ont jamais entendu parler de Jack Russell ou de son meilleur pote risquent cependant d’être un poil paumé…
[Xavier Fournier]Werewolf by Night, sur Disney+, à partir du 7 octobre 2022